Malus rétroactif : coup dur pour les conducteurs handicapés

Dès 2026, les véhicules adaptés pourront être taxés à la revente s'ils perdent leur accessibilité. Une réforme du malus écologique dénoncée par les associations, qui y voient une sanction injuste pour les personnes handicapées.

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Une personne en fauteuil roulant entre dans sa voiture, côté conducteur.

Un véhicule adapté aujourd'hui, un fardeau fiscal demain ? À partir du 1er janvier 2026, certains automobilistes en situation de handicap pourraient voir la valeur de leur véhicule chuter brutalement au moment de la revente. En cause : une réforme du malus écologique qui prévoit qu'un véhicule initialement exonéré devra finalement s'en acquitter si, au moment de la revente, il a perdu son accessibilité.

L'acquéreur se voit donc imposer un malus auquel il ne s'attendait pas, et qui peut atteindre plusieurs milliers d'euros. Conséquence directe : il n'achètera pas, ou négociera drastiquement le prix à la baisse, rendant la revente presque impossible pour les conducteurs concernés, pourtant légitimement exemptés du malus à l'achat.

Une exonération à durée déterminée

Actuellement, l'exonération est définitive : une fois immatriculé, un véhicule ne peut plus être soumis au malus, même en cas de revente. Concrètement, jusqu'à présent, une taxe comme le malus était payée une fois pour toutes au moment de l'achat. Désormais, elle pourra ressurgir des années plus tard, si les conditions d'exonération changent.

Quels véhicules sont concernés ?

Seuls sont concernés les véhicules spécifiquement aménagés pour accueillir un fauteuil roulant. Les autres exonérations - liées à la Carte mobilité inclusion (CMI) invalidité, à une carte d'invalidité militaire ou à un enfant handicapé - ne sont pas visées par cette mesure. Leur revente ne déclenchera aucun malus, même si le véhicule est lourd ou fortement émetteur.

Une « sanction déguisée », selon la FNATH

L'association dénonce une mesure « profondément injuste et cynique » : « Si l'État reconnaît qu'il est légitime d'exonérer ces automobilistes du malus à l'achat, comment peut-il, dans le même temps, leur faire indirectement payer ce même malus au moment de la revente ? ». Elle pointe également une « sanction déguisée pour les personnes handicapées ». « Ce changement marque une rupture dans le principe de non-rétroactivité des taxes à l'immatriculation », explique Raphaël Lenoir, chargé de plaidoyer à la FNATH (Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés). « Ce mécanisme crée une inégalité de traitement entre les automobilistes, en introduisant une charge fiscale différée uniquement pour les personnes en situation de handicap », précise-t-il.

Une revente compromise, une mobilité freinée

« Une personne handicapée qui revend un véhicule accessible devra désormais prévenir l'acheteur que toute modification de l'accessibilité pourra déclencher un malus très élevé », détaille Rapahël Lenoir. Et ce, même si l'acheteur n'a pas l'intention de modifier quoi que ce soit : la seule possibilité suffit à créer la méfiance. Une menace fiscale qui pourrait rendre invendables certains véhicules. « Cela pénalise la mobilité des personnes handicapées, qui subissent déjà des coûts d'aménagement élevés », insiste-t-il. Pour la FNATH, c'est un frein conséquent à l'autonomie. « Leur retirer la possibilité de revendre leur véhicule dans des conditions équitables, c'est porter un coup de plus à leur dignité », déplore l'association.

Un frein à l'achat de véhicules adaptés

« Les véhicules adaptés sont souvent plus lourds, plus puissants… donc plus coûteux à l'achat, voire inaccessibles sans exonération » et déjà soumis à un fort malus, évité uniquement grâce à l'exonération liée au handicap. Mais si cette exonération devient réversible, c'est toute la filière qui est menacée. « Elle introduit une incertitude financière majeure pour les acheteurs, qui risquent de renoncer à s'équiper, alors que ces véhicules sont essentiels dans leur vie quotidienne », ajoute Raphaël Lenoir. À terme, c'est la chaîne entière du marché de l'occasion qui pourrait se gripper.

L'inquiétude grandissante des automobilistes

Les premiers échos de terrain ne se sont pas faits attendre. « Plusieurs adhérents s'inquiètent déjà : certains évoquent la perte de valeur de leur véhicule, d'autres la peur de ne pas pouvoir le revendre du tout », rapporte Raphaël Lenoir. Et cette inquiétude va plus loin : « L'idée de devoir justifier l'accessibilité d'un véhicule ou de surveiller son utilisation après revente est perçue comme injuste, voire humiliante. » Pour beaucoup, cette réforme n'est pas seulement une faille fiscale, c'est une atteinte à leur droit à la mobilité.

« Une transition écologique ne doit pas exclure »

« La FNATH s'est battue pour obtenir l'exonération du malus pour les personnes en situation de handicap. Ce combat avait un sens : compenser une injustice, reconnaître une nécessité. Nous ne l'avons pas mené pour que, quelques années plus tard, une nouvelle sanction vienne, par la petite porte, compliquer un peu plus l'existence de celles et ceux qui sont déjà parmi les plus fragiles », déclare-t-elle.

Selon elle, la transition écologique ne peut justifier une inégalité de traitement. Si les objectifs environnementaux sont nécessaires, ils ne doivent pas engendrer de nouvelles formes d'exclusion. Elle alerte sur ce recul silencieux de la mobilité inclusive, au nom de la fiscalité verte.

Une demande de retrait immédiat

L'association réclame le « retrait immédiat » de cette disposition, inscrite dans le projet de loi de finances 2025, et « une clarification urgente de la doctrine fiscale sur ce sujet ». « Nous avions alerté le ministère concerné dès l'examen du texte. En vain », regrette l'association. « Ce n'est pas un privilège que nous demandons. C'est une reconnaissance des besoins spécifiques liés au handicap », insiste-t-elle.

© KatarzynaBialasiewicz de Getty Images Pro / Canva

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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