Les personnes handicapées, toujours aussi invisibles à la télé ? Le 4 janvier 2018, le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) dévoile, comme chaque année, les résultats de son Baromètre 2017 de la diversité dans le Paysage audiovisuel français (PAF). Cette étude se base sur plusieurs critères tels que l'origine, le sexe, l'âge, la catégorie socio-professionnelle ou le handicap. Depuis son lancement, en 2009, on constate que les minorités ont bien du mal à se faire une place sur le petit écran. Le constat pour les personnes handicapées -une personne est considérée en situation de handicap lorsqu'il est possible pour le téléspectateur de distinguer les signes d'un handicap permanent- reste amer puisque leur représentation demeure « particulièrement faible ».
Seulement 0,6% de présence
En 2017, seules 0,6% des personnes vues à l'écran sont concernées par le handicap alors qu'elles étaient 1% l'année précédente (chiffre 2016 supérieur grâce aux Jeux paralympiques de Rio ?). Une part disproportionnée lorsqu'on sait qu'elles représentent plus de 12% de l'ensemble de la population. Les diffuseurs justifient cet écart de représentation par le manque de « télégénéité » de ce public ! Il faut également avoir à l'esprit que 80% des handicaps sont invisibles et donc pas forcément perceptibles. Mais, même en tenant compte de cet argument, on ne peut pas dire que le handicap crève l'écran.
Une charte et des clichés
Pour tenter de faire bouger les lignes et tendre vers des temps d'audiences plus égalitaires, le CSA a mis en place, en 2014, une charte favorisant la formation de personnes en situation de handicap aux métiers de l'audiovisuel, signée par des télévisions, des radios et des écoles (article en lien ci-dessous). L'idée étant que si des professionnels concernés par le handicap investissent le milieu leur représentativité à l'écran n'en sera qu'augmentée. Force est de constater que, depuis, les choses n'ont guère changé. D'autant plus que, lorsqu'elles apparaissent, les personnes handicapées campent souvent des rôles très éloignés de la réalité : vulnérables, voire miséreux, ou, au contraire, héroïques. Rarement lambda !
Quelques initiatives
Cela concerne les fictions comme les émissions. Comment peut-on expliquer qu'il y ait si peu de chroniqueurs en situation de handicap sur les chaînes du service public… et ailleurs ? Qui à part Philippe Croizon sur France 5 dans le Magazine de la santé. On peut également citer la récente initiative de Cyril Hanouna qui diffusait le 17 novembre 2017 un Touche pas à mon poste spécial handicap sur C8 (article en lien ci-dessous). Un pari risqué et pourtant un carton d'audience : 1,08 millions de téléspectateurs, une première pour l'émission ! L'initiative a été largement saluée par des téléspectateurs désireux de voir plus de personnes en situation de handicap animer le petit écran. Quelques jours auparavant, le téléfilm Mention particulière (TF1), sur le parcours d'une jeune fille trisomique qui passe son bac, avait lui aussi reçu les faveurs du public (article en lien ci-dessous).
Autres « minorités » en hausse
Malgré un résultat bien faible pour les personnes en situation de handicap, les autres minorités sont en hausse. C'est chez les personnes considérées comme « non-blanches » que l'évolution est la plus visible. En 2016, elles apparaissaient à hauteur de 16%, contre 19% en 2017. On constate néanmoins qu'elles ont souvent des rôles à connotation négative. Contrairement aux États-Unis, les statistiques ethniques sont interdites en France ; pourtant, on peut observer, à travers les chiffres du CSA, que les personnes « noires » correspondent à plus de la moitié des personnes dites « non-blanches ». De plus, ce n'est pas grâce aux programmes français que ces chiffres sont en hausse mais aux séries américaines dans lesquelles elles sont présentes à 29%, contre 20% pour les fictions françaises.
Un nouveau critère : précarité
Pour la première fois, un critère de précarité est ajouté au Baromètre de la diversité du CSA. Le pourcentage de personnes considérées comme précaires ne s'élève qu'à 5% en 2017, alors que la catégorie socio-professionnelle dite « CSP+ » est représentée à plus de 70% quand elle ne correspond, dans la société, qu'à 27% de la population française. Olivier Schrameck, président du CSA, affirme dans un communiqué : « Les progrès toujours difficiles de la diversité à l'écran demeurent un impératif pour la cohésion sociale ». Avis partagé par Mémona Hintermann-Afféjee, en charge du groupe de travail Cohésion sociale et de l'analyse des résultats, qui estime qu'il est du devoir du CSA de faire comprendre aux chaînes « qu'elles ne peuvent plus exclure une partie de la population. Si celle-ci ne s'y retrouve pas, elle se détourne alors des canaux traditionnels ». Selon elle, « il reste beaucoup à faire ».