Aimer comme tout le monde, même si l'on est handicapé mental

Longtemps, le droit d'aimer n'a pas été reconnu aux personnes handicapées mentales. Pourtant, ici et là, les choses avancent.

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Mon roman, qui raconte l'histoire d'amour d'un jardinier trisomique et d'une jeune artiste handicapée, est bien accueilli. On me dit gentiment : « Votre livre, c'est l'histoire d'un petit couple... » Et on est heureux de me présenter d'autres « petits couples ». L'expression est plutôt sympathique, comme eux. Ils sont jeunes, attendrissants, spontanés, ces couples. Mais pourquoi « petits » ?
La première explication que j'imagine, c'est que ces couples n'auront généralement pas de descendance. Indépendamment des risques liés à l'hérédité, beaucoup de personnes handicapées mentales n'ont pas la capacité d'élever un enfant... Pourtant, s'agissant de gens valides, on ne dit pas d'un couple stérile qu'il est « petit ».
Peut-être le doute porte-t-il alors sur la qualité des sentiments, sur la capacité à s'aimer profondément, rester fidèles, vieillir ensemble ?... C'est vrai qu'il y a des couples de personnes handicapées mentales qui se séparent... J'allais écrire : comme tout le monde.
Et puis il y a des vieux couples. Il y a Nathalie et Laurent qui se sont confrontés des années avec les familles, les tuteurs, les éducateurs pour obtenir le droit de se marier... Il y a de cela 10 ans.
Il est épileptique, il a connu le chômage, la dépression. Elle est toujours restée présente près de lui. Ils vivent la vie des gens ordinaires : le travail et deux pièces dans un HLM avec des plantes vertes et un chien... Qu'est-ce que cela a de petit ?
Luce et Christophe vivent ensemble depuis 18 ans. Elle en parle volontiers. Propos banals de femme sur la contraception, le menu du soir, et le pull qu'elle va lui rappeler de mettre le lendemain. Je les vois se promener le dimanche, main dans la main, souriants, prévenants, attentifs l'un à l'autre. Au bout de dix-huit ans... Une entente que pourraient envier bien des personnes valides !
Vincent et Claire ont la cinquantaine. Handicapée mentale et alcoolique, Claire est gravement malade, elle va mourir. La médecine a abandonné. Chaque soir Vincent la retrouve un peu plus épuisée, violente, à bout de nerfs, qui crie sa souffrance et lui fait des scènes. Les éducateurs s'inquiètent pour Vincent, ils se demandent s'il ne faut pas, dans son intérêt, séparer le couple. Mais Vincent est profondément attaché à Claire... Conscient du pronostic, même si son quotidien est devenu un enfer, il veut rester près d'elle jusqu'au bout.
Peut-on encore parler de « petit couple » ?
Relativisons le propos : ceux qui emploient cette expression sont ceux-là même qui favorisent la vie affective et sexuelle des personnes handicapées mentales. C'est nouveau. On n'a pas beaucoup de recul. Mais je suis prête à parier que, comme les héros de Pour l'amour d'Olivia, ces jeunes, que l'on commence à autoriser à vivre ensemble, sauront monter à leur entourage que leur amour est beau, humain, pas toujours parfait mais profondément respectable.
Pour l'amour d'Olivia, vient de paraître aux éditions Cheminements. Il raconte l'histoire touchante de deux jeunes handicapés mentaux qui essaient de faire reconnaître leur droit d'aimer. C'est un vrai roman grand public, captivant et facile d'accès, à lire pour le plaisir et, comme l'écrit l'Unapei, dans sa postface, il invite à changer de regard sur le handicap mental.
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