Le Conseil d'Etat a confirmé le 30 décembre 2014, la radiation de l'Ordre des médecins du Dr Nicolas Bonnemaison, pourtant acquitté en juin de l'accusation d'"empoisonnement" sur sept patients en fin de vie, une décision qui lui interdit définitivement tout exercice de la médecine.
Interdiction de provoquer délibérément un décès
Acquitté le 25 juin par le jury populaire de la Cour d'assises de Pau, l'urgentiste de l'hôpital de Bayonne avait été formellement radié de l'Ordre des médecins le 1er juillet. Cette décision avait été prise le 15 avril par la Chambre disciplinaire de l'Ordre, qui avait jugé que ses actes justifiaient "par leur gravité" la radiation motivée par le Code de santé publique qui "interdit au médecin de provoquer délibérément la mort". Nicolas Bonnemaison s'était pourvu contre cette radiation, finalement confirmée par le Conseil d'Etat qui a estimé que la loi "interdit de provoquer délibérément un décès", précise la plus haute juridiction administrative dans un communiqué. En conséquence, "la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins devient définitive, quelle que soit l'issue du procès devant la Cour d'assises d'appel", ajoute le Conseil.
La Cour européenne des droits de l'Homme saisie ?
Un des avocats de l'urgentiste a immédiatement annoncé son intention de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). "Nous nous y attendions. Nous irons devant la Cour européenne", a déclaré à l'AFP Me Benoît Ducos-Ader. "La manière dont il a été traité au Conseil d'État ne laissait rien augurer de bon", a-t-il ajouté. Sollicité par l'AFP, Nicolas Bonnemaison a simplement indiqué n'avoir "pris aucune décision" et qu'il ferait "le point avec les avocats dans les jours qui viennent".
Brisé mentalement et physiquement
Nicolas Bonnemaison, 53 ans, avait été acquitté de "la totalité des faits" par la Cour d'assises de Pau, à l'issue de onze jours d'audience souvent intenses, avec les témoignages de nombreux médecins et d'éminents spécialistes. Le praticien encourait la réclusion criminelle à perpétuité pour les faits survenus en 2010 et 2011.
Mais le Parquet général avait fait appel le 2 juillet de l'acquittement et Nicolas Bonnemaison sera rejugé devant une Cour d'assises, à Angers, à une date qui reste à fixer.
Un véritable acharnement ?
"Seul, l'acharnement peut expliquer de telles décisions", a réagi la présidente du Comité de soutien à l'urgentiste, Anne Montagut. "La radiation par le Conseil de l'Ordre a eu lieu alors qu'il n'avait pas eu connaissance du contenu du dossier. Le même Conseil n'a pas radié des médecins qui, eux, revendiquaient des actes d'euthanasie ce qui n'a jamais été le cas du Dr Bonnemaison et tout cela après qu'il soit passé devant un jury populaire qui l'a acquitté lors d'un procès exemplaire", s'est-elle indignée.
Le point de vue du Dr Chaussoy
"Nous ne sommes pas surpris" a renchéri le Dr Frédéric Chaussoy, poursuivi pour avoir, en 2003, aidé Vincent Humbert à mourir, avant de bénéficier d'un non-lieu. "Il y a un magistrat du Conseil d'Etat qui siège au Conseil de l'Ordre, il aurait été étonnant que le Conseil d'Etat se déjuge", a-t-il relevé, décrivant un Nicolas Bonnemaison "brisé mentalement et physiquement". "Je suis passé à travers, mais je n'ai jamais été radié, j'ai continué à travailler. Mais, lui, il n'est plus rien", a ajouté le praticien, membre du comité de soutien. "Nous allons continuer à nous bagarrer pour lui, à mobiliser le corps médical pour qu'on obtienne de nouveau un acquittement", a-t-il ajouté.
Un débat au parlement le 21 janvier 2015
Six mois après ce procès qui avait ravivé le débat sur l'euthanasie, le gouvernement a décidé de rouvrir ce dossier sensible et polémique. Deux députés, Jean Leonetti (UMP), déjà auteur d'une loi sur la fin de vie, et Alain Claeys (PS) ont fait des propositions prévoyant un droit nouveau "à une sédation profonde et continue" pour des malades en phase terminale, mais sans aller jusqu'à l'euthanasie active ou le suicide assisté. Le président François Hollande a annoncé la tenue le 21 janvier d'un débat parlementaire sans vote, qui sera suivi de la présentation d'une proposition de loi et du vote d'un texte à une date qui reste à fixer.