DERNIERE MINUTE DU 17 MAI 2021
La cour d'appel d'Orléans a rendu sa décision le 17 mai 2021. Relaxe pour les trois professionnelles, confirmant ainsi le premier jugement ! « Aujourd'hui encore, la justice en France donne un permis de violenter les enfants handicapés à celles qui pourtant en ont la charge professionnelle », s'indigne l'association des Rêves pour Xavier qui, pour rendre la situation « concrète » pour tous, a décidé de publier la vidéo des faits dont Xavier a été victime le 17 avril 2020 sur sa page Facebook.
Grégoire Charle, le papa de Xavier, se dit « en colère » face à ce « déni de justice », « pour Xavier et pour d'autres ». Rappelant que le Garde des Sceaux présente un projet de loi visant à « restaurer la confiance dans l'institution judiciaire », il l'interpelle en lançant une pétition « afin de faire prendre conscience au plus grand nombre des difficultés des personnes handicapées dans l'accès à la justice ». Il réclame que les magistrats, et tous ceux qui contribuent à la chaîne pénale, « soient formés au handicap et puissent avoir accès à des personnes ressources qualifiées pour les assister dans les procédures qui impliquent » ces personnes.
ARTICLE INITIAL DU 9 JUIN 2020
Xavier, 12 ans, autiste, est enfermé dans un sac poubelle jusqu'aux aisselles ; deux personnes placent une tête d'aspirateur à proximité de son visage pour faire le vide dans le sac, tandis qu'une troisième filme la scène. Cette invraisemblable expérience -une fois l'air évacué, les participants semblent moulés dans une combinaison en latex-, s'appelle le vacuum challenge et connaît un succès viral sur les réseaux sociaux, souvent amateurs de défis aussi stupides que dangereux. Pourtant, cette scène a bien eu lieu dans l'IME (établissement médico-éducatif) de Naveil (Loir-et-Cher). Xavier a été confié à la garde exclusive de cet établissement durant les deux mois de confinement.
Diffusée sur Facebook
Cette scène est ensuite diffusée sur Facebook dans un groupe fermé auquel appartiennent les salariées, deux éducatrices et une infirmière ; leurs collègues décident d'alerter la direction. Les parents de Xavier sont aussitôt convoqués afin de visionner la vidéo. La contrainte est manifeste. On entend parfaitement, et cela n'est nullement contesté, que l'une d'elles « n'arrive pas à tenir les cuisses » de l'enfant alors que toutes assurent qu'il y est entré spontanément. Pourtant, Xavier gémit. « Notre fils ne parle pas, a le développement intellectuel d'un enfant de deux ans, explique Grégoire, son papa. Il fait naturellement confiance à l'adulte et spécialement aux éducateurs habituellement chargés de son accompagnement. Il est hypersensible au bruit et a une peur avérée des situations de confinement où il pourrait se trouver enfermé, enveloppé dans quelque chose ».
Le directeur prend la décision, immédiate, de mettre ces salariées à pied et d'engager une procédure de licenciement pour faute grave. De son côté, les parents de Xavier portent plainte auprès de la police. Les professionnelles sont interpellées, placées 48 heures en garde à vue puis déférées devant la justice en comparution immédiate. La qualification est pénale : « Violence volontaire en réunion sur personne vulnérable et diffusion d'images relatant une atteinte à l'intégrité ».
Six mois avec sursis requis
Le procès s'ouvre le 8 juin 2020. Le procureur requiert six mois de prison avec sursis. Le tribunal correctionnel de Blois rend son verdict : relaxe ! Les magistrats estiment que l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas caractérisé ; en d'autres termes, il n'y a pas eu intention de nuire. Au procès, les salariées ont fait valoir qu'elles n'avaient pas conscience de mal faire. C'était pour rire et s'occuper... « L'effet est surprenant mais pas douloureux, raconte l'une d'elles. Nous n'avons pas réfléchi, dès qu'il a montré qu'il n'aimait pas ça, on l'a laissé sortir. » « Effectivement, elles rigolaient puis se vantaient de leurs exploits sur les réseaux, s'indigne son papa. Xavier, lui, ne rigolait pas. Il n'a de toute façon aucune capacité de discerner ce qui est bien ou mal dans cette situation, encore moins de l'exprimer. Il manifeste juste son inconfort et sort du sac dès que l'occasion lui est donnée par desserrement de l'étreinte ». Imaginons cette même scène dans une école ordinaire, avec deux institutrices et une infirmière scolaire. A la question : « Feriez-vous cela avec vos propres enfants ? », toutes ont répondu non.
Pourtant, la présidente du tribunal a jugé que, même si leur « comportement n'est pas qualifiable professionnellement, juridiquement les infractions reprochées ne sont pas constituées ». « Aujourd'hui, cette décision n'honore pas les magistrats, qui ont choisi d'ignorer les spécificités de Xavier, son état de particulière vulnérabilité, ainsi que le niveau de qualification des professionnelles impliquées », s'indigne Grégoire. Bientôt licenciées mais non condamnées par la justice, « elles vont donc pouvoir continuer à exercer auprès d'autres enfants ? », s'interroge-t-il.
Une vague de soutien
Une vague de soutien dans le milieu du handicap, impliquant nombre de parents, de bénévoles mais aussi des salariés du médico-social, s'est formée pour dénoncer ces pratiques intolérables. Laurent Savard, humoriste, qui a donné son spectacle Le bal des Pompiers devant l'association Rêves de Xavier, s'est aussitôt exprimé dans une vidéo pour manifester son « écœurement » face au verdict. « Quand on a un enfant autiste -ou avec un autre handicap- on a, hélas plus de chances de subir ce genre de choses, ou pire (violences graves, viols, etc...). Cette histoire risque de faire pas mal de bruit car elle est emblématique et surtout révélatrice du manque de respect d'une personne avec un handicap », explique ce papa d'un ado autiste.
Appel du verdict
Le parquet a fait appel de cette décision, tout comme les parents de Xavier ; ces derniers la jugent « infondée en droit, dans un dossier où, pour une fois et grâce à une vidéo et des témoignages, les faits sont particulièrement bien matérialisés ». Cette fois, la procédure sera plus longue et risque de prendre des mois. Cette famille n'en est pas à sa première action : en 2015, déjà, elle avait porté plainte pour violences sur leur fils accueilli dans un établissement très fermé et peu coopératif où la contenance physique était courante. Elle aussi classée sans suite… Xavier avait ensuite trouvé une place en urgence dans cet IME, le « top en matière d'encadrement », selon son papa, sans aucun signal d'alerte durant cinq ans.
Dans cette affaire, le soutien de la direction, « particulièrement bienveillante », selon Grégoire, a été crucial car trop de familles sont confrontées à l'omerta, peinent à accéder à la vérité et renoncent souvent à se défendre par peur des représailles. Ce papa les encourage néanmoins à saisir la justice pour « l'éduquer aux spécificités de ces enfants différents qui sont dans l'incapacité de témoigner » et sont donc « doublement victimes ».