Le confinement, Ael l'éprouve quotidiennement depuis l'âge de 19 ans. A 33 ans, il est « l'un des plus vieux hikikomoris de France » et vit littéralement « cloîtré », « retranché ». Cet état d'isolement extrême et prolongé (supérieur à six mois), observé principalement au Japon -qui compte entre 500 000 et un million de personnes concernées-, touche désormais une dizaine de milliers de Français, principalement des hommes de moins de 30 ans. Pas de travail, aucun projet, une vie sociale qui se limite à des échanges virtuels... Ces reclus volontaires vivent à l'abri des affres de la société moderne. Un comportement incompréhensible pour les proches d'Ael qui l'ont « traité de tous les noms, rabaissé, harcelé », ne faisant que renforcer son besoin d'isolement. « Plus on critiquait mon enfermement, plus je m'enfermais ». Un cycle infernal qui ne prendra jamais fin...
Trouble schizo-affectif
Ael ne sort qu'une fois par mois pour se rendre chez le médecin et au bureau de tabac, « à midi pour être certain de ne croiser personne ». Après des années d'isolement, il a développé un trouble schizo-affectif, une maladie psychique qui se caractérise par des symptômes semblables à ceux de la bipolarité (épisodes maniaques et dépressifs majeurs) et de la schizophrénie (idées délirantes, hallucinations, comportement catatonique...). Le diagnostic est tombé après la mort de sa mère. « Il m'a fallu environ dix ans avant d'avoir le courage de consulter un psy... sur Internet », dévoile Ael, assurant qu'accepter d'être malade n'est pas simple.
Une vie virtuelle
Son quotidien ? Discuter, surfer, dessiner, débattre... « Bref, je vis sur Internet », résume-t-il. Le jeune homme a accepté de partager son quotidien avec Océane Lerouge, réalisatrice de la série documentaire « Dans ma tête », diffusée sur la plateforme numérique dédiée aux jeunes, France.tv Slash (vidéo ci-contre). Objectif : des témoignages cash pour briser les tabous sur les troubles psychiques et partager des pistes de guérison (article en lien ci-dessous). Un entretien entièrement virtuel car pour « un hiki, qui protège son cocon à tout prix, une intrusion avec des caméras est la pire chose qui pourrait arriver », explique Ael, anticipant une crise de panique. Son credo ? « Pour vivre heureux, vivons cachés ».
Parler pour déculpabiliser
L'évènement qui a déclenché ce besoin d'isolement ? « Il n'y en a pas qu'un, j'ai été violé à l'âge de 5 ans, puis à 12 ans », confie Ael qui explique ensuite avoir subi des traumatismes scolaires qui l'ont conduit, petit à petit, à « détester ce monde et ce système qui privilégient les prédateurs ». Aujourd'hui administrateur de la page Facebook Hikikomori France, il échange régulièrement avec les autres hiki et leur famille, « tentant de leur apporter un soutien moral et une aide à la compréhension ». « Lorsqu'un hiki découvre qu'il n'est pas seul, il est très soulagé, explique-t-il. Vous n'imaginez pas le sentiment que cela procure de se dire qu'il y a plein de gens comme nous, juste qu'ils se cachent... »
Prise en charge médico-psychologique
L'origine des conduites du hikikomori étant multifactorielles, la prise en charge est systématiquement adaptée à la personne, au degré de sévérité du syndrome et à ses troubles spécifiques. Première étape : consulter un médecin, afin de poser un diagnostic, confirmer ou éliminer certaines pathologies, y compris psychiatriques. Une consultation psychologique ou psychiatrique est également indispensable pour aider les patients à retrouver stabilité et confiance. « Des expériences montrent que le fait de les placer dans un environnement où d'autres personnes vivent ou ont vécu la même chose qu'eux et sont en voie de guérison peut être très aidant », relate le Centre de thérapies intégratives et nouvelles technologies.