La FDJ fait le pari de la diversité, et ça marche !

Avec le handicap au cœur de sa politique, la Française de Jeux fait le pari de la diversité et du bien-être au travail. Elle tente d'impulser cette dynamique à d'autres entreprises. Méthode de Pierre-Marie Argouarc'h, DRH de la "transformation".

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Depuis janvier 2017, handicap.fr réalise chaque mois un vaste dossier thématique. En avril, l'emploi et la formation des personnes en situation de handicap sont à l'honneur.

Handicap.fr : Votre titre est directeur des relations humaines de la FDJ et de la « transformation ». Quel terme insolite !  
Pierre-Marie Argouarc'h : Je ne suis pas à l'aise avec le terme « ressources » qu'on utilise d'ordinaire, qui est un peu court et ne dit pas tout car mon rôle c'est avant tout de gérer des talents et des potentiels. Je suis une sorte de DRH coach qui, parmi ses quatre axes de travail prioritaires, valorise l'humain, c'est à dire la diversité et la qualité de vie au travail. J'entends par exemple que deux fusions d'entreprises sur trois échouent en France car on n'a pas pris en compte le facteur « humain ». La force de notre système, remarquable et remarqué, c'est que nous avons internalisé l'ingénierie du changement au sein de l'entreprise. C'est puissant et pas si courant… J'ai commencé à travailler sur cette question il y a sept ans mais avons décidé de modifier le nom de notre direction il y a deux ans en ajoutant le volet « transformation ». À la FDJ, trois personnes y travaillent.

H.fr : La FDJ, qui brasse pourtant des milliards, est donc une entreprise à vocation humaine…
PMA : Je tiens tout d'abord à rappeler qu'elle redistribue 95% de son chiffre d'affaires de 14,3 milliards. Ensuite, cet engagement tient à l'histoire même de la FDJ puisque la Loterie nationale a été créée après la 1ère guerre mondiale pour venir en aide aux Gueules cassées. 20% de son capital est encore détenu par des associations d'anciens combattants. Nous avons un ADN à forte valeur humaine et donc une politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises) extrêmement puissante avec une double valeur : l'égalité des chances et la mixité, que ce soit homme/femme, senior/junior ou des origines.

H.fr : Le handicap aurait-il servi de creuset pour façonner une approche plus vaste de la diversité ?
PMA : Oui, en effet. Nous avons d'abord été pionniers sur ce thème et avons ensuite pu appliquer cette expertise à d'autres domaines. Par exemple, nous travaillons avec l'association « Mozaïk RH » qui sert de sourceur pour nous proposer les bons candidats issus de la diversité sociale, comme nous l'avons fait auparavant avec le réseau de l'association Hangagés créée par la FDJ pour le handicap. Une autre de nos priorités, c'est l'égalité femmes/hommes, aussi bien en termes de salaires que de promotion vers des postes à responsabilité. Nous aimerions vraiment crever ce plafond de verre, et le fait d'avoir une femme présidente nous y aide vraiment.

H.fr : Quel est votre taux d'emploi de personnes en situation de handicap ?
PMA : Au 31 décembre 2016, il est de 6,51 % pour la maison mère et de 4,76% pour l'ensemble du groupe.

H.fr : Pourquoi est-il inférieur pour le groupe ?
PMA : Parce que, depuis 3 ans, nous avons progressivement internalisé notre force de vente qui, auparavant, était animée par des courtiers. Aujourd'hui, cette société FDP compte près de 600 salariés, répartis dans une soixantaine d'agences locales de 10 à 15 salariés. Ces petits courtages n'étaient pas soumis à l'obligation légale sur le handicap (- de 20 salariés). La création de cette filiale a eu pour effet mécanique de baisser notre taux Groupe.

H.fr : Désormais, vos courtiers vont donc devoir se conformer au quota de 6 %. Comment comptez-vous œuvrer dans ce sens ?
PMA : Nous avons mené un énorme travail de sensibilisation au handicap et à la possibilité d'obtenir une Reconnaissance qualité travailleur handicapé (RQTH) auprès de toutes les agences locales. Frédérique Sénèque (chef de projet diversité) s'est appuyée, pour cela, sur le kit ludique « T'handi quoi ? » (article en lien ci-dessous) promu par Hangagés. Le souci majeur, c'est que ce sont des emplois de commerciaux itinérants, sur le terrain, avec beaucoup de déplacements et difficiles à conjuguer avec certains handicaps. Quelques collaborateurs ont pourtant accepté d'entreprendre une démarche RQTH. Le taux « handicap » pour cette filiale est donc, pour le moment, de 2,25%. C'est déjà un bon niveau de démarrage, notre objectif étant d'arriver à 6% avant 2020, au niveau du Groupe.

H.fr : Ces personnes étaient en situation de handicap mais n'avaient pas souhaité le déclarer auparavant ?
PMA : Oui parce que, dans ce type de petites sociétés, ce sujet n'existe pas ! On n'en parle pas. Mais, lorsque vous intégrez une entreprise comme la FDJ qui met en avant ses valeurs sur le handicap, les réticences tombent. Il suffit que quelques-uns se lancent pour que les autres suivent. Nous sommes vraiment très satisfaits de cette première année de sensibilisation ; elle a surtout porté sur des reconnaissances mais, à l'avenir, lorsque nous recruterons, nous serons attentifs à proposer des profils de travailleurs handicapés.

H.fr : Par la notoriété de ses actions en faveur des travailleurs handicapés, la FDJ est-elle plus sollicitée que d'autres entreprises ?
PMA : Oui, je pense. Notre réputation dans le milieu du handicap est plutôt bonne. Nous recevons énormément de candidatures spontanées. Par ailleurs, notre mission handicap est très présente sur les salons dédiés et peut ainsi constituer un vivier important de candidatures. Bruno Ponti, qui nous a quittés, a construit une solide expérience en matière de « candidathèque handicap », avec des profils présélectionnés pour certains postes.

H.fr : Votre engagement semble porter ses fruits ; comment le diffuser auprès d'autres managers, d'autres entreprises ?
PMA : Je le diffuse en premier lieu auprès de MGRH, un club de DRH (directeurs des ressources humaines) que je préside, et nous échangeons nos bonnes pratiques au sein de l'association Hangagés. Lors de mes interventions publiques, je ne manque jamais de mettre en avant le fait que miser sur la diversité ce n'est pas respecter une obligation légale mais bien enrichir l'entreprise dans la durée. A ce titre, nous avons fusionné le comité diversité avec celui de la qualité de vie au travail. La FDJ apporte la preuve que la richesse humaine de l'entreprise améliore la performance durable.

H.fr : Etes-vous l'exception ou avez-vous le sentiment que, dans d'autres entreprises, les choses vont également dans ce sens ?
PMA : Evidemment, certains de mes confrères prennent comme prétexte : « Toi, tu as les moyens ! ». Mais, en réalité, ils sont de plus en plus nombreux à comprendre que cette démarche a du sens. Les entreprises qui ont fait le choix de la diversité devraient le dire plus haut et plus fort et surtout convaincre leurs actionnaires. J'ai l'occasion de discuter avec d'autres DRH et ai vraiment le sentiment que ce type de management essaime de plus en plus…

© Philippe Jacob

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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