Ségolène Neuville l'avait déjà annoncé le 8 octobre 2015 : pour en finir avec l'exil forcé des Français handicapés vers la Belgique, un fonds d'amorçage de 15 millions d'euros serait mis en place pour permettre la création de places sur mesure à proximité de leur domicile (article en lien ci-dessous). En effet, plus de 6 500 enfants et adultes sont accueillis dans des établissements en Belgique, faute de structures adaptées en France. La secrétaire d'État aux Personnes handicapées a réitéré son propos le 21 octobre lors de la séance des questions à l'Assemblée, en réponse à Gilles Lurton (Les Républicains), en l'explicitant davantage : l'assurance maladie ne financera pas de nouveaux départs de personnes handicapées en Belgique. Selon elle, « La situation de ces familles forcées de s'exiler est inacceptable. (...) Ces départs financés par l'assurance-maladie, à partir de maintenant, c'est fini ».
Vers une orientation consentie ?
Elle ne fait qu'entériner la nouvelle mouture de l'article 21 bis, qui devrait bientôt être voté par les députés. Cet article fait largement polémique au sein de certaines associations concernées qui redoutent que la CDAPH (commission d'orientation de la MDPH) ait le pouvoir d'orienter les personnes handicapées en privilégiant les « ressources mobilisables » par rapport à leurs véritables besoins mais, selon le ministère, il « inscrit dans le marbre » la notion de Plan d'accompagnement global (PAG) qui implique que toute décision d'orientation devra recevoir l'accord des familles. Selon le cabinet de Ségolène Neuville, « l'objectif à atteindre, rapidement, est qu'une personne n'ait plus à se contenter de préconisations non suivies d'effet mais puisse avoir la garantie de solutions concrètes.»
Et en cas d'urgence ?
Mais quelle solution imminente pour les familles prêtes à se résigner à un départ faute de places à proximité de chez elle ? Selon le ministère, les commissions « cas critiques » des MDPH ont la possibilité de saisir l'ARS (Agence régionale de santé) qui, grâce à l'enveloppe dédiée, peut proposer trois alternatives à plus ou moins longue échéance : un renfort de personnel au domicile par le biais de services de type Sessad, une ouverture de places dans des établissements existants avec des moyens humains complémentaires et, à plus long terme, la construction de nouveaux établissements. Mais de reconnaître que ce dispositif inédit doit trouver ses marques ; et promet de consacrer les trois prochains mois à la gestion prioritaire de ces situations d'urgence, en suivant certains cas emblématiques de très près.
Et pour ceux qui sont déjà en Belgique ?
Quid des résidents déjà pris en charge en Belgique ? « Tant que ceux-ci n'auront pas trouvé de place en France, ce financement sera maintenu ; ce sont les nouveaux départs qui ne seront plus financés, a précisé le cabinet de la ministre ». A terme, le Gouvernement dit viser le rapatriement de tous les Français qui le souhaitent. Les seules exceptions qui peuvent être envisagées concernent les familles qui habitent près de la frontière, « pour lesquelles ce n'est pas un déchirement » de jouer les transfuges et qui ont choisi délibérément de placer un proche en Belgique ; ils pourront toujours bénéficier de la prise en charge par la France. Ségolène Neuville a rappelé que cette « stratégie spécifique pour lutter contre ces départs forcés en Belgique » avait « débuté il y a un peu plus d'un an avec l'accord entre la France et la Wallonie », permettant des contrôles dans des établissements conventionnés pour « au moins établir la qualité de l'accueil en Belgique » (article en lien ci-dessous). Ce qu'elle attend maintenant, « c'est que les conseils départementaux suivent l'exemple de l'assurance-maladie, parce que eux aussi orientent vers la Belgique ».
Un fonds insuffisant !
Le directeur général de l'Unapei, Thierry Nouvel, a demandé au Gouvernement « d'inscrire dans la loi » l'arrêt des flux de l'assurance-maladie. Il a, par ailleurs, jugé « insuffisant » le « fonds d'amorçage » de 15 millions d'euros destiné à créer des places en France. De son côté, Christel Prado, présidente de l'Unapei, salue « la décision et le volontarisme de la Ministre » et se dit « rassurée par les chantiers en cours » mais se demande « comment ce fonds d'amorçage va devenir un fonds de financement de places nouvelles en France. » Et d'ajouter que « le seul moyen de permettre aux départements de suivre ce mouvement est de soutenir l'amendement de l'Unapei qui prévoit la création d'une amende pour les pouvoirs publics qui financent les départs vers la Belgique du même montant que le prix de la place dans ce pays et qui viendrait alimenter les caisses de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) pour le financement des places nouvelles ».