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Josef Schovanec, un pied au ministère

Josef Schovanec, conférencier porteur du syndrome d'Asperger, se voit confier une mission emploi au cabinet de Ségolène Neuville, décision annoncée le 19 mai 2016. À cette occasion, il revient sur la vie professionnelle des personnes handicapées.

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Illustration article Josef Schovanec, un pied au ministère

Vous êtes le premier conseiller ministériel autiste en France. Comment vivez-vous cette avancée ?
C'est un premier pas très important, inconcevable il y a encore peu. En revanche, cette nouvelle position reste un symbole qu'il ne faut pas surestimer ; je n'ai aucune grande responsabilité. L'aspect fondamental c'est qu'il y a une ouverture, même très mince, une nouvelle capacité à accueillir l'autre.

Les personnes handicapées restent-elles sous-représentées dans la sphère politique ?
Nous n'avons pas de représentation du handicap, c'est dramatique. Le terme « handicap » lui-même est tellement utilisé que l'on ne sait plus ce qu'il veut dire. Il n'est pas normal que sur plus de 600 000 personnes élues en France, les personnes handicapées représentent à peine un groupuscule. Statistiquement, si les proportions étaient respectées, 100 000 personnes handicapées seraient élues. Nous sommes encore à des années lumières de cela. Cela se ressent en termes de créativité et donne beaucoup à réfléchir en termes de progrès humain. Nous assistons à une homogénéisation terrible : plus on monte en grade, plus celle-ci est forte et tout le monde se retrouve exclu à vouloir exclure l'autre.

Vous reprochez aussi le manque de prise en compte du handicap dans la formation.
Il n'y a aucune formation handicap dans les écoles d'élite ni dans les écoles de journalisme, et la représentation du handicap dans les grands médias est désastreuse. Nous ne sommes donc pas pris au sérieux. À cet égard, la France est clairement en retard non seulement par rapport à d'autres pays occidentaux mais aussi par rapport à d'autres pays orientaux perçus ici comme arriérés. La presse française appelle le président algérien « la momie », en utilisant des qualificatifs extrêmes. Si vous posez la question aux Algériens, ils vous exposeront leur fierté d'avoir un homme âgé au pouvoir, qui ne peut plus marcher. Je me doute qu'il y a beaucoup à redire à la politique algérienne, mais cela donne à réfléchir.

Vous évoquez l'importance du job coaching. Comment le développer ?
La démarche regroupe diverses modalités, pas une pratique généraliste. Elle vaut pour la question de l'autisme comme pour d'autres formes de handicap. Dans le cadre de l'autisme, il s'agit d'enseigner des compétences sociales plus ou moins exigeantes. Si vous souhaitez être secrétaire d'accueil, la compétence sociale est très élevée, mais moindre si vous préférez réparer des ordinateurs. Le job coaching, c'est aussi veiller à ce que l'intégration se fasse bien après l'embauche. C'est un piège très classique dans le schéma de l'intégration des personnes handicapées : on part plein de bonne volonté et au bout d'une heure on oublie que la personne est arrivée. Si la nouvelle recrue doit être préparée, l'environnement, pas seulement physique, est à adapter. L'équipe et l'employeur doivent être formés pour interagir correctement, dans le cas d'une personne autiste etc. D'ailleurs, je me demande qui a fait en sorte que les timers soient rouges. C'est la couleur que les personnes autistes détestent !

Comment faire avancer la situation ?
Nous devons cesser de voir l'univers du handicap comme un monde bunkerisé, afin de pouvoir mutualiser les ressources et les talents. Certains handicaps sont des parents pauvres parce qu'ils n'ont pas les bons lobbyistes. Ils sont passés totalement à la trappe alors qu'ils rassemblent une très forte partie de la population. Je pense au cas massif de la schizophrénie qui regroupe énormément de personnes. Quand on parle de schizophrénie, on se représente l'homme au couteau qui vous attend dans une ruelle à minuit. Dans le monde de l'autisme, nous étions dans ce schéma jusqu'à il y a quelques années. Nous le sommes moins aujourd'hui mais notre situation reste précaire.

Vous êtes philosophe, écrivain, grand voyageur, et désormais conseiller ministériel. Quelle autre profession aurait pu vous plaire ?
Mon projet était d'enseigner à l'université. Cela n'a pas été possible, mais peut-être qu'un jour, je prendrai ma retraite et rejoindrai un amphithéâtre ! Je pense que dans la vie, il faut tenter de faire quelque chose d'utile d'une façon ou d'une autre. Avoir un gros salaire n'est pas fondamentalement important. J'ai rencontré beaucoup de gens devenus cadres pour des entreprises de très haut niveau qui gagnaient des sommes folles et ont tout laissé tomber. Cela m'a beaucoup donné à réfléchir. Nous pouvons avoir tellement d'activités autrement plus épanouissantes, même si elles ne sont pas socialement valorisées. La vie humaine repose sur autre chose.

Josef Schovanec était l'invité d'honneur du colloque « Regards croisés sur le handicap », organisé par Charles Gardou à l'Université Lyon 2 mardi 24 mai 2016.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Aimée Le Goff, journaliste Handicap.fr"
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