Elle porte le numéro 2155, est encore provisoire mais pourrait bien changer le visage de nos scrutins. Une résolution a été adoptée le 10 mars 2017 par la Commission permanente du Conseil de l'Europe en faveur des "droits politiques des personnes handicapées", définis comme un "enjeu démocratique". En douze points, elle dresse un constat et fait des propositions pour lutter contre toute une série de discriminations manifestes.
Des citoyens peu visibles
Selon le Conseil de l'Europe, "les personnes handicapées sont peu visibles sur la scène politique et trop souvent encore considérées et traitées comme des citoyens de seconde zone dans la plupart des États membres." L'Assemblée parlementaire s'inquiète du fait que, lorsqu'elles essayent d'exercer leurs droits politiques, elles se heurtent à de multiples problèmes liés à l'accessibilité, à un soutien insuffisant face à la diversité des handicaps, à l'existence d'un lien injustifié entre la capacité juridique et le droit de vote et à la réticence fréquente des partis politiques. Or le Conseil de l'Europe rappelle que "les droits politiques comme le droit de voter, de se présenter à des élections et d'être élu sont des droits humains fondamentaux."
A quand des actions concrètes ?
Plusieurs textes du Conseil de l'Europe ont déjà souligné la nécessité de garantir la pleine participation des personnes handicapées à la vie politique sans qu'ils ne soient réellement suivis d'effets. Des mesures concrètes doivent donc être prises mais elles exigent des engagements politiques et financiers. Il en va, notamment, de la responsabilité des "partis politiques" qui "peuvent jouer un rôle essentiel en remédiant à la méconnaissance des droits et en encourageant la participation active des personnes handicapées". Si l'assemblée se félicite de l'adoption de la nouvelle Stratégie du Conseil de l'Europe sur le handicap 2017-2023 qui présente un train de mesures ambitieux pour promouvoir l'inclusion et la participation des personnes handicapées, et préconise sa mise en œuvre rapide, l'assemblée appelle, dans cette résolution 2155 du 10 mars 2017, les États membres à des actions concrètes.
D'électeur à élu...
Ce texte porte tout d'abord sur la "capacité juridique" : le fait que certaines personnes sous tutelle complète sont encore privées du droit de vote par décision de justice, que certains établissements de soins de longue durée ne garantissent pas les droits politiques de leurs résidents. Mais il encourage surtout la "visibilité et la participation des personnes handicapées dans le débat électoral" et à "démonter les stéréotypes concernant leur capacité à participer à des élections et à s'y présenter".
Vers un quota et une aide financière ?
Pour ce faire, le Conseil de l'Europe réaffirme la nécessité de "systématiser la collecte de données sur la participation politique des personnes handicapées aux niveaux local et national afin de s'assurer que des mesures de soutien appropriées sont prises". Sa mesure la plus radicale serait "l'instauration de quotas pour la participation des personnes handicapées aux élections locales et législatives afin d'accroître leurs participation et représentation". Y compris en octroyant "aux candidats ayant un handicap une aide financière complémentaire pour couvrir les frais supplémentaires qu'ils peuvent avoir pour mener leur campagne." Des arguments portés par certains des très "rares" élus en situation de handicap en France.
Accessibilité de la campagne
L'accessibilité aux bureaux de vote, à l'information et aux procédures, y compris aux campagnes électorales, est également au cœur des préoccupations, proposant, entre autres, la mise en place de bulletins de vote sous des formes accessibles et des appareils de vote tactiles pour les personnes aveugles dans au moins un bureau de vote par circonscription électorale ou encore de programmes politiques sous des formes accessibles, y compris des versions faciles à lire et à comprendre, avec une interprétation en langue des signes si nécessaire, des sous-titres pour les vidéos et des versions en braille. Le Conseil de l'Europe suggère de "subordonner le financement public accordé aux partis politiques à leur respect des conditions d'accessibilité".
Un élu non-non voyant sur la touche
"C'est une vraie avancée sur le sujet, on va enfin pouvoir en débattre", se félicite Matthieu Annereau. Fin janvier 2017, cet élu non voyant était mis sur le banc de touche par son parti Les Républicains, privé de mandature aux prochaines élections législatives (article en lien ci-dessous). Selon lui, cette résolution doit maintenant être débattue en France par l'Assemblée et le Sénat lors de la prochaine législature. "Un collectif de personnes handicapées aurait alors tout pouvoir de saisir l'Europe si elle n'était pas respectée". Ce "coup de pouce" de l'Union lui permettra-t-il d'être non seulement entendu mais surtout élu ?
© shocky/Fotolia