Handicap.fr : Vous avez accepté, en septembre 2013, d'être la marraine de l'académie régionale de tennis fauteuil. Pour quelle raison ?
Marion Bartoli : Ma mère est infirmière et mon père médecin. Depuis toujours, j'ai été baignée dans l'aide aux autres. La relation entre le tennis et le handicap collait parfaitement à mes valeurs. Je suis persuadée que le handicap n'est pas un frein au développement personnel, et plus particulièrement à la pratique du tennis. Cet engagement me correspond à la perfection. Les responsables de cette académie, et notamment Emmanuel Mas, son président, se sont rapprochés de la Fédération française de tennis qui m'a ensuite contactée. L'idée de faire vivre aux sportifs handicapés les mêmes émotions qu'aux valides, de leur apporter du rêve, cela me plaît. J'ai donc aussitôt accepté !
H.fr : Que propose cette nouvelle académie installée au sein du Tennis Club de Rue-Le Crotoy, dans la Somme ?
MB : Elle s'adresse à tous les jeunes avec un handicap, qu'ils soient sportifs ou pas, qui ont envie de goûter au plaisir du sport. Elle propose, par exemple, à des collégiens, qui sont souvent dispensés d'EPS (éducation physique et sportive) à cause de leur handicap, de venir s'initier, sur le temps scolaire, au tennis fauteuil. On les ramène ensuite au collège après leur séance. Mais ce sont aussi des stages et des tournois, en France comme à l'étranger. L'idée, c'est de leur offrir une activité sportive, avec une pratique adaptée. Même si le projet est proposé par le Tennis Club de Rue, les entraînements se font au plus près des jeunes intéressés en s'appuyant sur un réseau de 230 clubs en Picardie. Ils sont encadrés par des entraîneurs spécialisés en tennis fauteuil. C'est une première en France.
H.fr : C'est une instance nationale ?
MB : Non, pour le moment, elle ne mobilise que les enfants de la région picarde mais, à terme, nous espérons étendre ce principe à d'autres régions françaises.
H.fr : Vous étiez également à Berck-sur-Mer fin janvier auprès des enfants malades ?
MB : Oui je m'y suis rendue pour rendre visite aux jeunes du centre hospitalier Jacques Calvé et leur proposer une découverte du tennis fauteuil. Il y avait là un jeune homme, Kenny, de l'association ELA. Malgré la leucodystrophie qui affecte ses muscles, Kenny a saisi une raquette et a échangé quelques balles. C'était un très beau moment.
H.fr : Vous êtes en effet, également, depuis peu, marraine de l'association ELA ?
MB : Un vrai coup de cœur. Juste avant mon départ pour l'Open d'Australie, en tant que consultante tennis pour Eurosport, j'ai rencontré le président-fondateur de l'association, Guy Alba. Je voulais m'impliquer dans une action caritative. Ca c'est décidé en un quart d'heure ! Nous venons tout juste de réaliser les photos de la prochaine campagne qui sera dévoilée prochainement.
H.fr : Ce jour-là, on vous a vue sur le cours dans un fauteuil roulant...
MB : J'ai échangé quelques balles avec une jeune Britannique, Lauren Jones, n°1 mondiale junior de tennis en fauteuil qui s'entraîne pour les Jeux paralympiques de Rio de 2016. J'étais évidemment, aussi, dans un fauteuil roulant ! C'était troublant car, même si je n'ai pas perdu mes repères, j'avais de vraies difficultés à placer la balle. Mais, le plus compliqué, c'était la coordination sur les déplacements. Sincèrement, quand on est face à une telle sportive, on oublie totalement son handicap. J'avais déjà joué avec le champion Stéphane Houdet. Il a remporté plusieurs tournois du grand chelem en tennis fauteuil ; son niveau est exceptionnel. Je suis vraiment admirative ! C'est d'ailleurs lui qui avait accompagné le lancement de cette académie, avant de partir en Vendée. Tous ont acquis une formidable expérience à ses côtés.
H.fr : Aviez-vous lors de votre carrière, sur les cours, des relations avec l'équipe de France de tennis fauteuil ?
MB : Disons plutôt que nous avons eu l'occasion de nous croiser assez souvent sur les tournois du grand chelem. En tennis, sur ce type de compétition, il n'y a pas d'équipe de France, chacun se déplace en individuel. Alors on se retrouve plutôt après les matchs, par exemple lors du bal des champions.
H.fr : Vous avez mis fin à votre carrière en août 2013 à cause de trop grandes douleurs. Le sport peut, aussi, casser les corps.
MB : Ce n'est pas ce que je retiens en priorité de ma carrière. J'avais en effet une fragilité du tendon et j'en ai souffert à cause d'une pratique extrême. Mais, à plus faible dose, le sport reste excellent pour la santé, pour tous, y compris pour les personnes handicapées. Le tennis m'a procuré des satisfactions au-delà de ce que j'espérais. Je ne retiens que les joies, les bonheurs et les trophées.
H.fr : Comment se porte le handisport en France par rapport à d'autres pays ?
MB : J'observe un grand retard, notamment par rapport aux pays anglo-saxons. Lauren Jones, par exemple, s'entraîne dans la même structure que les valides, près de Wimbledon. Sept heures par jour ; c'est une vraie pro. Alors qu'à Roland Garros, les cours et infrastructures ne sont pas adaptés. Il faut vraiment qu'on agisse dans ce sens. Nous avons la chance d'avoir un champion comme Stéphane Houdet, il faut rebondir sur son exemple pour sensibiliser le grand public et motiver les instances sportives.