« Je n'ai jamais voté. J'ai regardé l'émission à la télé et j'ai déjà choisi. Je veux voter pour le président », explique Valentine, 21 ans. Voter est un droit et pourtant un grand nombre de Français en sont privés. Une discrimination qui se fait sentir dès la campagne, rarement handi-compatible, et se prolonge jusqu'au jour du scrutin où les dispositifs mis en place dans certains bureaux de vote ne permettent pas d'accéder à l'urne, faute d'accessibilité ou de compréhension. Cette défaillance concerne donc aussi bien les citoyens en situation de handicap physique que mental.
Une répétition générale
Pour les encourager à participer au prochain scrutin qui aura lieu les 23 avril et 7 mai 2017, certains organisent des travaux pratiques, à la façon d'une grande répétition générale. C'est le cas de la ville de Rezé (Loire-Atlantique) qui, en amont du premier tour, a récréé l'environnement d'un bureau de vote pour permettre à des travailleurs d'Esat et aux personnes suivies par le Service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS) de la ville de se familiariser avec ce geste citoyen. Cette élection factice s'est déroulée le 24 mars 2017 dans un salon de l'hôtel de ville.
Peur de l'isoloir
Sylvie Le Blan, adjointe au maire de Rezé en charge du handicap, rappelle que « malheureusement, beaucoup n'exercent pas leur droit de vote par manque d'information ou peur de l'isoloir. La ville a donc organisé cette simulation pour leur expliquer à quoi servent les élections et les rassurer sur leur déroulement ». Une première à Rezé même si cette initiative complète les actions déjà menées par la ville notamment en matière d'accessibilité de l'information. Depuis le mois de février, des articles du magazine municipal sont retranscrits en langage facile à lire et à comprendre (FALC).
Pourquoi par des photos sur les papiers ?
Pour Olivier, 30 ans, qui est « déjà allé voter une ou deux fois » avec sa mère, « c'est rassurant de refaire le parcours aujourd'hui. Je n'ai pas encore choisi le candidat pour qui j'allais voter. » Et d'interroger : « Pourquoi on ne met pas les photos en plus des noms sur les papiers pour ceux qui ne savent pas lire ? ». Fabienne, 49 ans, a quant à elle du mal à « plier le papier pour le mettre dans l'enveloppe ». Mais maintenant, elle saura « comment faire la prochaine fois ! ». Bastien, 25 ans, a déjà voté lorsqu'il avait 18 ans mais il ne se souvenait plus « plus comment ça se passe ».
Une action qui a du sens
« Nos travailleurs handicapés s'intéressent à l'élection présidentielle, explique Claude Basset, directeur de l'Esat Les Ateliers du Landas à Rezé. C'est eux qui ont choisi de venir à la mairie pour apprendre à voter. Rendre accessible l'élection présidentielle, c'est aussi leur montrer qu'ils sont acteurs de leur devenir. Cette sensibilisation a du sens dans leur vie de citoyen. » Rappelons que le vote est un droit pour tous, y compris pour les personnes sous tutelles depuis la loi du 5 mars 2007, à moins qu'un juge ne s'y oppose ; à quelques mois de l'élection présidentielle et des législatives, une association milite d'ailleurs fermement contre cet article (les personnes sous curatelle ne sont pas concernées), dénonçant une « rupture d'égalité entre les citoyens » (lire en lien ci-dessous).
© Mezerette Thierry / Ville de Rezé