Et si l'avenir de la médecine régénérative se trouvait dans un poisson ? Mais pas n'importe lequel... Le Danio rerio, plus communément appelé poisson-zèbre, possède l'extraordinaire capacité de régénérer sa nageoire caudale (de la queue) lorsque celle-ci a été amputée. Ce phénomène est rendu possible par la formation d'un blastème, un groupe de cellules qui amorce et contrôle la régénération du tissu. Mieux les comprendre et décrypter leurs interactions, c'est ouvrir la voie à une meilleure compréhension de ce processus afin d'envisager, à terme, des recherches cliniques sur l'Homme. C'est à cette tâche passionnante que se sont attelés des scientifiques de l'Inserm et de l'Université de Montpellier. Ils publient les conclusions de leur étude (en lien ci-dessous), le 3 novembre 2021, dans la revue scientifique Nature communications.
Un modèle d'étude
Couramment étudié dans les laboratoires de recherche depuis les années 1990, le poisson-zèbre possède deux qualités qui font de lui un « organisme modèle » : la transparence de l'embryon et son développement externe, plus facile à observer que celui des mammifères. Par ailleurs, 70 % des gènes présents chez l'Homme trouvent un équivalent chez cette espèce tropicale. Différence majeure ? Au stade larvaire, le blastème assure la régénération de la nageoire sectionnée en seulement trois jours.
Découverte de nouvelles cellules clés
Jusqu'à présent, seules quelques cellules du blastème avaient été décrites, et les mécanismes biologiques sous-jacents demeuraient mal documentés. Les dernières recherches, menées par Farida Djouad, directrice de recherche à l'Inserm, soulignaient le rôle inédit des macrophages, cellules du système immunitaire, lors de la formation du blastème. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont révélé l'implication majeure d'une population cellulaire dérivée de la « crête neurale ». Ces cellules sont présentes chez tous les vertébrés et jouent notamment un rôle clé dans le développement de l'embryon. Chez le poisson-zèbre, « elles orchestrent le processus de régénération en dialoguant avec les macrophages et les autres cellules du blastème afin de contrôler et de réguler leur réponse, révèle l'Inserm. Ce dialogue se fait notamment via un facteur clé appelé NRG1 (gène Neuregulin 1). »
Et pourquoi pas les mammifères ?
Mais pourquoi les mammifères, qui possèdent aussi des macrophages et des cellules dérivées de la crête neurale, ne parviennent pas à régénérer leurs appendices comme le poisson-zèbre ? Cette question sera au cœur de la prochaine étude. « Nous continuons ces travaux sur d'autres modèles de vertébrés, notamment la souris, afin de mieux comprendre à quel moment du développement embryonnaire les mammifères perdent cette capacité de régénération, et pour quelle raison », explique Farida Djouad. L'objectif : identifier « LA » cellule chef d'orchestre, commune à tous les processus de régénération afin de le promouvoir puis le transposer dans le traitement de maladies dégénératives telles que l'arthrose. De là à imaginer un jour faire repousser un bras, nous n'en sommes pas là... Encore faut-il parvenir à stopper la régénération. Prochaine étape, donc : comprendre le mécanisme de désactivation des gènes. Le poisson-zèbre a encore quelques longueurs d'avance...