Par Annabel Symington
Deux ans après le 25 avril 2015, le séisme au Népal a laissé des blessures non seulement à la surface de la terre mais aussi dans les corps, dont certains sont handicapés à vie. Le jour où le sol a tremblé, faisant 9 000 morts et détruisant un demi-million d'habitations, l'ingénieur médical Samrat Basnet a ouvert ses portes pour accueillir une poignée des blessés qui ne pouvaient rester dans les hôpitaux débordés. Vingt-quatre mois plus tard, plusieurs d'entre eux sont toujours là, allongés sur des matelas dans la petite maison convertie en clinique. « Des centaines de fois, je me suis dit que je pourrais arrêter ça, reprendre ma vie normale », raconte cet employé plus habilité à retaper les machines que les hommes. « Mais quand je vois ces patients, je sais que je ne peux pas faire ça ».
7 travailleurs de santé pour 10 000 personnes
Avec sept travailleurs de santé pour 10 000 personnes - un cinquième du quota recommandé par l'OMS (Organisation mondiale de la santé) -, le pays himalayen était complètement sous-équipé pour gérer la catastrophe sanitaire provoquée par le séisme de magnitude 7,8, qui a laissé 22 000 personnes blessées. À la suite du désastre, une cohorte ininterrompue d'estropiés s'est dirigée vers la capitale Katmandou, les victimes ne pouvant être traitées dans leur région d'origine. Une fois rapidement soignés, les hôpitaux les déchargeaient pour faire place aux prochains. Nombre d'entre eux n'avaient nulle part où aller. Certains retournèrent à leurs maisons détruites où ils ne purent pas recevoir les suivis médicaux nécessaires.
3 000 personnes devenues handicapées ?
« Il n'y avait pas d'infrastructures pour faire de la rééducation ou des opérations dans la plupart des endroits touchés par le séisme. Donc, juste après, les personnes qui avaient besoin de rééducation n'ont pas pu en bénéficier et ont souffert de raideurs articulaires ou de plaies infectées », explique Sunil Pokhrel, un physiothérapeute d'Handicap International. Il n'existe pas de chiffre exact des personnes rendues handicapées à vie par le séisme mais certaines études les estiment à environ 3 000. Un pourcentage significatif de ces handicaps aurait pu être évité si les patients avaient reçu des soins adaptés, a considéré l'année dernière un rapport des Nations unies.
Un guide de montagne paralysé
Dans la maison de Samrat Basnet, un jeune homme de 28 ans git sur un lit, complètement paralysé. Krishna Hari Pudasani était guide de montagne. Mais une petite coupure à la cheville reçue pendant le séisme s'est infectée et il en a contracté le tétanos. « Je me sens si mal. Il travaillait si dur et gagnait sa vie et maintenant regardez l'état dans lequel il est », se lamente son père Lilanath, en nourrissant son fils avec un tube. La première patiente de Samrat Basnet était une femme trouvée dans une allée avec d'importantes blessures à la tête. Déchargée d'un hôpital, elle avait besoin de soins. Samrat l'a ramenée dans sa maison, où il avait du matériel médical à disposition.
Une affluence de blessés chez lui
Très vite, docteurs et infirmières appelaient son téléphone, pour savoir s'il pouvait récupérer quelques patients de plus. Au bout de quelques jours, les pièces étaient remplies : près de 25 blessés logeaient chez lui. Aujourd'hui encore, Samrat Basnet en héberge six. Il les emmène à des rendez-vous médicaux dans les hôpitaux, une équipe d'infirmières à domicile s'occupe d'eux. Les hôpitaux « les déchargent dès que possible, peut-être deux ou trois jours après qu'ils aient été opérés », relate-t-il. Face aux insuffisances du système de santé publique, cliniques privées et d'ONG prennent le relais du traitement des blessés.
Ensuite, ça ira mieux…
Sarita Tamang a bien failli perdre sa capacité à marcher après avoir eu la hanche droite écrasée par un mur. Après des mois de physiothérapie dans une tente d'Handicap International, elle a finalement réussi à remonter sur ses jambes. La jeune femme de 32 ans marche désormais avec un boitement à peine perceptible. Elle ne nécessite plus qu'une dernière opération pour enlever une broche dans sa jambe avant de pouvoir définitivement tourner la page. « Ensuite, ça ira mieux, comme c'était avant », se réjouit sa mère.
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