Deux figurantes en fauteuil roulant font leur cinéma

Ally et Gaëlle adorent le cinéma, au point de devenir figurantes. Toutes deux en fauteuil roulant, elles courent les plateaux. Nous les avons rencontrées sur celui de Vestiaires. Elles confient leurs démarches pour percer sur le petit écran.

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Handicap.fr : Comment vous êtes-vous retrouvées sur le tournage de la saison 5 de Vestiaires (article en lien ci-dessous), près de Bordeaux, qui sera diffusée dès novembre 2015 sur France télévisions ?
Gaëlle : Je me suis inscrite dans le fichier TAF qui signifie Techniciens, artistes et figurants en régions, un catalogue qui propose le descriptif de chaque postulant avec des photos. Mais je n'ai malheureusement que de très rares opportunités.

H.fr : Dans quels programmes ou séries avez-vous déjà tourné ?
Section de recherche, Camping 2, Famille d'accueil. Et puis je suis figurante sur Vestiaires depuis trois ans. J'avais rencontré un des techniciens sur le tournage de Famille d'accueil tourné en Aquitaine ; il m'a proposé de jouer dans ce programme court qui se déroule dans les vestiaires d'un club de natation handisport.

H.fr : Parce que le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) tente de mobiliser les chaînes, on voit de plus en plus de personnes handicapées à l'écran...
Gaëlle : Oui mais ces figurations sont souvent réalisées par des valides. C'est plus facile à gérer pour la production qu'une personne en fauteuil, que l'on doit parfois aider et qui rencontre souvent des problèmes pour se rendre sur les lieux de tournage. Et, une fois sur place, les plateaux, les loges et les toilettes sont rarement accessibles. Dans Section de recherche, les loges étaient dans les sous-sols d'un château mais ils ont quand même relevé le « pari » de me faire tourner alors qu'il n'y avait pas vraiment de rôle « handicapé ». J'ai postulé au même titre que tout un chacun.

H.fr : C'est important de rendre les personnes avec un handicap visibles ?
Gaëlle : Oui, certainement. Sur Camping 2, par exemple, la responsable du casting avait adhéré à ma démarche. Elle m'a dit : « Il faut voir où on va pouvoir t'intégrer au scénario ». Le réalisateur a dû adapter le cadrage parce que mon fauteuil est plus bas. Lorsqu'on se penche sur la question, il y a plein de petits détails de ce genre qui dissuadent certaines productions de faire appel à nous. Et puis un figurant valide est plus « rentable » car il peut incarner plusieurs silhouettes, juste en changeant de coiffure et de vêtements. Pour une personne en fauteuil, c'est plus délicat. Une fois, le régisseur a tenté le coup en changeant mon fauteuil mais il était trop petit, destiné à un enfant.

H.fr : Quel accueil recevez-vous en général de la part des équipes ?
Gaëlle : Ni réticences ni inquiétudes de la part des techniciens, même si notre « particularité » impose parfois des petits aménagements logistiques. Sur Vestiaires, par exemple, ils sont hypersenbilisés, tout comme les acteurs qui viennent nous parler lors des temps d'attente, souvent très longs. Sur cette production, il n'était évidemment pas question de proposer de la figuration à des personnes valides.

H.fr : Ally, pour quelle raison avez-vous postulé ?
Ally : C'est un rêve de petite fille que je réalise à 44 ans. J'avais joué dans Alice au pays des merveilles en internat ; j'avais 20 ans. J'ai répondu à une annonce sur Facebook et suis figurante sur Vestiaires depuis la saison 2. C'est ma première prestation en tant que « comédienne » car je suis déjà passée à la télé pour un tout autre rôle : des manifestations pour l'APF et l'AFM !

H.fr : Ally, que pensez-vous du programme Vestiaires ?
Ally : C'est un bon programme, réaliste, qui distrait mais pousse aussi à réfléchir. Les scénaristes sont eux-mêmes en situation de handicap ; il faut être concerné pour écrire des scénarios aussi pertinents. C'est très proche de ce que l'on vit.

H.fr : Et vous Gaëlle ?
Gaëlle : Moi qui suis handicapée de naissance, rire de mon handicap je le fais au quotidien. Je porte aussi une prothèse et m'en m'amuse. Je vois parfois passer des commentaires qui prétendent qu'un tel programme humoristique peut aggraver les stéréotypes mais j'ai l'impression qu'ils viennent de personnes qui n'assument pas.

H.fr : Et la figuration, ça rapporte ?
Gaëlle : En réalité pas vraiment, ça peut même coûter un peu. Nous sommes payés en cachet à la journée ou la demi-journée. Mais pour une journée rétribuée environ 90 euros, c'est à perte car cela fait sauter le complément de vie autonome de l'AAH qui se monte à environ 150 euros.

H.fr : Pour quelle raison ?
Gaëlle : Parce que ce complément est versé aux personnes handicapées qui ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins et sont donc sensées ne pas travailler. Or la figuration c'est du travail, même pour une journée. Mais, pour moi, c'est surtout un loisir et une super expérience.

H.fr : Tourner, ce n'est donc jamais rentable ?
Gaëlle : Si mais à condition d'avoir des heures supplémentaires ou une prime de conditions climatiques mais cela reste très rare.

H.fr : Elle correspond à quoi cette prime ?
Gaëlle : Par exemple lorsque vous tournez en extérieur en robe de soirée d'été au mois d'octobre !

H.fr : Et, dans la vie, que faites-vous ?
Gaëlle : Je recherche un poste d'éducatrice spécialisée et ce n'est pas facile.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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