Par Pascale Juilliard
"Des coachs sociaux" pour étudiants, des cursus spécifiques à l'université, des aménagements dans les entreprises... Josef Schovanec, philosophe avec le syndrome d'Asperger, a suggéré le 16 mars 2017 de s'inspirer d'exemples étrangers pour favoriser l'emploi des personnes autistes. Son rapport (article et lien ci-dessous) qui va, selon la secrétaire d'Etat chargé du handicap, Ségolène Neuville, "nourrir la réflexion" sur le 4e plan autisme (2018-2022), fourmille d'exemples montrant le retard de la France par rapport à d'autres pays (anglo-saxons, Europe du Nord ou Israël).
Manque de diagnostic
Le retard commence au niveau de la connaissance de l'autisme, trouble du développement, qui touche les interactions sociales, la communication et le comportement, et peut être ou non accompagné d'une déficience mentale. Un nouveau-né sur 100 serait atteint de troubles du spectre autistique (TSA) et 650 000 personnes, dont 250 000 enfants, seraient concernées en France. Si les statistiques en matière d'emploi sont "pour ainsi dire inexistantes", cela tient en partie au fait que certaines personnes travaillent "sans savoir qu'elles sont autistes ou sans disposer d'un diagnostic juste", souligne M. Schovanec.
"Le petit chanceux du club"
Ce conférencier polyglotte de 35 ans, diplômé de Sciences-Po Paris, docteur en philosophie, auteur de plusieurs livres et chroniqueur radio (Voyage en Autistan sur Europe 1), a été diagnostiqué autiste Asperger à 22 ans. Bien qu'il se considère comme "le petit chanceux du club", il s'est heurté à de nombreuses difficultés. "Mon expérience personnelle commence à dater, puisque dans ces années relativement lointaines où j'étais en quête d'emploi, sans succès je le précise, la méconnaissance de l'autisme était bien pire encore que maintenant", a-t-il souligné, en vidéo-conférence depuis Wellington (Nouvelle-Zélande) où il est accueilli pour quelques mois en résidence d'écrivain. "Je n'ai jamais réussi à trouver d'emploi ou de stage par mes propres soins" mais plutôt "par la faveur du prince", a-t-il ajouté.
Recalés dès la visite médicale
Leur décalage avec les codes sociaux, l'extrême difficulté qu'ont beaucoup de personnes autistes à utiliser le téléphone, constituent des obstacles. A Pôle Emploi, elles semblent perçues comme une "population incompréhensible, ingérable et in fine sans solution", constate M. Schovanec. Souvent, les candidats ne franchissent pas la barrière de l'oral lors des concours ou des entretiens d'embauche, ou sont recalés lors de la visite médicale. Les entreprises refusent fréquemment d'adapter leurs horaires, ce qui leur permettrait pourtant de profiter de la "productivité souvent supérieure des personnes autistes, tard le soir, voire la nuit".
Valoriser les compétences
Alors que de nombreuses personnes autistes sont autodidactes, M. Schovanec souhaite que leurs compétences puissent être reconnues par la validation des acquis de l'expérience. Pour faciliter l'intégration à l'université, il suggère que des étudiants volontaires fassent office de "coachs sociaux", comme dans des pays anglo-saxons ou scandinaves. Les horaires des bibliothèques pourraient être élargis pour éviter que l'affluence rende impossible la concentration ou "certains rituels tels que le fait de faire le tour de sa chaise pour réfléchir". En Israël, au moins deux campus proposent des cursus spécifiquement conçus pour étudiants autistes.
Quels types de métiers ?
Parmi les métiers pouvant offrir des débouchés, M. Schovanec identifie ceux "parfois hautement techniques" liés à l'armée, ceux qui permettent des contacts avec les animaux, le travail en bibliothèque ou encore l'informatique. Certains pays, comme le Canada, favorisent l'accès des personnes autistes au métier de traducteur, qui permet une souplesse des horaires et des lieux de travail. M. Schovanec propose par ailleurs de mettre en lumière leurs compétences, à l'occasion d'événements médiatiques. Il raconte avoir été contacté il y a quelques mois par une fondation allemande, qui souhaitait constituer un groupe de personnes autistes pour essayer de déchiffrer le mystérieux manuscrit Voynich, auquel les plus grands cryptographes se sont attelés sans succès. Etienne Petitmengin, secrétaire national du CIH (comité interministériel du handicap), a reconnu "une faiblesse". "Nous avons sans doute été moins volontaires, moins actifs, moins ambitieux" concernant le diagnostic et l'accompagnement des adultes autistes, qu'avec les enfants, a-t-il estimé.
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