« Johanna était sourde et s'exprimait en langue des signes. Mais personne ne l'a écoutée, jusqu'à ce qu'on entende plus parler d'elle... » Comme Joanna, 80 % des femmes en situation de handicap seraient victimes de violences... C'est pour les mettre en lumière que Catherine Zlatkovic s'est exprimée lors de la troisième édition du concours d'éloquence organisé par la Fondation des femmes, le 7 septembre 2019, au sein de la Maison de la radio, à Paris. Elle-même sourde, elle a livré un discours engagé et poignant sur les violences conjugales et le manque d'accompagnement, en langue des signes française (LSF), qui a conquis le jury, composé majoritairement d'actrices, de journalistes et d'avocates. Elle devient ainsi la première personne en situation de handicap à remporter le « Prix Gisèle Halimi » qui dénonce les inégalités persistantes et les violences que subissent les femmes !
Johanna, brûlée vive
« On m'a dit qu'il allait changer, il m'a dit qu'il allait changer. » Catherine Zlatkovic, habituellement très souriante, dévoile ce jour-là un récit funeste. « C'est l'histoire de Johanna qui décide de quitter son compagnon jaloux et violent, l'histoire de Johanna qui avait déposé plusieurs fois des mains courantes, l'histoire de son voisin qui avait constaté les violences perpétrées au domicile conjugal. C'est l'histoire du 28 juillet 2016, où la police arrive et découvre Johanna brûlée vive ». La jeune femme, consciente quand les secours sont intervenus, a eu le temps de désigner l'auteur des faits, avant de mourir des suites de ses blessures, 17 jours plus tard. Jérôme, sourd-muet, l'avait aspergée d'essence, furieux qu'elle veuille le quitter.
Pas de langue des signes, nulle part
Catherine Zlatkovic dénonce l'emprise, « ce cycle qui aboutit aux violences conjugales, l'exclusion sociale ». Dans son viseur également, « le silence grandissant face à la langue des signes » et les difficultés auxquelles les femmes non-entendantes sont confrontées lors d'une procédure judiciaire. « Au commissariat, pas de langue des signes. Dans l'hôpital, pas de langue des signes. Dans les associations, pas de langue des signes. Chez l'avocat, pas de langue des signes. Jamais. Jamais. Le silence, partout. Et nous, découragées, on abandonne, se désespère-t-elle. Quand reconnaîtra-t-on l'importance de la langue des signes ? »
Un parcours éloquent
Ce n'est pas la première fois qu'une personne sourde s'illustre lors d'un concours d'éloquence. En février 2019, Virginie Delalande avait livré, avec passion, son parcours en tant qu'avocate handicapée, lors de la finale du Grand oral sur France 2. « A 8 ans, j'ai été rejetée par les autres, à 18, on m'a dit que personne ne voudrait se marier avec moi. Mille fois, j'ai eu envie d'abandonner, mille fois je me suis dit : 'A quoi bon ? Cela en vaut-il la peine ?' » Finalement, elle a fait le choix de se battre. Ce qui l'a sauvée, assure-t-elle, c'est le fait qu'elle soit « bavarde » mais aussi sa détermination. « Je suis devenue avocate parce qu'on m'a dit que c'était impossible, parce que je connais ce sentiment d'injustice, celui qui vous prend aux tripes et vous empêche de dormir, celui qui répète : 'Pourquoi moi ?' » Aujourd'hui, Virginie a pris sa revanche sur la vie et se dit « libre, pleine de passions et de rêves »...
Les bègues ont du bagout !
L'éloquence est l'art de toucher et de persuader par le discours. Contrairement aux idées reçues, la diction importe peu, seule l'intensité du message compte. « Le bégaiement n'empêche pas de faire passer un message et de faire preuve d'éloquence », confirme Juliette Blondeau, co-fondatrice du premier concours de l'éloquence du bégaiement (article en lien ci-dessous). L'objectif : faire de ce handicap une force constructive. Les organisateurs souhaitent aussi briser les préjugés et convaincre les employeurs que le handicap n'empêche pas le talent. Et ce n'est pas Valentin Reinehr qui dira le contraire... Ce jeune humoriste bègue a fait sensation auprès du jury de La France a un incroyable talent, sur M6, le 22 octobre (article en lien ci-dessous). Ce jour-là, c'était justement la Journée mondiale du bégaiement, qui avait pour thème « Se construire en parlant ».