Le 15 décembre 2015, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la compagnie Easyjet, condamnée en première instance puis en appel pour discrimination fondée sur le handicap (article en lien ci-dessous). Elle avait, entre novembre 2008 et janvier 2009, refusé l'embarquement à trois passagers handicapés sur trois vols différents, au prétexte qu'ils voyageaient seuls en étant en fauteuil roulant. L'APF (Association des paralysés de France) s'était constituée partie civile au motif que « ce refus d'embarquement fondé sur le handicap relève bien d'un acte clairement discriminatoire ». Elle espérait une décision exemplaire ; elle a été entendue. L'arrêt de la Cour de Cassation confirme la condamnation en appel d'Easyjet au paiement d'une amende de 70 000 € et au versement de dommages et intérêts à chacun des trois plaignants, ainsi que d'un euro symbolique à l'APF.
Ce que dit le règlement européen
Rappelons que le Règlement européen du 5 juillet 2006 relatif au transport aérien des personnes handicapées et à mobilité réduite interdit toute forme de discrimination lors des réservations et du transport de ces passagers par avion pour tous les vols fréquentant les escales au sein de l'Union européenne (article en lien ci-dessous). Si des motifs de sécurité sont invoqués, la réglementation en stipule les conditions exactes. Dans l'affaire Easyjet, les trois plaignants jouissaient de toute leur autonomie et ne requéraient aucun service particulier à bord. Le Règlement européen impose, par ailleurs, aux gestionnaires des aéroports une obligation d'assistance pour les personnes handicapées et à mobilité réduite sur toutes les plates-formes aéroportuaires de l'UE jusqu'au siège dans l'avion à l'embarquement et depuis le siège de l'avion lors du débarquement (annexe 1, art.8 du Règlement), ainsi qu'une obligation d'assistance pour se rendre aux toilettes (annexe 2, art.10).
Une décision fondamentale
L'APF, en lien étroit avec le Forum européen des personnes handicapées (organe représentatif de l'ensemble des associations de personnes handicapées de l'Union), se dit particulièrement attentive à ce que l'ensemble des prestataires de services de transport n'opposent pas systématiquement et sans discernement des motifs de sécurité aux personnes handicapées et à mobilité réduite, menaçant du fait même leur droit fondamental à se déplacer où elles veulent et comme elles l'entendent, à l'égal de tous les autres citoyens. « La décision de la Cour est à ce titre fondamentale et symbolique, se félicite l'APF ; elle représente une victoire pour les personnes en situation de handicap, victimes encore trop souvent de refus d'embarquement dans les transports aériens, ce qui constitue une grave entrave à leur liberté de circuler. »
Les trois affaires en détail
Miloudi Hafa, habitué à emprunter seul depuis 27 ans les transports aériens, commande son billet d'avion sur le site internet d'Easyjet, en faisant mention de son handicap. Le 9 novembre 2008, comme il en a l'habitude, il se présente au comptoir d'embarquement à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle pour un vol à destination de Casablanca ; on l'informe alors que l'accès à l'avion lui est refusé au motif que les personnes en situation de handicap utilisatrices d'un fauteuil roulant ne sont pas autorisées à voyager seules sur la compagnie Easyjet. M. Hafa propose de signer une décharge de responsabilité, ce qui lui est refusé. Un responsable de la compagnie lui confirme le refus d'embarquement, et l'informe qu'Easyjet ne prend pas en charge les frais liés à l'acheminement par une autre compagnie aérienne.
Laurent Giammartini se présente au comptoir de la compagnie Easyjet le 19 novembre 2008 pour effectuer un vol retour à destination de Nice. Le personnel chargé de l'embarquement à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle lui refuse l'embarquement au même motif. Ce passager indique que le vol aller, au départ de Nice, a été effectué sur la même compagnie, sans qu'aucune norme de sécurité ne lui soit opposée pour faire obstacle à son embarquement sans accompagnateur.
Karine Viera, habituée à voyager seule sur d'autres compagnies, commande son billet d'avion sur Internet pour un vol à destination de Porto, en cochant la case précisant qu'elle est en fauteuil roulant. Le 12 janvier 2009, le personnel chargé de l'embarquement à l'aéroport de Roissy lui refuse l'embarquement. Elle se rend au comptoir principal de la compagnie où on lui confirme le refus d'accès au vol et l'absence de remboursement de son billet.