Trisomie 21 : une aide pour les parents face au diagnostic?

Durant la grossesse ou après la naissance, l'annonce d'une trisomie 21 est vécue comme une déflagration par la plupart des parents. Alice et Caroline racontent leur parcours d'acceptation. Toutes deux ont fondé une asso pour accompagner les parents.

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C'était le 4 mars 2020. Après neuf mois d'attente, Alice et Vincent Drisch s'apprêtent enfin à faire la connaissance de leur premier enfant. Le couple a souhaité un accouchement naturel dans une maternité au cadre propice à la détente, à deux pas de Lyon. Musique douce, lumières tamisées, participation du conjoint durant la phase de travail… Toutes les conditions sont réunies pour une naissance idéale. Mais lorsque Vincent découvre le visage d'Isaac, son petit garçon, un doute s'empare de lui. « Il avait effectivement les yeux bridés, mais comme moi à la naissance », se rassure alors la jeune maman. Deux heures plus tard, c'est une sage-femme qui prononce la phrase redoutée : « Il y a des signes de trisomie 21 ».

Entre pleurs et déni

« Tout s'effondre », admet Alice qui intime à son mari de ne pas pleurer avant de recevoir le diagnostic officiel. Une foule de questions s'abat sur la jeune femme, alors âgée de 26 ans : « Pourquoi ça tombe sur nous ? Vais-je devoir arrêter de travailler ? Que va devenir ce bébé ? A quoi ressemblera sa vie ? Va-t-il subir du harcèlement, des moqueries ?... ». Si Alice entre dans une forme de déni, Vincent se réfugie dans les pleurs alors que leurs proches sont  sur le seuil de la maternité pour rencontrer le nouveau-né. « On ne répondait à personne », se souvient Alice. Le lendemain, deuxième coup de massue : la suspicion de trisomie 21 est confirmée. « C'est un tsunami émotionnel », raconte la jeune mère qui peine à prendre Isaac dans ses bras et se surprend, honteusement, à le trouver laid. 

Un stress post-traumatique

Huit ans après la naissance de Louise, Caroline Boudet parvient encore difficilement à raviver le souvenir de cette même annonce. Ce sont « les yeux gonflés » de sa fille qui l'alertent en premier. Malgré une visite rassurante de la pédiatre juste après l'accouchement, notifiant une absence de signes extérieurs de trisomie 21 (hypotonie, pli palmaire transverse unique), Caroline, inquiète, insiste pour des examens approfondis. Après une prise de sang avec caryotype, le diagnostic tombe, comme une déflagration. « Je me revois dans la chambre de la maternité, avec mon mari et notre fils aîné. J'ai vu la pédiatre et la sage-femme, leurs deux visages, puis j'ai compris ». Comme Alice, Caroline est submergée par une multitude d'interrogations qu'aucune réponse ne parvient encore à apaiser.  « Je l'ai su plus tard mais j'ai vécu ce qu'on appelle un 'phénomène de dissociation', lié à un syndrome de stress post-traumatique », explique-t-elle. Passé le choc, elle entame un processus de « deuil de l'enfant idéalisé » et du monde qu'elle avait imaginé pour lui. Elle bénéficie pour cela d'un soutien psychologique proposé par la maternité et de la bienveillance de ses proches. « Je ne connaissais aucune personne trisomique, j'en avais une représentation négative », se souvient la jeune mère, qui ressent alors « énormément de culpabilité ». Peur de ne pas être capable d'aimer son enfant, peur du regard des autres, peur de l'avenir… « Or, par la connaissance, la peur s'efface », reconnaît Alice Drisch.

Une « désinformation » du corps médical

Et cette peur est, selon elle, entretenue par une « désinformation », notamment au sein du corps médical. Si l'image du handicap a globalement « positivement évolué ces dernières années », l'annonce du diagnostic n'en reste pas moins encore une douloureuse épreuve pour les parents. « Il existe des procédures médicales pour annoncer le diagnostic », rappelle Bernadette Céleste, membre du conseil d'administration de trisomie 21 France, notamment des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) qui a publié en 2020 un Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS). « Il est fortement recommandé que l'annonce soit réalisée en binôme, par le prescripteur de l'analyse génétique et un médecin généticien, et si possible en présence d'un(e) psychologue et des deux parents. Il est bien entendu hautement souhaitable que la personne qui fait l'annonce ait une expérience directe des personnes avec trisomie 21 », peut-on lire dans ce document officiel, normalement fourni aux professionnels concernés (gynécologue-obstétricien, sage-femme échographiste, généticien, pédiatre, psychologue…). Or c'est là que le bât blesse, selon Alice Drisch. « Le personnel médical ne nous a apporté aucune connaissance. Un pédiatre m'a même confié qu'en douze ans d'études il a bénéficié d'une seule après-midi de formation sur le handicap », poursuit-elle. Outre les connaissances techniques, le choix des mots employés est essentiel, « puisque c'est ce que vont retenir les parents à l'instant T », ajoute Bernadette Céleste.

Une ligne d'écoute gratuite

Hasard de la vie, Alice et Vincent rentrent de maternité en plein confinement, une période propice au rapprochement pour le couple et son nourrisson. « On a pris conscience que ça n'était finalement pas si insurmontable et que ça nous ouvrirait les portes d'une parentalité plus douce ». Investie sur les réseaux sociaux pour partager son histoire, la jeune femme reçoit des dizaines de témoignages similaires, de mères pour la plupart, démunies lors d'un diagnostic pré ou post-natal. Face à une demande criante, elle décide de prendre les appels sur son temps personnel, le soir en rentrant du travail. A l'autre bout du fil, certaines femmes sont en pleurs, désemparées. « Elles ont juste besoin de se confier », reconnaît Alice. Face au manque de réponse institutionnelle, lui vient alors une idée, celle de fonder une association dédiée à l'accompagnement des familles à ce moment précis du diagnostic, via une ligne téléphonique gratuite, ouverte à tous les francophones : 09 86 87 21 01. Un an et demi après sa création, M21 pour « Merveille 21 » a déjà recueilli les appels de 57 familles, de toute la France et toutes les catégories socio-professionnelles.

Une association apolitique et aconfessionnelle

Si Alice ne cache pas son engagement personnel chrétien, celui-ci reste au seuil de son foyer et, elle y tient, n'a pas sa place au sein de son association « qu'elle qualifie d'apolitique et d'aconfessionnelle ». Accompagnée de deux autres écoutants « neutres », elle se donne comme feuille de route de guider « sans aucune influence », rejetant en bloc « les mouvements pro-life » ou anti-avortement. Parmi la cinquantaine de parents passés par l'association, une dizaine n'a pas souhaité poursuivre la grossesse. « Quand ces personnes nous appellent, juste après un diagnostic prénatal, elles ont déjà de toute façon reçu une influence médicale », orientée, selon elle, vers l'interruption médicale de grossesse (IMG), qui est pratiquée « dans la majorité des cas », selon la Haute autorité de santé. « Beaucoup de femmes cessent la grossesse sans savoir. Or je crois qu'elles ont le droit de savoir avant de prendre une décision », déplore la fondatrice de M21. 

L'utilité des forums de parents

Caroline, elle, n'en savait rien avant l'arrivée de Louise et ne supporte plus qu'on lui demande ce qu'elle aurait fait si… « Si elle avait su ». « Cette question, posée parfois dans un cadre médical, m'a fait ressentir que, pour la médecine, une trisomie 21 est vécue comme un échec, malgré tous les dépistages », souffle Caroline. La maladresse n'a cependant pas toujours émaillé le parcours de soins de sa fille. « Un jour, une généticienne a eu cette intelligence humaine de nous dire : 'N'oubliez pas que votre fille a un chromosome en plus, mais tout le reste c'est de vous, ça ne la définit pas' ». Caroline s'est alors plongée dans les forums parentaux sur internet et surtout dans l'écriture. Auteure de deux livres sur son histoire, La vie réserve des surprises et L'effet Louise, la journaliste a également fondé l'association Extralouise pour « changer l'image de la trisomie 21 en France ». Une façon aussi d'offrir à d'autres parents, suspendus à une annonce, l'espace privilégié et accueillant qu'elle aurait aimé avoir huit ans auparavant.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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