Déjà dans l'impasse ? Polémiques sur les participants et les prises de parole, incompréhension face à des messages jugés contradictoires... Quelques jours après son coup d'envoi, les critiques s'accumulent contre le « Ségur de la santé ». Cette concertation avec les acteurs du système de santé (du nom de l'avenue du ministère, à Paris), qui a été lancée en grande pompe le 25 mai 2020 par Edouard Philippe, doit permettre de « tirer collectivement les leçons de l'épreuve traversée et faire le lien avec les orientations de Ma Santé 2022, pour bâtir les fondations d'un système de santé encore plus moderne ». Mais certaines voix (ambulanciers, infirmiers libéraux…) se font déjà entendre qui dénoncent une « parodie de concertation », accusant le gouvernement de faire de la « communication ». Principal point de crispation : le choix des participants. Désireux « d'englober large », l'exécutif a invité 300 organisations au lancement. Mais, pour des raisons d'organisation, toutes n'ont pas eu droit à la parole et seuls certains participants ont été intégrés aux groupes de travail.
Le handicap à la marge ?
Le champ du handicap y trouvera-t-il sa place ? Nexem, le principal représentant des employeurs associatifs du secteur social, médico-social et sanitaire, se félicite d'être « partie prenante de la concertation » ; cela se concrétise par des contributions portées par un représentant dans chaque réunion. Autre son de cloche du côté du Collectif Handicaps qui regroupe 48 associations. Il dit avoir « saisi à plusieurs reprises le gouvernement sur les difficultés d'accès aux soins des personnes en situation de handicap depuis des années, tant à l'hôpital qu'à domicile » et, pourtant, selon lui, « aucun de leurs représentants n'a été associé à cette concertation ». A fortiori « après les expériences sidérantes vécues par les personnes en situation de handicap au plus fort de la crise covid-19 », ne pas les prendre en compte serait « un camouflet ». Selon lui, ce chantier ne « pourra être couronné de succès qu'à la condition de dépasser une approche purement hospitalière pour une approche décloisonnée, intégrant pleinement les professionnels du médico-social sans oublier ceux de l'accompagnement à domicile ».
6 contributions majeures
Il a donc décidé de transmettre sa contribution, qui porte sur six points majeurs.
• Formations obligatoires pour les pros
Il réclame tout d'abord la mise en place des formations obligatoires pour les professionnels de santé, afin qu'ils soient « formés aux singularités des patients en situation de handicap et de leur accompagnement ». Le collectif constate que des patients sont mal pris en charge et essuient parfois des refus de soins parce que le professionnel de santé se sent démuni. Résultat : un important « renoncement aux soins ».
• Tenir compte de l'expertise des patients
Il insiste ensuite sur le fait qu'il faut « prendre en compte l'expertise des patients en situation de handicap et de leurs proches », proposant par ailleurs que les auxiliaires de vie puissent « intervenir à l'hôpital, en complémentarité de la prise en charge des soignants ».
• Des services inaccessibles
Le troisième point porte sur l'inaccessibilité des locaux, des outils et des équipements de santé, encourageant à miser sur le « développement du numérique » pour concevoir des outils adaptés à tous et accompagnés dans leur utilisation. Le collectif propose également, « pour une meilleure prise en charge », la présence d'un « référent handicap intervenant transversalement dans tous les établissements de santé ». Enfin, des outils d'échanges entre professionnels de santé et patients en facile à lire et à comprendre (Falc) sont nécessaires.
• Meilleure interface entre ville et hôpital
C'est ensuite la coordination des parcours de soin entre l'hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social qui est au cœur de ses revendications, proposant de capitaliser sur la crise sanitaire actuelle qui a permis, « rapidement » de « trouver des modalités d'articulation entre le médico-social et le sanitaire ». Et de proposer la création de « nouveaux métiers à l'hôpital dédiés à cet interface», par exemple confiés à des soignants comme les infirmiers en pratiques avancées. Objectif ? Assurer la fluidité du parcours des patients, avant et après l'hospitalisation.
• Une rémunération plus juste
Cinquième contribution : aligner la rémunération des professionnels qui travaillent dans les établissements et services médico-sociaux avec ceux exerçant à l'hôpital, afin de permettre de mieux recruter sur des « métiers en tension ». Et de mentionner, par ailleurs, que « les professionnels de l'aide et de l'accompagnement à domicile, en première ligne durant la crise, attendent depuis des années une revalorisation de leur métier ».
• Une prime au mérite
Enfin, le collectif entend « introduire un système de financement lié à la qualité » par l'évaluation (certification) des établissements de santé.
Une réponse mi-juillet ?
« Tout le monde est inclus », a voulu rassurer le ministre de la Santé, Olivier Véran, précisant que « personne ne sera mis sur le bord du chemin ». Une consultation en ligne est ouverte (du 8 au 22 juin 2020), invitant les professionnels (soignants, médecine de ville, personnel des établissements sanitaires et médico-sociaux...) à faire part de leurs « témoignages et retours d'expérience ». Ce questionnaire ainsi que les résultats des travaux du Comité Ségur national et des concertations dans les territoires serviront à bâtir les fondations du nouveau système de santé annoncé. L'ensemble de ces travaux doit se terminer début juillet 2020 pour aboutir, mi-juillet, aux accords de la santé.