Combat de boxe de « nains » le 11 avril 2024. Des centaines de milliers de vues, les places s'arrachent ! Un tel « divertissement » surnommé « « Nain porte quoi » était déjà organisé en octobre 2023 dans cette discothèque de Toulouse. Mais l'annonce relayée le 13 mars sur TikTok (rapidement supprimée) a, cette fois-ci, créé le malaise. Pourtant, la loi ne l'interdit pas.
Atteinte à la dignité humaine
Sur BFM TV, Fadila Khattabi, ministre déléguée aux Personnes handicapées, juge cette soirée « inadmissible » et « dégradante » estimant que « les deux boxeurs ne sont pas invités dans le cadre d'un événement sportif mais bien en raison de leur handicap et, de surcroît, pour s'en moquer ».
L'Association des personnes de petite taille (APPT) condamne à son tour. Sa présidente, Violette Viannay, « dénonce fermement » cet événement et les « termes employés qui en disent long sur les mentalités et le regard porté sur les personnes handicapées ». « On essaie de nous faire croire qu'on est sur de la performance sportive, s'indigne-t-elle auprès de Handicap.fr, mais ça se passe dans une boîte de nuit, les combattants ne sont pas nommés, on ne communique pas sur les résultats. Alors, non, c'est juste un parodie ! ». Elle reçoit d'ailleurs régulièrement des demandes pour « louer un nain pour une soirée », des « pratiques totalement passées sous silence », selon elle.
Idem pour le lancer de nains
Ce type de combat est-il illégal pour autant ? La loi ne l'interdit pas formellement. Les dispositions juridiques condamnant la discrimination en raison du handicap ne couvrent pas les activités dites « récréatives ». En 1995, le Conseil d'État avait néanmoins validé la décision du maire de Morsang-sur-Orge (91) d'interdire un « lancer de nains » (coiffé d'un casque et portant une tenue rembourrée sur des matelas) au motif que cette activité… « troublait l'ordre public » ! Mais, depuis, cette décision reste au bon vouloir de chaque municipalité. Celle de Toulouse ne s'est pas prononcée. Face à la polémique, les organisateurs auraient finalement décidé d'annuler la soirée, rapporte RMC.
Un casse-tête légal ?
« Comment faire valoir qu'un combat de boxe trouble l'ordre public ou porte atteinte à la dignité humaine parce que les combattant sont de petite taille mais surtout consentants ? Légalement, c'est un casse-tête », fait valoir un avocat. « C'est faux, réagit Violette Viannay, ce n'est en aucun cas du sport ». Sur Europe 1, elle est face à l'un des combattants, Salim Chiboub. « Je lui ai expliqué qu'on arrivait-là aux limites de sa liberté individuelle à partir du moment où elle portait atteinte à la dignité des personnes de petite taille et à celle en situation de handicap en général. Il est aussi responsable du regard que les gens portent sur nous », confie-t-elle à Handicap.fr.
Si Salim a consenti que les « spectateurs se moquaient de lui », il se définit néanmoins comme un « boxeur à part entière ». « Va-t-on aussi interdire aux humoristes handicapés de rire de leur propre handicap ? Les gens qui viennent les voir en rient aussi », fait valoir Aurélie, une lectrice (lire son commentaire complet ci-dessous), qui juge ce « terrain très glissant ».
Nains toreros interdits en Espagne
L'Espagne, elle, a franchi le pas en 2023 en mettant un terme aux spectacles burlesques présentés lors des corridas par des troupes de personnes avec nanisme (L'Espagne interdit la "tauromachie des nains"). La loi interdit ainsi « les spectacles ou les activités récréatives dans lesquels des personnes présentant des infirmités (...) sont utilisées pour susciter la moquerie, le ridicule ou la dérision du public ». Une initiative saluée par les organisations de défense des droits humains mais qui avait été vivement critiquée par les professionnels concernés qui perdaient ainsi leur gagne-pain. Et en France ? Quelques mois plus tard, un show de « nains toreros » était organisé dans les Landes. Les uns l'avaient jugé « contre-productif » tandis que, pour d'autres, c'était « juste de la parodie ».
© Capture d'écran TikTok
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