Près de dix ans après un accident de vélo, un Américain paralysé à partir des épaules peut à nouveau utiliser son bras et sa main droite pour boire ou manger, selon un article publié le 28 mars 2017 dans la revue médicale The Lancet. La principale contrainte pour le patient est qu'il doit regarder son bras pour connaître sa position. Avec la paralysie, il a en effet perdu cette capacité de savoir, sans y penser, où se trouvent ses membres.
Une première au monde ?
Cette avancée remarquable réalisée à Cleveland (Etats-Unis), dépend d'un dispositif qui contourne la lésion de la colonne vertébrale en utilisant des fils, des électrodes et des logiciels informatiques pour reconnecter le cerveau et les muscles du bras paralysé. « À notre connaissance, c'est le premier exemple au monde d'une personne atteinte d'une paralysie totale, complète », utilisant directement la pensée pour déplacer le bras et la main pour effectuer des « mouvements fonctionnels », a déclaré le coauteur de l'étude, Bolu Ajiboye.
36 électrodes dans son bras
Le patient de 56 ans, Bill Kochevar, tétraplégique, blessé au niveau de la 4e vertèbre cervicale, a deux boîtiers sur la tête et 192 micro-électrodes implantées chirurgicalement dans son cerveau. Elles enregistrent les signaux que sa matière grise envoie lorsqu'il imagine bouger le bras et la main. Ses muscles reçoivent des instructions grâce à 36 électrodes implantées dans son bras et son avant-bras : il peut ainsi boire une gorgée de café, se gratter le nez et manger de la purée de pommes de terre.
Un bras mobile support
Bill Kochevar, qui a reçu ses implants fin 2014, est en outre équipé d'un bras mobile de support, également sous le contrôle de son cerveau, qui l'aide à surmonter la gravité qui l'empêcherait de lever le bras pour que sa main puisse saisir la fourchette et la tasse. Pour quelqu'un qui a été blessé depuis plusieurs années et « qui ne pouvait pas bouger, être capable de bouger juste ce petit peu est impressionnant », a déclaré le patient. « C'est mieux que ce que je pensais. »
Seulement en labo
Cette étude est « innovante » ; c'est la première fois que l'on fait état d'une personne exécutant des mouvements fonctionnels, multi-articulations (main, coude, épaule) avec un membre paralysé grâce à une neuroprothèse motrice, souligne Steve Perlmutter, de l'université de Washington (Etats-Unis). « Cependant, ce traitement n'est pas prêt d'être utilisé en dehors du laboratoire », poursuit-il. Sans l'interface cerveau-machine, il est impossible d'effectuer des mouvements utiles, et ils sont encore lents et approximatifs. Les neuroprothèses devront également devenir meilleur marché et plus robustes (puissance et durée de vie) pour être largement accessibles. Le but est d'avoir un système complètement implantable.
Des recherches précédentes ont déjà abouti à des résultats. L'an dernier, un jeune américain a réussi à se servir de sa main grâce à une interface cerveau-ordinateur, mais il souffrait d'une paralysie moins sévère, selon les auteurs de la nouvelle étude. Dans d'autres cas, des participants ont pu contrôler un bras robotique en utilisant leurs signaux cérébraux.