Les zelliges, mosaïques colorées, ornent habituellement les façades et les fontaines des pays du Maghreb. Aujourd'hui, ce sont les places de stationnement pour les personnes en situation de handicap du Tarn qui en sont décorées grâce au travail de Fouzia, une habitante du département. Passionnée d'art depuis son enfance, et sensible au handicap, elle a lancé le projet Zellipark en décembre 2017 pour mettre fin aux incivilités et rappeler l'importance du respect de ces places réservées. « J'ai été éducatrice pendant des années et, lorsque je véhiculais des résidents, il m'arrivait souvent de ne pas pouvoir me garer parce qu'une personne valide stationnait sur une place réservée », explique Fouzia.
Le street-art pour changer les mentalités
Après plusieurs années, elle décide de se laisser du temps pour se consacrer à l'art. « J'avais besoin de créer, mais de créer quelque chose avec un message », confie cette artiste franco-algérienne, qui animait déjà des ateliers artistiques dans son travail. Elle y voit « une manière douce de faire passer un message, d'appréhender les gens et d'éveiller les consciences ». Si l'artiste a choisi les zelliges, c'est parce que « ces formes et ces couleurs assemblées créent une unité ». « C'est une image d'humanité. Peu importe la couleur ou la forme, réunis, cela peut faire quelque chose de magnifique », déclare-t-elle. Pour réaliser ses œuvres, Fouzia utilise des pochoirs qu'elle crée elle-même et de la peinture éphémère. Si certaines personnes ont émis le souhait d'inscrire également des écritures et des messages, Fouzia explique qu'elle préfère « rester dans quelque chose de visuel et esthétique pour que les gens soient d'abord attirés par la beauté du dessin et que le questionnement vienne par la suite ».
Un projet collaboratif
Pour mener à bien son projet, l'artiste s'est entourée de personnes travaillant dans le milieu du handicap. Elle se rapproche, notamment, de l'Association des paralysés de France et cherche à savoir si son projet pourrait permettre de faire avancer les choses, à sa manière. Avec les conseils de l'association, elle peaufine ses idées. Fouzia travaille également en étroite collaboration avec certaines communes pour choisir les emplacements à décorer et être en règle avec la loi. « La législation ne m'interdit pas d'embellir ces emplacements, à condition de ne pas totalement recouvrir le sigle du fauteuil roulant », explique-t-elle. Son matériel étant coûteux, la dessinatrice fait payer ses prestations : 200 euros pour un zellige temporaire et 300 euros pour un définitif. « Au départ, toutes mes créations étaient éphémères mais de plus en plus de personnes me demandent des dessins définitifs », affirme-t-elle. De plus, même si elle souhaite vivre de son art, elle reverse une part de ses prestations à l'APF.
Une démarche d'inclusion
« Mon projet s'inscrit vraiment dans une démarche d'inclusion », soutient Fouzia. Il était donc important pour elle que les personnes handicapées puissent prendre pleinement part à son projet. « J'aimerais que, elles aussi, portent ce message », poursuit-elle. Pour ce faire, elle s'est rapprochée d'établissements spécialisés avec l'objectif d'initier leurs résidents au street-art. « J'espère que, dans deux ans, je pourrai léguer mon projet à un institut qui, à son tour, prendra le relais. » En France, on observe des initiatives aussi fantaisistes, comme celle de Marie-Caroline Brazy, une habitante de Chalon-sur-Saône qui s'inspire du street-art pour dynamiser le pictogramme handicap avec des collages (article en lien ci-dessous).
© Fouzia