Bientôt un plan pour le polyhandicap, comme pour l'autisme ? En 2005 déjà, un plan avait été élaboré par les associations et proposé au gouvernement de l'époque. Sans suite ! Ce serait une première en France. Le discours de Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat en charge du handicap, à l'occasion de la conférence publique de l'Association de défense des polyhandicapés (Adepo66), « La fraternité face au polyhandicap », qui s'est tenue le 16 avril 2016, semble aller dans ce sens. Son champ lexical ne prête guère à confusion : « première étape, favorable, demande officielle, priorité »…
Un 1er « livre blanc »
Le polyhandicap, qui se définit par une association de déficiences et d'incapacités d'origines diverses, aussi bien motrices que mentales, affecte une naissance sur 1 000. Et, pourtant, qui s'en soucie vraiment ? Des associations historiques comme le Groupe polyhandicap France militent depuis des décennies. Sont-elles vraiment entendues ? De son côté, en mars 2016, l'Unapei (association de personnes handicapées mentales) lance son premier « Livre blanc » sur ce thème et entame la signature d'un pacte en régions (dès le 23 avril 2016) avec l'objectif de diffuser ces préconisations concrètes aux pouvoirs publics et recommandations aux établissements et services (article en lien ci-dessous). « Les enfants et adultes polyhandicapés restent encore en marge de notre société, regrette Christel Prado, présidente de l'Unapei. Dans les années 60, on les plaçait dans des unités de défectologie. Depuis, grâce à la mobilisation des familles et à l'évolution des connaissances et des pratiques, elles trouvent peu à peu le chemin vers une existence porteuse de sens. C'est toute la société qui doit aujourd'hui les considérer comme des citoyens à part entière ».
Mieux former les équipes de soins
Concernant la meilleure connaissance du polyhandicap, les données scientifiques et les bonnes pratiques professionnelles, la ministre se dit « favorable à ce que la Haute autorité de santé (HAS) et l'Agence nationale d'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux (l'ANESM) puissent élaborer une recommandation de bonne pratique ». Et de confirmer que des sociétés savantes et des associations y travaillent. Elle dit attendre leur « demande officielle » afin de pouvoir, avec Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, « soutenir cette initiative auprès des deux agences ». La ministre dit également vouloir « faire du polyhandicap une priorité de formation pour les équipes de soins et d'accompagnement, et particulièrement celles des établissements et services médico-sociaux ». Car, comme pour l'autisme, Monique Rongière, présidente du Groupe polyhandicap France, déplore un énorme déficit de places en institutions, mais aussi de services, qui contraignent les familles à de nombreux départs forcés vers la Belgique. Ségolène Neuville semble en avoir conscience lorsqu'elle déclare : « Je sais aussi que la qualité de l'accompagnement et des soins passent par des moyens humains suffisants et spécialisés dans les établissements. ». Pour cette raison, elle a fait inscrire dans la circulaire budgétaire 2016 le polyhandicap comme priorité fixée aux Agences régionales de santé.
Vers les bonnes pratiques ?
« Une première étape et un premier signal, selon la ministre. Nous savons bien que l'existence de recommandations de bonne pratique déclinée en programmes de formation permet aux professionnels d'utiliser les bons outils d'évaluation et les bonnes techniques d'accompagnement et de soins. Nous ne partons pas de rien dans le domaine du polyhandicap. » Ces bonnes pratiques misent sur les outils de communication considérés comme « essentiels » mais également les techniques de stimulation, notamment neurosensorielle, comme la méthode Padovan, qui permettent de solliciter les compétences et capacités des enfants concernés avec l'objectif de progresser tout au long de la vie. La ministre reconnait qu'il existe « encore trop d'endroits où les adultes en situation de polyhandicap, ou ayant une autre forme de handicap à faible autonomie, ne sont plus stimulés pour apprendre et progresser dans les gestes de la vie quotidienne et de la vie sociale. » Pour Christel Prado, « contrairement à ce que l'on croit, ce n'est pas parce que les personnes polyhandicapées sont privées de parole qu'elles ne peuvent pas exprimer leurs désirs. On ne leur prête pas toujours la capacité à comprendre or la scolarisation leur est bénéfique aussi. Pour l'avoir déjà vu, ça fonctionne. Comme les Unités d'enseignement maternelle pour enfants autistes, on peut imaginer des unités au sein des écoles ordinaires dédiées aux enfants polyhandicapés. Mais on part de tellement loin... »
Soutenir les proches
Ségolène Neuville assure également vouloir soutenir les proches, confrontés à l'épuisement, au renoncement, contraints à « une attention de chaque seconde, jour et nuit » et se dit « favorable à ce que les parents puissent bénéficier de programmes de soutien, de formation, d'aide à domicile mais aussi de répit », qui existent déjà pour d'autres situations de handicap. Pourtant, « il n'y a pas de reconnaissance de ce que les parents, souvent les mères, sont obligés de faire pour s'occuper de leur enfant, faute de solution d'accueil, s'indigne Christel Prado. La plupart quitte leur emploi sans compensation financière. » La CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) devrait donc être chargée de réfléchir à cette question avec les associations et les professionnels. La concertation ne fait que commencer et la ministre entend poursuivre « le dialogue avec les associations nationales » qui lui ont « fait part de leurs propositions ». Monique Rongière se dit « ouverte à toute proposition » et rappelle que « le plan élaboré en 2005, auquel son association avait collaboré, est toujours d'actualité ». Bientôt ressorti des tiroirs ou entièrement reformulé ?
© Unapei