La science avance à pas de géant, au sens propre comme au sens figuré. En 2018, l'équipe de Grégoire Courtine et de Jocelyne Bloch, neuroscientifiques de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse), découvrent que la stimulation électrique épidurale (SEE), utilisée dans le cadre d'exercices de rééducation, remodèle la moelle épinière de patients paralysés moteur à la suite d'une lésion médullaire (située dans la moelle épinière) (article en lien ci-dessous). Les deux chercheurs créent alors un implant qui envoie de petits courants électriques dans le bas du dos et stimulent les neurones responsables de la marche. Les trois participants à l'essai clinique (ayant une sensation minimale dans les jambes) peuvent alors marcher à nouveau, seul ou avec des béquilles. Depuis, le duo Courtine/Bloch n'a jamais cessé de travailler sur cet implant révolutionnaire.
Recâblage des neurones de la moelle épinière
Quatre ans plus tard, l'essai est réitéré mais, cette fois, sur des personnes qui ont perdu toute sensation dans les jambes. L'expérience, publiée le 9 novembre 2022 dans la revue scientifique Nature , est à nouveau concluante. Neuf individus, dont trois avec une paralysie complète et aucune sensation dans les jambes, ont participé à l'étude. Ces derniers ont pu « remarcher, se tenir debout, se remuscler » à l'issue d'un entraînement à raison de quatre à cinq fois par semaine pendant cinq mois. À la fin de la période d'étude, ils ont pu marcher environ 50 mètres en six minutes, en moyenne. Quatre des participants ont même pu se déplacer sans aucune stimulation électrique, suggérant que l'aide technique a induit un recâblage des neurones de la moelle épinière. Si la taille de l'échantillon de l'étude est réduite (neuf participants seulement), les promesses de cette découverte sont immenses. « La quantité d'espoir que cela donne aux personnes atteintes de lésions médullaires est incroyable », a ainsi précisé Marc Ruitenberg, neurologue à l'Université du Queensland à Brisbane, en Australie.
Les neurones de la remarche
Mais les recherches de Courtine et Bloch ne s'arrêtent pas là ! Les scientifiques ont également élaboré un « atlas moléculaire » de la moelle épinière puis développé des algorithmes d'intelligence artificielle pour identifier les neurones actifs lors de la restauration de la marche. Appelés Vsx2, ces neurones ne sont pas sollicités pour la motricité en règle générale mais deviennent essentiels pour la récupération de celle-ci après une lésion de la moelle. Selon les scientifiques, cette découverte devrait permettre d'ouvrir la stimulation électrique épidurale à un plus grand nombre de patients paralysés via de nouvelles « thérapies ciblées », apprend-on dans Nature. « Il serait vraiment intéressant de voir si la perte de contrôle de la vessie, des intestins et de la fonction sexuelle peuvent également être améliorés avec cette technologie (la stimulation électrique épidurale, ndlr) », ajoute Grégoire Courtine.