Onze anciens ministres de la Santé, dont huit ayant servi sous Emmanuel Macron, s'opposent vigoureusement aux propositions du Premier ministre Sébastien Lecornu visant à transférer certaines compétences des Agences régionales de santé (ARS) aux départements.
Dans une tribune publiée le 18 novembre 2025 dans Le Monde, ces anciens responsables politiques jugent ces transferts potentiellement risqués, notamment sur le plan de l'équité territoriale. « Il faut s'interroger », écrivent-ils, « sur la dévolution aux départements de la planification des soins de proximité », évoquée le 14 novembre par le Premier ministre.
Un « risque d'inégalités » pointé du doigt
Sébastien Lecornu a, plus précisément, annoncé vouloir engager une « réforme profonde » des ARS, bras armé de l'État pour la mise en œuvre des politiques de santé, en décentralisant une partie de leurs prérogatives au profit des préfets et des conseils départementaux. « Imagine-t-on les départements prendre la main sur les politiques d'incitation à l'installation des professionnels libéraux ? Réguler le premier accès aux urgences ? », interrogent les signataires de la tribune. « Imagine-t-on les inégalités territoriales qu'une telle approche pourrait induire, les effets de clientèles, de baronnies locales ? »
Les MDPH et l'ASE dans la ligne de mire
Les signataires dénoncent également une atteinte à l'architecture fondatrice de la Sécurité sociale : « En évoquant un transfert d'une part de la CSG et l'attribution parallèle d'une compétence santé aux départements, le Premier ministre rompt avec un principe majeur de la Sécurité sociale de 1945. »
Par ailleurs, ils questionnent la pertinence de faire des conseils départementaux les pivots des politiques de santé : « Est-on si sûr de vouloir prendre pour modèle les politiques médico-sociales des départements telles qu'elles fonctionnent aujourd'hui ? » Une critique claire visant notamment les MDPH (Maisons départementales des personnes handicapées) ou l'ASE (Aide sociale à l'enfance), souvent épinglées pour leurs lourdeurs et leurs limites.
Un front uni dans le monde de la santé
Parmi les signataires figurent Claude Evin, Roselyne Bachelot, Marisol Touraine, Agnès Buzyn, Olivier Véran, François Braun, Aurélien Rousseau, Agnès Firmin Le Bodo, Geneviève Darrieussecq, Frédéric Valletoux et Yannick Neuder. Seule ministre de la Santé d'Emmanuel Macron absente : Catherine Vautrin, aujourd'hui ministre des Armées.
La tribune fait écho à une fronde plus large. Le 17 novembre déjà, les principales fédérations hospitalières publiques et privées s'étaient positionnées contre cette réforme. Le lendemain, 24 autres organisations – parmi lesquelles Addictions France, Aides, Emmaüs France, Médecins du monde, Avec santé (maisons de santé), la ville de Nantes ou encore l'association de patients Renaloo – ont également exprimé leur opposition.
« Il faut renforcer l'efficience des ARS plutôt que les déconstruire », plaide Renaloo, mettant en garde contre un démantèlement susceptible de fragiliser l'ensemble de la chaîne de soins, notamment pour les personnes les plus vulnérables.
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