Paris 2024: para athlète venue d'Irak de l'or plein les yeux

Quand Najlah Imad s'initie au tennis de table, son entourage en Irak pense qu'elle s'épuise pour rien. Dix ans plus tard, la championne amputée des jambes n'a rien perdu de sa ténacité. Qualifiée pour les Jeux paralympiques de Paris, elle vise l'or !

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Les mains d’un joueur de tennis de table qui s’apprête à lancer sa balle.

Par Tony Gamal-Gabriel

Le tennis de table "a changé ma vie. J'y consacre tout mon temps", confie Najlah Imad à l'AFP, dans la cour d'un centre sportif délabré de sa bourgade de Baqouba, au nord-est de Bagdad, où l'athlète multi médaillée s'entraîne toujours.

Amputée des jambes et d'un avant-bras

Elle avait trois ans, le 19 avril 2008, quand elle a perdu ses deux jambes et son avant-bras droit, dans l'explosion d'un engin explosif fixé à la voiture de son père, ex-militaire. Cette histoire familiale, elle la raconte d'un ton presque détaché, tant des expériences semblables ont accompagné les générations ayant grandi dans un Irak déchiré par des décennies de guerre.

Une énergie positive

Petite brune de 19 ans, le visage encadré par des cheveux noirs sagement coupés au carré, Najlah Imad exhibe un sourire à toute épreuve, qui ne la quitte que quand elle empoigne sa raquette de ping-pong. Elle se concentre alors sur ses coups, ses sourcils se froncent et l'éclat de ses yeux rieurs durcit. "En me lançant dans le sport, j'ai rencontré d'autres joueurs avec des handicaps, qui pratiquaient même s'il leur manquait un membre, poursuit-elle. Ils avaient tellement d'énergie positive, ça m'a encouragée."

Un beau palmarès

Quand elle a dix ans, un entraîneur cherchant à monter une équipe paralympique s'invite dans sa maison. Six mois d'entraînement, et Najlah Imad participe à son premier championnat, rassemblant toutes les provinces irakiennes. Elle gagne. "J'étais la surprise de la compétition", se souvient-elle, d'une fierté candide. A l'étage de la maison familiale, une étagère croule sous les trophées et médailles, glanés au fil de la trentaine de compétitions internationales auxquelles elle a participé.

Des entraînements en Irak et à l'étranger

Elle était à Tokyo en 2021 pour les JO paralympiques, avant de remporter en 2023 une médaille d'or en Chine aux championnats paralympiques d'Asie. Généralement, elle s'entraîne quatre jours par semaine, dont deux à Bagdad, où elle se rend accompagnée de son père. Pour mieux préparer les rencontres internationales, elle s'envole vers l'étranger afin de profiter d'infrastructures sportives de pointe, au Qatar par exemple, où elle était en mars, en vue des Jeux paralympiques de Paris, du 28 août au 8 septembre.

Subventions et infrastructures déficientes

Etoile montante du sport, elle bénéficie de subventions mensuelles -modestes- du comité paralympique irakien, outre la prise en charge de certains voyages pour les compétitions. Malgré les succès, son quotidien reste lié à Baqouba et à son centre sportif. Dans une salle poussiéreuse aux vitres cassées, quatre tables de ping-pong mangent tout l'espace. Le cliquetis incessant des balles résonne tandis que s'affrontent huit joueurs, femmes et hommes, l'un d'eux en fauteuil roulant. "Les tables sur lesquelles on s'entraîne, c'est de la seconde main. On a dû les réparer pour les utiliser", confie à l'AFP l'entraîneur Hossam al-Bayati.

Même cette salle sommaire menace de leur être retirée, assure celui qui a rejoint en 2016 les entraîneurs de l'équipe nationale de tennis de table paralympique. Un discours qui ne surprend pas, dans un pays pourtant riche en pétrole mais miné par la corruption et des politiques publiques défaillantes : les professionnels du sport déplorent régulièrement infrastructures et équipements déficients ainsi que des subventions insuffisantes.

Une motivation à toute épreuve

Sur son moignon droit, la sportive enfile un tissu noir avant de fixer sa prothèse, qui l'aide à s'appuyer sur sa béquille. De sa main gauche tenant sa raquette, elle lance la balle dans les airs, l'expédie par-dessus le filet. A ses débuts, la famille était réticente. "C'est un sport impliquant du mouvement, moi il me manque trois membres, j'étais jeune", se souvient-elle. "Mes proches, la société, disaient 'C'est pas possible, tu vas te fatiguer pour rien'." Après sa première victoire, son père Emad Lafta réalise qu'il faut la soutenir, tant elle était "passionnée". "Elle a persévéré. Elle a surmonté un défi personnel et a défié le monde", reconnaît M. Lafta, qui a sept enfants en tout.

Un autre regard grâce au sport

Avec le ping-pong, "elle se sent mieux psychologiquement, le regard de la société a changé", se réjouit-il. "Les gens nous félicitent, dans la rue il y a des filles qui veulent se photographier avec elle." Lycéenne, Najlah Imad rêve d'être présentatrice. "Même quand elle voyage elle prend ses livres pour réviser pendant son temps libre. Durant le trajet pour Bagdad, elle étudie." A Paris, l'objectif c'est la médaille d'or, espère le sexagénaire. "Quand elle nous promet quelque chose, elle s'y tient."

© Photo d'illustration générale / Stocklib / Srinrat Wuttichaikitcharoen

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