Il est des métiers qui usent plus que d'autres. Prématurément, souvent. Et sont parfois à l'origine de handicaps comme les troubles musculo-squelettiques liés à des postures inconfortables ou à des gestes répétés ou des risques de surdité en cas d'activités extrêmement bruyantes. C'est pour soulager, à défaut de prémunir ?, ces travailleurs que la réforme des retraites du 20 janvier 2014 a mis en place le « compte personnel de prévention de la pénibilité » qui permet de tenir compte des périodes de pénibilité, notamment dans la définition des droits à la retraite. Les salariés exposés à des situations difficiles peuvent ainsi obtenir un certain nombre de points. Selon le ministère de la santé, c'est « une mesure forte de justice sociale voulue par le gouvernement, qui permet de prendre en compte une des inégalités les plus criantes entre salariés, celle qui tient à l'espérance de vie en fonction des travaux effectués au cours d'une carrière ». Du nouveau depuis le 31 décembre 2015 avec une série de textes qui parachèvent sa mise en œuvre et la publication de 2 décrets et 7 arrêtés au Journal officiel.
4 facteurs en 2015 puis 10 en 2016
Quatre facteurs étaient déjà pris en compte depuis le 1er janvier 2015 : le travail de nuit (au moins 120 h par an), le travail en équipes successives alternantes (au moins 50 nuits par an), le travail répétitif (au moins 900 h par an) et les activités exercées en milieu hyperbare (au moins 60 interventions ou travaux par an). En 2016, six autres facteurs sont ajoutés à la liste : manutention manuelle de charge (au moins 600 h par an), postures pénibles, par exemple des positions accroupies ou à genoux forçant les articulations (au moins 900 h par an), vibrations mécaniques (au moins 450 h par an), agents chimiques dangereux, températures extrêmes (au moins 900 h par an) et bruit (au moins 600 h par an). Les textes d'application devaient les prendre en compte au 1er janvier 2016 mais la date a été repoussée au 1er juillet 2016 ; néanmoins, les salariés concernés se verront reconnaître un nombre de points correspondant à une année entière et ne seront donc pas pénalisés.
Comment ça marche ?
Un compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert pour tout salarié exposé à l'un des 10 facteurs de pénibilité prévus par la loi. Seules les périodes postérieures au 1er janvier 2015 pour les 4 premiers facteurs puis au 1er janvier 2016 pour les 6 autres facteurs pourront être prises en considération ; le compte ne pourra pas être rétroactif. Chaque trimestre d'exposition à un facteur de pénibilité rapporte 1 point (soit 4 points par an). Les trimestres d'exposition à plusieurs facteurs rapportent deux points. Pour les salariés proches de l'âge de la retraite, les points sont doublés. Ce compte qui est plafonné à 100 points sur l'ensemble d'une carrière. Les travailleurs détachés et les entreprises étrangères en France ne sont pas concernés par ce texte.
3 façons d'utiliser ses points
Le salarié peut utiliser les points de son compte de 3 manières :
La formation : pour privilégier la dimension « prévention » du dispositif, les 20 premiers points devront être affectés à la formation. Seule exception : si vous êtes proche de l'âge de la retraite, cette obligation ne s'appliquera pas.
La réduction du temps de travail : 10 points financent un mi-temps sans réduction de salaire pendant 1 trimestre.
L'anticipation du départ à la retraite : 10 points financent un trimestre de majoration de durée d'assurance.
Le Gouvernement attentif à sa mise en œuvre
Selon le gouvernement, « il appartient désormais aux organisations patronales de se saisir de ces dispositions pour mener à bien l'élaboration des référentiels de branches, permettant aux entreprises de tirer pleinement profit des marges de souplesse ouvertes par la loi du 17 août 2015. Il s'agit évidemment d'un enjeu stratégique pour les entreprises et pour les salariés. » Il promet d'organiser un suivi approfondi de la mise en œuvre de ce compte en y associant étroitement les représentants des entreprises et des salariés afin d'identifier les difficultés éventuellement rencontrées et de valoriser et diffuser les bonnes pratiques dans les travaux menés dans certaines branches.
Patronat contre syndicats
Ce compte ne fait pas forcément l'unanimité au sein du patronat. Certaines organisations ont tout de suite réagi à la publication de ces décrets. « Malgré les simplifications apportées par la loi Rebsamen, pour lesquelles le Medef s'est beaucoup battu, le compte personnel de prévention de la pénibilité, en raison de sa complexité persistante et immédiate de mise en œuvre et de son coût à moyen terme, pèsera lourdement sur la compétitivité des entreprises, a réagi le mouvement présidé par Pierre Gattaz ». De son côté, la CGPME « condamne sans réserve ce texte anti-emploi qui termine bien mal l'année 2015 ». Elle estime que « le compte personnel de prévention de la pénibilité viendra compliquer davantage encore la vie des entrepreneurs. Il coûtera cher et pénalisera les entreprises françaises. » Avis contraire du côté des syndicats… La CFDT estime que « la parution de ces décrets est enfin la reconnaissance des mauvaises conditions de travail et de leurs effets sur la santé. »
Pour s'informer en détails sur le Compte prévention pénibilité : un site dédié (en lien ci-dessous) et un numéro de téléphone unique, le 3682.
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