« Les entreprises ont tout intérêt à embaucher des personnes handicapées donc elles se battent », assure Christian Ploton, chef du service qualité de vie au travail chez Renault. Pourtant, depuis 2017, le handicap est la première cause de discrimination selon le Défenseur des droits, et la moitié des saisines concernent l'emploi. Face à ce constat, la FNATH (Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés) a décidé d'agir. L'association a mis en place un observatoire des parcours professionnels, dans le cadre d'une convention avec l'Agefiph. Les conclusions étaient présentées le 5 novembre 2018, au Palais du Luxembourg (sénat), en présence de Sophie Cluzel, secrétaire d'État en charge des Personnes handicapées, et Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres. Des présidents d'associations et des représentants syndicaux ont également livré leurs impressions lors de tables-rondes.
10 000 parcours professionnels
Les parcours de 10 000 travailleurs accidentés, malades et handicapés ont alimenté l'observatoire de la FNATH. En trois ans, l'association les a accompagnés à travers des permanences juridiques et plus de 400 réunions d'information. Ces rencontres leur ont permis d'échanger avec plus de 15 000 personnes sur des questions relatives à l'emploi. « Nous avons essayé de faire du travail de terrain, de faire entendre leur voix et surtout de fournir un accompagnement individuel », explique Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH -qui en a profité pour annoncer son départ-. Une attitude que salue Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT : « Pour réformer, il faut partir des gens et non des institutions et des acteurs ».
Manque d'informations
L'observatoire fait ressortir un point fondamental : l'absence d'informations globales et la méconnaissance du rôle des différents acteurs de l'emploi. Les auditionnés font part de nombreuses difficultés dans les démarches pour aborder les entreprises et l'absence d'accompagnement. Autre reproche : un délai de réponse trop long entraînant un sentiment d'injustice et une démotivation, préjudiciables au retour à l'emploi. Les différents acteurs présents ce jour-là sont unanimes, l'accès aux droits est un problème majeur : « Il manque une information lisible, claire et accessible à tous ». Pour Sophie Cluzel, « l'information est le mal de notre siècle. Il y en a partout mais est-elle vraie pour autant ? Est-elle à la portée de tous ? Il est urgent qu'elle le devienne, et notamment pour la RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé). Il est absolument inacceptable d'attendre six mois pour en bénéficier ! »
Maintien et retour en emploi
Le maintien en emploi est également au cœur des préoccupations des travailleurs handicapés. Ils mettent en lumière de nombreux obstacles : langue, âge, absence de permis de conduire, statuts particuliers (Cesu)... Quant aux arrêts de travail de longue durée, ils constituent un moment de rupture particulièrement délicat qui finit souvent par un licenciement pour inaptitude. « 67 % de nos adhérents ont connu cette situation », déplore Arnaud de Broca. Pour Bernard Salengro, du syndicat CFE-CGC et médecin du travail, « les visites de pré-reprise avec un médecin doivent être prioritaires pour prévoir le retour dans l'emploi ». En raison de leur état de santé ou de leur handicap, la reprise à temps plein pour certaines personnes est souvent compliquée et la fin du temps partiel thérapeutique n'est pas toujours facile à gérer. Il devient parfois nécessaire d'étoffer ses compétences ou de se reconvertir mais la formation, qui apparaît comme la meilleure des solutions, reste difficile à mobiliser. Dans ce domaine, ce qui ressort en premier lieu c'est l'opacité du système et la difficulté pour les personnes concernées de s'y retrouver.
Accompagnement médical : à revoir
L'accompagnement médical est également remis en cause. La principale difficulté réside dans l'absence de suivi des préconisations du médecin du travail dans la durée. Par ailleurs, les médecins conseils des CPAM (caisses primaires d'Assurance maladie) font l'objet de nombreux retours négatifs. Il leur est souvent reproché de fixer les taux d'incapacité des personnes et, par conséquent, d'avoir un impact direct sur leur avenir sans les examiner de manière approfondie. « Ils ont besoin que les professionnels de santé soient moins expéditifs et plus à leur écoute, affirme Arnaud de Broca. Cela passe notamment par la coordination des différents médecins (du travail, traitant et conseil). Ils doivent échanger à propos de leurs patients et travailler en synergie. »
Des solutions existent
« Jeu de l'oie », parcours du combattant, chemin jalonné d'obstacles... Pourtant des solutions existent. Des organismes comme les Cap-Emploi Sameth accompagnent les personnes handicapées de la définition de leur projet à leur transition professionnelle en passant par leur maintien dans l'emploi. Pour travailler dans les meilleures conditions, il faut adapter son rythme de travail et les locaux. Pour Patrick Gohet, adjoint au Défenseur des droits, « l'essentiel est de faire des aménagements 'raisonnables', qui prennent en compte aussi bien les besoins des travailleurs handicapés que les capacités de l'entreprise. Le refus de l'employeur constitue une discrimination et peut faire l'objet d'un recours au Défenseur des droits ».
25 propositions et un nouveau défi
Face aux difficultés rencontrées, la FNATH a formulé 25 propositions qui visent notamment à mieux prévenir la pénibilité au travail, créer un véritable statut pour les travailleurs à domicile, renforcer l'accompagnement des travailleurs seniors ou encore ouvrir un chantier sur le rôle des médecins conseil des CPAM. En parallèle, l'association a lancé une plateforme juridique d'accès aux droits pour les connaître et les faire valoir(en lien ci-dessous). « Mais, parfois, on est handicapé et tout va bien ; on est embauché depuis plusieurs années en CDI et à temps complet au sein d'une grande entreprise. Seul problème : aucune perspective d'évolution ! Mon patron m'a fait comprendre que c'était déjà fabuleux ce que je faisais en étant handicapée et qu'il fallait 's'arrêter là' », intervient une personne dans la salle. Malika Bouchehioua, présidente de l'Agefiph, se veut rassurante : « Il n'y a pas de situations moins importantes que d'autres, elles sont toutes à prendre en compte ». Un million de personnes handicapées travaillent en milieu ordinaire. Une situation qui engendre un nouveau défi : comment encourager les évolutions de carrière ?