Handicap.fr : Tout d'abord, qui êtes-vous Sylvie Guillaume ?
Sylvie Guillaume : J'ai été élue pour la première fois conseillère régionale en Rhône-Alpes, puis adjointe au maire de Lyon déléguée à la prévention-santé et aux handicaps avant de prendre également en charge les affaires sociales. Députée européenne dans le groupe Socialistes et Démocrates depuis 2009 de la circonscription du sud-est (Corse, Rhône-Alpes et PACA), j'ai été élue vice-présidente du Parlement européen en juillet 2014.
H.fr : A ce titre, le 13 novembre 2014, vous avez accueilli, au Parlement européen, une rencontre de plusieurs partenaires engagés pour défendre l'accès des personnes en situation de handicap à l'emploi.
SG : Oui, j'ai été particulièrement heureuse d'être l'hôte de cette réunion. Entreprises, représentants du monde économique, Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes (CFHE), Forum européen des personnes handicapées (EDF), tous ont pu échanger sous la houlette de l'ADAPT, qui est l'acteur essentiel de la 18ème édition de la Semaine pour l'Emploi des personnes handicapées, qui s'est déroulée du 17 au 23 novembre un peu partout en France.
H.fr : Quel était l'objectif de cette rencontre ?
SG : Faire le point et impulser une nouvelle dynamique à l'échelle européenne autour d'acteurs majeurs pour l'emploi et la sécurisation des parcours des personnes en situation de handicap. Je suis en effet convaincue que les échanges de bonnes pratiques et une action militante commune auprès des autorités susceptibles de faire bouger les choses constituent les chemins à suivre.
H.fr : Y-a-t-il urgence à agir ?
SG : En effet ! 16% de la population active de l'Union européenne est porteuse d'un handicap et le taux de chômage est deux fois plus élevé dans cette population que chez les personnes valides. En outre, à cette situation, s'ajoute une crise économique qui perdure, avec des coupes sombres et une politique d'austérité unilatérale qui touche plus durement encore les plus vulnérables. Ainsi faut-il constater aujourd'hui que 21% des personnes handicapées vivent au-dessous du seuil de la pauvreté.
H.fr : Ces données montrent-elle que notre modèle social européen, basé sur le principe de solidarité, se trouve fortement fragilisé ?
SG : Oui, et la tentation est forte, un peu partout en Europe, de chercher à faire des économies en réduisant les budgets consacrés aux services destinés aux personnes en situation de handicap.
H.fr : Face à cette situation, alors qu'elle ne dispose pas de compétences législatives en la matière de handicap, que peut faire l'Union européenne ?
SG : Faire porter ses efforts sur les populations des jeunes en situation de handicap qui connaissent un taux d'emploi très faible et qui constituent ainsi la catégorie la plus à risque d'exclusion sociale. L'Europe peut encourager des bonnes pratiques repérées dans différents États membres. Par exemple garantir un placement rapide dans l'emploi afin de maintenir la dynamique, préserver l'adéquation des compétences ou aider les employeurs pour le recrutement, la formation et le maintien dans le poste de leur personnel atteint d'un handicap.
H.fr : L'Europe mesure-t-elle vraiment l'étendue de cette situation ?
SG : Oui mais pas suffisamment, et c'est bien pour cela que, dans le cadre de la révision de la stratégie 2020, il faut que l'Union européenne se dote d'indicateurs permettant de chiffrer la réalité concrète de la situation de l'emploi des personnes en situation de handicap, afin d'inciter tous les États membres à enfin jouer le jeu et à s'impliquer dans un réel changement.
H.fr : Un autre volet possible dans cette feuille de route est l'adoption rapide la directive anti discrimination qui couvre les personnes en situation de handicap…
SG : C'est en effet une priorité, même si la tâche est ardue. Ce texte majeur devait venir compléter l'arsenal législatif déjà existant en matière de discriminations raciales et d'égalité hommes-femmes, mais il reste obstinément bloqué par un certain nombre d'États membres au Conseil. Parmi eux, certains estiment que ce texte empiète sur leurs compétences nationales et va à l'encontre des principes de subsidiarité et de proportionnalité. D'autres se disent préoccupés par les conséquences pratiques, financières et juridiques de la proposition. Pourtant ce blocage doit absolument être levé. Et je m'y emploierai en tant que rapporteure fictive pour mon groupe.
H.fr : On le voit, le rôle de l'Union européenne n'est donc pas anodin. Alors quid des politiques nationales ?
SG : En effet mais ce rôle doit être parfaitement articulé aux programmes nationaux et locaux menés en direction des personnes en situation de handicap. Il doit, en outre, valoriser le travail mené par les acteurs associatifs dont l'engagement est la pièce maîtresse du dispositif. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour réussir le pari de l'intégration, mais ayons toujours en tête que le degré de développement d'une société se mesure à l'aune de ce qu'elle fait pour les plus vulnérables…