Handicap.fr : Comment la PCH (prestation de compensation du handicap) parentalité, dédiée aux parents en situation de handicap pour les aider à s'occuper de leurs enfants, a-t-elle vu le jour ?
Le cabinet de Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap : Début 2020, un groupe de travail est formé pour élaborer la PCH parentalité, demande historique des acteurs du champ du handicap. Elle permet de couvrir les besoins d'aides des parents en situation de handicap, s'ils sont titulaires d'une PCH pour leurs besoins personnels. La Conférence nationale du handicap (CNH) concrétise cette mesure et le Premier ministre ancre dans le marbre la mise en place de cette prestation le 1er janvier 2021. 200 millions d'euros sont ainsi débloqués, un budget très conséquent pour 17 000 bénéficiaires potentiels, qui révèle l'engagement fort du gouvernement.
H.fr : Il y a deux forfaits. Commençons par celui dédié aux aides techniques…
CSC : Outre l'aide humaine, le groupe de travail dédié a mis en évidence la nécessité de couvrir également les aides techniques, parce que le matériel pédiatrique, devant être systématiquement adapté aux besoins de chaque parent (table à langer amovible, poussette et baignoire adaptées...), est beaucoup plus coûteux. 1 400 euros seront ainsi versés à la naissance, puis 1 200 à ses 3 ans et 1 000 à 6 ans, ce qui correspond à l'entrée dans chaque cycle scolaire. Ce forfait est versé pour chaque enfant, y compris en cas de naissances multiples. Les montants des aides sont définis dans l'arrêté du 17 décembre 2020 (en lien ci-dessous).
H.fr : Maintenant, quid du forfait « aide humaine » ?
CSC : Nos difficultés étaient d'assurer une mise en place rapide et acceptable par les Maisons départementales des personnes handicapées. Nous sommes donc partis des besoins des parents mais aussi de la manière dont les MDPH notifiaient ces aides, ce qui revenait à les traduire en heure. Cette aide s'élève à 30 euros, net, par heure, et est donc très supérieure au Smic (8,04 euros en 2020), notamment pour permettre l'intervention de Techniciens en intervention sociale et familiale (TISF). Les parents toucheront 900 euros maximum par mois les trois premières années de vie de l'enfant (0-3 ans) (ce qui se transcrit par la notification d'une heure d'aide par jour) et 450 euros de 3 ans jusqu'au 7e anniversaire de l'enfant(soit 30 minutes).
H.fr : Si les deux parents sont en situation de handicap ?
CSC : C'est une aide à la personne donc chacun d'eux peut l'obtenir.
H.fr : Et lorsqu'il y a plusieurs enfants ?
CSC : Le parent perçoit une seule aide, correspondant au nombre d'heures accordées pour le plus jeune de ses enfants. Pour des jumeaux, un seul forfait aide humaine est accordé.
H.fr : Concrètement, par exemple pour un enfant de 0 à 3 ans, comment utiliser cette somme ?
CSC : Le doit à la PCH parentalité est ouvert au 1er janvier 2021. A partir de cette date, le parents qui déposent leur dossier à la MDPH ont la possibilité de bénéficier de cette somme de 900 euros par mois. Prenons un exemple. Des parents qui font appel à une assistante maternelle 35 heures par semaine lui versent un salaire brut de 1 550 euros. Or, comme tous les parents, ceux en situation de handicap bénéficient du Complément de libre choix du mode de garde (CMG), soit une aide de la CAF (Caisse d'allocations familiales) de plus de 600 euros par mois, et d'un crédit d'impôt de 50 %. Le coût réel des 35 heures hebdomadaires de l'assistante maternelle leur revient à 475 euros. Il pourront donc utiliser leur PCH parentalité pour couvrir cette somme, et augmenter encore significativement le nombre d'heures par semaine, en fonction des besoins du bénéficiaire, pour atteindre 900 euros maximum.
H.fr : Les parents sont-ils libres d'utiliser ce forfait ?
CSC : Oui, pour financer toute dépense d'accompagnement de la parentalité : salarié à domicile, technicien d'intervention sociale et familiale, dédommagement d'un aidant familial (y compris le conjoint, mère, frère…). Mais cela ne concerne pas les dépenses de crèche.
H.fr : Comment faire pour l'obtenir cette aide ?
CSC : Au départ, cela devait se faire sur présentation d'un certificat de naissance mais cette mesure de simplification ne figure pas dans le décret paru au Journal officiel le 17 décembre 2020 (en lien ci-dessous). Un arrêté est en cours de préparation dans ce sens. En attendant, il faut s'adresser à sa MDPH pour connaître les modalités d'attribution.
H.fr : Donc, pour résumer, prenons le cas d'un bébé né au mois de janvier 2021 et dont un des parents en situation de handicap touche déjà la PCH pour lui-même.
CSC : Concrètement, le premier mois, il percevra 2 300 euros, soit 1 400 euros pour l'aide technique et 900 euros pour l'aide humaine, puis, ensuite, 900 euros par mois.
H.fr : Et pour le parent qui élève seul son ou ses enfants ?
CSC : Il bénéficie de 50 % supplémentaires. Le forfait « aide humaine » de 900 euros s'élève donc à 1 350 euros et celui de 450 passe à 675.
H.fr : Pourquoi cette barrière d'âge de 7 ans ? L'Igas recommandait de maintenir cette aide jusqu'aux 18 ans et des associations la jugent trop basse.
CSC : On considère que l'enfant est plus autonome à cet âge et nécessite moins d'aide. Alors que les aides de la CAF s'arrêtent au 6e anniversaire de l'enfant, la PCH parentalité est prolongée d'un an, jusqu'à son 7e anniversaire.
H.fr : Vous dites que le système de forfait a été préféré pour simplifier les démarches et permettre ainsi une mise en œuvre très rapide, en quelques mois. Or l'association APF France handicap (article en lien ci-dessous) déplore un mépris du travail des MDPH, qui connaissent parfaitement les familles et savent estimer leurs besoins, et une remise en cause de leur capacité à accompagner. Elle revendique donc une PCH personnalisée.
CSC : Nous sommes vraiment surpris de ce retour... Notre objectif est d'accompagner au mieux les personnes en situation de handicap, d'où le travail sur l'octroi de certains droits à vie ou encore sur les délais pour obtenir une allocation, dont cette mesure fait partie. En revanche, nous attirons votre attention sur le fait que les MDPH ont été particulièrement touchées par la crise sanitaire, avec des équipes parfois elles-mêmes affectées en nombre par le Covid-19. Nous souhaitons donc, au contraire, les soutenir et continuer à travailler sur ces chantiers main dans la main.
H.fr : En 2022, une individualisation pourrait-elle néanmoins être envisagée ?
CSC : Nous pensons que les personnes vont rapidement s'apercevoir des bénéfices du forfait et ne sommes pas certains qu'elles voudront revenir en arrière... En revanche, il faudra peut-être affiner cette prestation, notamment pour les personnes qui, ayant plusieurs types de handicap, ont des besoins très particuliers.
H.fr : La PCH parentalité est accordée aux bénéficiaires de la PCH. Mais qu'en est-il pour certains parents, en situation de handicap psychique notamment, qui ne la perçoivent pas ?
CSC : Nous avons formé, en parallèle, un groupe de travail sur le handicap psychique afin d'améliorer sa prise en compte dans la PCH. Un rendu est programmé au premier trimestre 2021, qui, selon les conclusions, pourra permettre une évolution. L'objectif, cette année, est de bien articuler ces deux chantiers.
H.fr : Quelles sont les prochaines étapes ?
CSC : Un rapport du gouvernement sera présenté au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) le 1er janvier 2022. Nous allons mettre en place un groupe de travail dédié à l'évaluation qualitative de la PCH parentalité. Piloté par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), il intégrera en particulier les représentants des personnes handicapées et ceux des MDPH.