SERAFIN-PH, c'est son nom de code. Le grand chantier de la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux (ESMS) se poursuit. Cette démarche a été lancée le 26 novembre 2014 ; le second comité stratégique s'est réuni le 21 janvier 2016. Les établissements et services médico-sociaux accueillant et accompagnant des personnes handicapées sont aujourd'hui majoritairement financés sur la base de dotations négociées historiquement, sans que cette allocation de ressources soit réellement objective au regard des besoins des personnes et des prestations apportées. A rénover donc !
Un même « dictionnaire » pour tous
La première année du projet SERAFIN a permis de construire des nomenclatures décrivant les besoins des personnes et les prestations délivrées par les ESMS en réponse à ces besoins. Dans ce travail, le gouvernement est aidé par les financeurs (Assemblée des départements de France et Assurance maladie), en lien étroit avec des associations de personnes handicapées. Il s'agit de mettre en place un « dictionnaire » qui permettra à l'ensemble du secteur d'utiliser les mêmes termes pour décrire leurs besoins et de définir, alors, des prestations cohérentes dans trois domaines majeurs : la santé, l'autonomie et la participation sociale. Les travaux SERAFIN-PH ont identifié l'accès et l'exercice de différents droits, par exemple le fait de vivre dans un logement et d'accomplir des activités domestiques mais également l'exercice de rôles sociaux comme le fait d'être élève, de travailler, d'être en situation de s'occuper de sa famille…
Partir des besoins pour définir les prestations
Les réponses devraient alors aller vers plus de souplesse, avec la combinaison de prestations, présentes dans un ou plusieurs ESMS, voire en dehors de l'ESMS, y compris dans le droit commun. Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat en charge du handicap, est convaincue que « cette réforme avance et avance bien. (…) Un consensus a été trouvé entre nous tous sur plusieurs points ». Elle affirme vouloir sortir de la logique de « place », de « case », « où c'est l'offre existante qui qualifie le besoin et détermine le parcours ». « Nous parlons d'une personne qui a des besoins d'hébergement, de soins, d'autonomie et de participation sociale, poursuit-elle. Et les prestations en regard sont diverses d'ordre éducatif, social ou sanitaire… ». Ce vaste chantier dépasse donc la seule et stricte logique tarifaire.
Une réforme « politique »
La ministre insiste sur ce point : « La réforme de la tarification est tout sauf administrative et bureaucratique. Elle est politique. (…) Un élément du puzzle, de la stratégie générale d'évolution des réponses médico-sociales proposées aux personnes handicapées. » Pour mot d'ordre : une réponse accompagnée pour tous afin de garantir un parcours sans rupture et coordonné dans toutes ses étapes. « Je ne sais pas à quel modèle tarifaire nous allons aboutir, poursuit la ministre, mais il est clair que je serai vigilante à ce que cette réforme serve d'abord et toujours l'intérêt des personnes, leur participation sociale et leur pleine citoyenneté. »
La fin de la prédominance institutionnelle ?
Vivons-nous, comme le prétend Ségolène Neuville, « une bascule de notre système encore vu par les organisations internationales comme marqué par la prédominance historique de la réponse institutionnelle. » ? Est-il venu le temps de la fameuse « désinstitutionalisation » qui se faufile dans toutes les bouches ? On ne peut pas nier que, ces dernières années, les attentes et les besoins ont évolué, revendiqués haut et forts par les personnes handicapées elles-mêmes et leurs proches. Pour Christel Prado, présidente de l'Unapei (Union de personnes handicapées mentales), « La réforme de la tarification n'est pas le seul outil au service de cette politique. Le recueil des souhaits de la personne et sa traduction en analyse des besoins est également la cheville ouvrière de toute politique au service des personnes handicapées et de leur famille. Nous nous devons de réussir conjointement ces deux chantiers. » Cette seconde phase va donc permettre de tester les référentiels sur le terrain, de mener l'étude des coûts pour que les partenaires en présence puissent commencer à réfléchir sur les modèles de tarification possibles. Et donc, si on a bien compris, sur des modèles d'accompagnement tout court ?
© Emmanuelle Dal'Secco