« Ma mère est jalouse de ma poitrine ! », déclare une jeune fille polyhandicapée. Corps et Âmes, documentaire réalisé par Grégoire Gosset et Loïc Wibaux, livre la parole brute de personnes au quotidien singulier, sur fond d'humour et d'émotions (visible sur YouTube ou sur le lien ci-dessous depuis le 14 juin 2017). En 52 minutes, zoom sur le centre médico-social Lecourbe, à Paris (15e), qui accueille 196 personnes en situation de handicap, encadrées par plus de 220 salariés et 50 bénévoles. Une équipe de choc qui oeuvre avec le soutien de la fondation Saint Jean de Dieu.
Une vie à 100 à l'heure
« Je suis jalouse des valides parce que moi je suis coincée dans mon fauteuil et j'aimerais bien marcher un de ces quatre ». Lors des cours, à l'occasion des soins et des ateliers, les réflexions fusent. Certains trouvent refuge dans la musique et le rap, d'autres dessinent ou font du théâtre. Des amitiés naissent, des amours aussi... Le centre médico-social Lecourbe vit à 100 à l'heure. Patricia Rebillard, responsable du pôle personnalisation des parcours, affirme : « Leur énergie est juste incroyable, elle est partout ». Pour la mettre à profit, des sorties sont organisées : virées en mer, ski, canyoning, parapente. Des activités sont également proposées : football, sarbacane, tennis de table, escrime, natation, danse, équitation... Selon Mme Rebillard, le sport est un « vecteur de socialisation, d'inclusion et de dépassement de soi ». Elle ajoute avec fierté « certains jeunes ont été loin, ont intégré l'équipe de France et les Jeux paralympiques ».
Une team de choc !
Une équipe médicale pluridisciplinaire veille au grain. Médecin généraliste, infirmières, dentiste, pharmacienne, psychomotriciens, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthoptistes... Des spécialistes ravis d'une si grande proximité avec leurs résidents. « La secrétaire médicale connaît tout le monde et tous les dossiers par cœur », assure le Dr Linglart qui se dit « chanceux » de soigner l'ensemble des jeunes du centre. Le personnel a pour mission de faciliter leur intégration, avec des attentes diverses et variées.
Un studio pour viser l'autonomie
Dans ce film, les témoins évoquent leurs rêves : « avoir des enfants, une famille », « faire des concerts », « travailler pour me payer des vêtements et donner de l'argent à ma mère ». Pour les satisfaire au mieux et de les préparer à leur vie après le centre, l'équipe a mis en place un studio ; il est équipé d'un lit, d'un bureau avec ordinateur et télévision et d'un espace cuisine. Les occupants peuvent ainsi appréhender l'autonomie et s'habituer à vivre seul.
L'asile des incurables
À l'origine, le centre médico-social Lecourbe, fondé en 1858, accueille les « jeunes garçons infirmes et pauvres », exclus des écoles et des hôpitaux. Des frères de l'ordre Saint Jean de Dieu s'occupent d'eux dans ce bâtiment autrefois nommé « l'asile des incurables ». Une association voit alors le jour puis une fondation, en 2012, à l'initiative du Frère Alain-Samuel Jeancler. Selon lui, « la valeur ajoutée » est « l'esprit de famille » qui règne dans les six établissements auxquels la fondation est liée. Le film Corps et âmes met en lumière l'humanité et la bienveillance de certains hommes grâce à qui ce type de projet est possible.
Des parrains en or
Les parrains du film, Emmanuelle Assmann, présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF), et Yannick Ifebe, médaillé d'or et ancien de Saint Jean de Dieu, en sont un exemple. Corps et âmes questionne donc sur deux siècles de politique handicap, et même si l'époque où l'on réduisait les personnes en situation de handicap à l'état d'« incurable » est révolue, il y a encore tant à faire...
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