APB est mort, vive Parcoursup, la nouvelle plateforme post-bac qui permet d'enregistrer ses vœux pour accéder à l'université. Depuis sa mise en ligne, elle suscite de vives critiques, voire une franche opposition chez certains des plus de 800 000 étudiants qui ont fait leur demande en ligne. Mais qu'en est-il pour ceux qui sont en situation de handicap ?
Noyés dans la masse ?
Un article paru le 17 mars 2018 dans Le Parisien témoigne de leur inquiétude. En effet, ces candidats n'auraient aucun endroit où mentionner leur handicap. « Désormais, ces lycéens se retrouvent noyés parmi les autres bacheliers, sans aucune « case » spécifique où préciser leur situation », explique le Parisien. « Certains ont fait leur lycée en quatre ou cinq ans, ou n'ont pas eu de notes pendant des mois à cause d'hospitalisations multiples : comment cela va-t-il être analysé s'ils ne peuvent pas l'expliquer ? », s'interroge Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation de l'Association des paralysés de France (APF).
En finir avec les inégalités
Parcoursup riposte : « Jusqu'à présent, cinq académies seulement avaient un dispositif spécifique pour prendre en compte la situation de lycéens ou étudiants en réorientation qui souhaitaient s'inscrire dans une formation de 1er cycle ; dans les vingt-cinq autres académies, c'est-à-dire pour l'essentiel du territoire, rien n'était prévu de particulier », peut-on lire sur sa page dédiée au handicap. Avec cette nouvelle plateforme, « le ministère a souhaité en finir avec ces inégalités et mettre en place un dispositif qui s'applique sur l'ensemble du territoire, afin d'accompagner l'accès des lycéens en situation de handicap aux formations de l'enseignement supérieur », poursuit le texte. Dans ce cadre, ils peuvent, s'ils le souhaitent, faire figurer dans les rubriques « Projet de formation motivé » ou « Éléments liés à ma scolarité » tous les éléments qui leur paraissent utiles, et notamment des particularités liées à leur scolarité ou des informations sur leur handicap. Elles seront portées à la connaissance des personnes autorisées de l'établissement et « seulement d'elles ».
Pas d'étudiants handicapés sur le carreau
Ce sont ces « rubriques d'expression libre » qui inquiètent Bénédicte Kail : « Les jeunes ont peur d'être stigmatisés s'ils font part de leurs besoins spécifiques et certains services d'orientation leur déconseillent même de le faire au regard des attendus. Nous demandions la généralisation des commissions académiques. Pourquoi les avoir supprimées ? » Parcoursup se veut rassurant : ce signalement des besoins spécifiques est prévu pour « faciliter leur accueil ». Un communiqué officiel adressé aux medias le 20 mars, certainement en réponse aux nombreux articles parus sur cette question, précise : « Afin d'accompagner les candidats et leurs familles dans ces démarches et de faciliter la construction de leurs projets, des équipes spécifiques seront mises en place sous l'autorité du recteur au sein de chaque académie. Ces équipes auront notamment pour mission d'assurer le lien entre les candidats et leurs familles, les établissements d'enseignement supérieur et les commissions académiques en charge de l'accès à l'enseignement supérieur ». Par ailleurs, si l'affectation qu'ils ont reçue après le 22 mai n'est pas compatible avec leur situation, les candidats en situation de handicap pourront solliciter le recteur de leur académie pour demander un réexamen de leur dossier et la possibilité d'être inscrits dans l'établissement de leur choix, adapté à leur situation particulière. Ce droit, prévu par la loi du 8 mars 2018, fera l'objet d'un décret d'application spécifique dans les prochaines semaines. Dans ce contexte, la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal assure qu'« il n'y aura pas d'étudiants handicapés sur le carreau ». Ils « pourront bénéficier à partir de la rentrée 2018, ce qui n'avait jamais été le cas, de l'inscription dans la filière de leur choix par le recteur directement », a renchéri la ministre le 21 mars, interrogée lors des questions à l'Assemblée nationale.
Tom, refoulé de son école
Mais Bénédicte Kail insiste auprès du Parisien : « Pour ceux qui choisissent de mentionner qu'ils sont handicapés, comment être sûr que cette mention ne va pas aboutir à des discriminations cachées ? », s'inquiétant d'un refus de certains candidats à cause de leur handicap. « Il est plus facile pour un établissement de prendre un élève valide plutôt qu'un handicapé, surtout si personne ne vient vérifier les raisons du choix », ajoute-t-elle. L'actualité a su lui donner raison. Au même moment, Tom, 22 ans, est refoulé d'une école de journalisme parisienne parce que les locaux ne peuvent être mis en accessibilité (article en lien ci-dessous) ; relayée par les medias, sa situation a alerté Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au handicap, qui est aussitôt intervenue pour lui trouver une école de remplacement. Un cas particulier géré dans l'urgence mais qu'en serait-il pour le plus grand nombre ?
Après la fin des inscriptions à Parcoursup le 13 mars au soir, les lycéens ont jusqu'au 31 mars pour valider leurs vœux. Les réponses tomberont à compter du 22 mai.