Par Arnaud Bouvier
La mesure est présentée par l'exécutif comme l'un des points de "justice sociale" de son projet : une "assurance vieillesse des aidants" (AVA) doit être créée, pour permettre une "validation de trimestres élargie" à de nouveaux publics. L'idée est de répondre aux difficultés de milliers d'aidants -en majorité des femmes- qui ont réduit ou cessé leur activité pour se consacrer à un proche handicapé ou âgé. Souvent, "c'est le trou noir : elles ne cotisent pas et, au moment de la retraite, elles n'ont rien, c'est la douche froide", résume Morgane Hiron, déléguée générale du collectif "Je t'aide".
Aidante durant 28 ans : statut de "mère au foyer"
"Que le sujet soit mis sur la table, c'est positif. Mais, pour l'heure, on a encore beaucoup d'interrogations sur le périmètre exact du projet. Il ne faudrait pas créer de faux espoirs", tempère-t-elle. Marie-Noëlle Lallement fait partie de ces aidants inquiets pour leur avenir, et qui ignore si la réforme pourra s'appliquer à son cas. Pendant 28 ans, elle s'est consacrée entièrement à son fils Yoann, polyhandicapé, décédé l'an dernier. "Administrativement, c'est comme si je n'avais été qu'une mère au foyer", souligne cette femme de 55 ans, qui a très peu cotisé et peine désormais à retrouver un travail pour les dernières années de sa vie professionnelle. "Pour ma retraite, je suis dans le flou complet", soupire-t-elle.
Elargissement de l'AVPF...
Un dispositif permet déjà de répondre à ce type de situation, l'assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF). La caisse d'allocations familiales (Caf) prend le relais de l'aidant pour cotiser à sa place, lui permettant de "récupérer" huit trimestres au maximum. Pour en bénéficier, il faut cependant que le proche aidé ait un taux d'incapacité d'au moins 80 %. Le projet de loi prévoit d'assouplir ce seuil, et aussi de couvrir les aidants "ne cohabitant pas ou n'ayant pas de lien familial" avec la personne aidée. Cela devrait profiter à près de 40 000 nouveaux bénéficiaires, s'ajoutant aux 60 000 reconnus chaque année jusqu'à présent, selon le gouvernement. Autre nouveauté, les trimestres ainsi validés compteront désormais pour le dispositif des "carrières longues", qui permettent de partir plus tôt lorsqu'on a commencé à cotiser jeune.
... "insuffisant", selon les asso
Mais les associations restent sur leur faim. Avec sa "mesurette" pour les aidants, le gouvernement "présente le statu quo ou de tout petits pas comme des progrès sociaux", a ainsi raillé le Collectif handicaps, qui regroupe 52 associations. L'élargissement proposé est "insuffisant", a également jugé le collectif inter-associatif des aidants familiaux (CIAAF), qui préconise d'"aller plus loin", notamment en comptabilisant les périodes de réduction ou d'interruption d'activité professionnelle comme des périodes travaillées "à temps plein". La réforme "ne concernera que les générations futures, donc le plein effet se verra dans 30 ans ou plus", et n'empêchera pas les aidants de devoir travailler jusqu'à 64 ans comme tout le monde, regrette de son côté Marion Aubry, de l'association TouPi qui défend l'inclusion des personnes handicapées.
Plus de structures de prise en charge
En outre, le projet semble concerner principalement celles ou ceux qui aident un proche handicapé (souvent leur enfant), mais pas leur parent âgé en perte d'autonomie. "Ça ne m'étonne pas. On n'a aucune aide", se désole Stéphanie Peltier, 48 ans, qui ne travaille plus depuis six ans pour s'occuper de sa mère Nelly, 75 ans, atteinte d'une maladie dégénérative. "Les gens disent qu'ils admirent ce que je fais, mais j'aimerais bien une autre forme de reconnaissance", soupire-t-elle. Pour Morgane Hiron du Collectif "Je t'aide", les aidants, pour préserver leur retraite, auraient surtout besoin de davantage de structures susceptibles de prendre en charge leur proche, pour "éviter qu'ils soient contraints de cesser leur activité".