En vue des élections présidentielles de 2017, handicap.fr souhaite donner la parole à tous les candidats aux primaires des grands partis, puis aux candidats déclarés, sur leur politique handicap. Nous avons donc soumis le même questionnaire, par écrit, aux 7 candidats de la primaire de gauche, qui aura lieu les 22 et 29 janvier 2017 (comme ce fut le cas en novembre 2016 lors de celle de la droite et du centre), et publions les réponses telles qu'elles nous parviennent… Ou pas ! (en lien ci-dessous)
Handicap.fr : Contrairement aux élections précédentes, plusieurs candidats aux prochaines présidentielles semblent vouloir davantage s'exprimer sur la question du handicap. Certains politiques auraient-ils pris conscience que 10% de la population, c'est un électorat qu'on ne peut pas se permettre de négliger ?
Arnaud Montebourg : La lutte contre l'insécurité sociale est au cœur du projet que je porte. Cette ambition concerne l'ensemble des Français, à commencer par les plus fragilisés parmi lesquels, très souvent, les personnes en situation de handicap. Chaque famille est amenée à connaître une situation de handicap dans laquelle un proche peut éprouver des limitations fonctionnelles à un moment de sa vie, surtout à un âge avancé. Il faut, dans ces conditions, amplifier et accélérer encore les efforts de la nation en faveur des personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie, et de leur famille, pour une intégration encore plus forte dans notre société et pour lutter efficacement contre les discriminations et les inégalités qui les touchent tout particulièrement, qu'il s'agissent de l'accès aux soins, à l'éducation, à l'emploi, à la culture, à la mobilité , aux services publics ou au logement... L'ambition d'une société inclusive ne doit pas être une incantation mais bien irriguer l'ensemble des politiques publiques. En 2012, nous nous étions engagés à ce que chaque loi intègre obligatoirement un volet questionnant ses impacts sur les personnes en situation de handicap. Louable intention mais qui gagnera à être davantage systématisée et réellement évaluée. Nous devons porter très haut, en France, les principes de la Loi de 2005 ainsi que les valeurs de Convention relative aux droits des personnes handicapées et apporter des solutions justes et adaptées à leurs besoins et attentes.
H.fr : Dans cette primaire, qu'est-ce qui vous distingue des autres candidats de gauche sur la question du handicap ?
AM : La question des personnes en situation de handicap concentre en fait toutes les difficultés et inégalités de notre société aujourd'hui (lutte pour l'éducation, lutte pour le travail, lutte contre les discriminations, lutte contre les inégalités d'accès à la santé et aux services sociaux, lutte contre le mal logement, lutte contre la pauvreté, lutte pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées vieillissantes). Mon projet est à ce titre inclusif : reprendre notre destin en main, conforter les protections existantes et consolider notre modèle social ; c'est le contraire du chacun pour soi. Je veux investir dans la solidarité, et ne pas la voir comme une charge ou un coût. En plein respect de mes valeurs et conviction d'homme de gauche, je ferai de l'autonomie et de la pleine citoyenneté des personnes en situation de handicap une priorité nationale de mon quinquennat.
H.fr : Quelle serait votre mesure phare en matière de handicap si vous accédiez au pouvoir ?
AM : Il faut en toute priorité transformer le regard individuel et collectif sur le handicap. Au-delà, il faut s'engager pour améliorer la vie au quotidien des personnes en situation de handicap et favoriser leur intégration dans la société, refuser qu'ils demeurent des citoyens à part mais soient bien des citoyens à part entière. Et la parole publique, celle du chef de l'État et de sa majorité seront à cet égard déterminantes. Je m'y engage personnellement. C'est pourquoi je proposerai que le handicap soit considéré comme une priorité nationale tout au long du quinquennat et bénéficie d'un plan d'actions interministériel : tous les volets de l'action publique devront y participer et rendre des comptes.
Ce plan s'attachera en priorité à répondre aux besoins prégnants de solutions d'hébergement de proximité adaptés, mais aussi de développement d'habitat inclusif répondant au souhait d'un nombre croissant de personnes en situation de handicap de disposer d'une insertion pleine et entière dans la cité et le libre choix de leur mode de vie, au-delà des solutions proposées par les institutions et les logements traditionnels.
Ce plan s'attachera par ailleurs à apporter des solutions aux besoins spécifiques de certaines populations, qu'il s'agisse des enfants et des jeunes adultes, des populations souffrant de handicap psychique, de la poursuite du plan autisme ou encore pour les handicapés vieillissants.
Par ailleurs, nous devrons aussi faire évoluer nos politiques en fonction de l'apport des nouvelles technologies et du numérique en créant de véritables filières au service des populations handicapées, comme nous avons su le faire avec le développement de la silver économie au service des personnes âgées. Le développement du design universel devra à cet égard être soutenu.
Je souhaite enfin que le fonctionnement des MDPH soit significativement amélioré. Simplification, personnalisation, réduction des délais, participation des usagers devront être privilégiés.
H.fr : Faut-il réellement jeter la pierre au gouvernement de Manuel Valls, comme l'a fait si souvent l'opposition durant 5 ans, en matière d'accessibilité des lieux publics quand il hérite d'une situation qui a pris du retard sous d'autres majorités que la sienne ?
AM : Il n'y a pas d'intégration à la vie sociale et aux services sans réponse pérenne aux besoins d'accessibilité. Cette question dépasse la seule question de l'accès aux services publics (éducation, transports, logement..) et concerne également l'accès au travail, à la santé, à la culture… Les objectifs initiaux de la Loi de 2005 doivent, dans ce cadre, être maintenus, même si l'échéance initiale a dû être repoussée compte tenu des investissements et ressources à mobiliser pour atteindre cet objectif. Ces investissements doivent d'ailleurs pouvoir s'inscrire dans le plan de relance des investissements qui est au cœur de mon projet économique de relance et de soutien à l'activité. Les efforts, conduits avec les collectivités locales et l'ensemble des acteurs associatifs doivent être encouragés.
Par ailleurs, nous devons amplifier et accélérer l'offre de services publics proposés par internet afin de faciliter la vie au quotidien des personnes en situation de handicap et développer via internet des nouveaux accès à des services de proximité (taxi, accompagnement, et accueil anticipés pour certains services publics, centres relais téléphoniques...). Il faut partir des besoins des populations handicapées et rechercher des solutions pragmatiques à leurs attentes. L'innovation doit, là encore être, au service des personnes en situation de handicap.
H.fr : Parce que l'école est le nerf de la guerre en termes d'inclusion, « une » mesure phare pour la scolarité des enfants handicapés ?
AM : Le droit à l'éducation pour tous est une base de notre République et de notre cohésion sociale. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation à la citoyenneté des personnes handicapées a consacré ce droit et permis le développement d'actions en faveur de la scolarisation des élèves en situations de handicap. Ce sont ainsi environ 300 000 enfants handicapés qui sont scolarisés chaque année, nombre en constante augmentation depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir en 2012. La Loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République de 2013 indique ainsi, désormais, dès l'article premier du code de l'Éducation, le principe de l'école inclusive pour tous les enfants, sans aucune distinction et a permis de nouvelles avancées dans la scolarisation de ces enfants ; l'objectif est d'aller vers une école toujours plus inclusive sachant s'adapter aux besoins spécifiques des enfants handicapés.
Les différents dispositifs de scolarisation, les parcours de formation individualisés et les aménagements personnalisés en fonction des besoins des élèves sont autant de mesures participant à l'inclusion scolaire que je souhaite favoriser et amplifier durant mon quinquennat, au-delà des moyens financiers et de formation et d'accompagnement des enseignants et des différentes catégories de personnel collaborant à la prise en charge de ses enfants, sans oublier les familles qu'il faut mieux aider et associer. Il s'agit là de métiers à part entière, et je souhaite que les AVS disposent enfin d'un statut de droit commun au sein de l'Éducation nationale, tournant le dos à la précarité encore trop présente.
Je n'oublie pas que la question de la scolarisation des enfants handicapés soulève en amont la question du dépistage qu'il faut renforcer encore pour prendre en compte le plus tôt possible les besoins spécifiques de ces enfants, tout comme les possibilités de poursuivre les apprentissages tout au long de la vie, au-delà de la période de scolarisation.
Toutes ces orientations en faveur de l'école de la République et la priorité donnée nous différencient très fortement des programmes de la droite, dans la mesure où la réduction du nombre de fonctionnaires et d'enseignants viendra, de fait, limiter le temps disponible à l'accompagnement des enfants handicapés.
Il importe que chaque enfant handicapé puisse bénéficier des apprentissages et à la vie scolaire, que ce soit au sein d'unité d'enseignement spécialisée ou au sein d'une classe ordinaire. Il faut revoir la formation et les moyens d'accompagnement de ces enfants pour qu'ils puissent, au-delà des apprentissages, exprimer leurs capacités, en faire usage et s'intégrer le mieux possible dans la société. Enfin, un effort nouveau devra être engagé pour la poursuite des études, à l'université et dans l'ensemble des formations post-bac.
H.fr : Parce que le chômage des personnes handicapées est deux fois supérieur à la moyenne nationale, quelle serait votre mesure prioritaire ?
AM : Le chômage est le fléau de notre société, particulièrement s'agissant de populations défavorisées, mais aussi des personnes en situation de handicap. L'objectif doit être celui de la recherche d'un emploi correspondant à leurs compétences et à leurs aspirations. Il faut leur donner pour cela toutes les chances de réussite, au-delà de l'obligation faite aux entreprises de les accueillir. Il faut aller plus loin, encourager et agir sur toute la chaîne de l'emploi, formation initiale et continue, incitation aux entreprises, accès aux moyens de transport et/ou possibilité de nouvelles formes de travail collaboratif et à domicile… L'accès à l'activité, à une vie sociale et à un revenu décent est une priorité pour laquelle nous devons consacrer toutes nos énergies. Les personnes en situation de handicap devront, à cet égard, pleinement bénéficier de la société des trois contrats que je propose : contrat de travail bien sûr, mais aussi contrat de formation dans le cadre de la sécurité sociale professionnelle et, autre nouveauté, un contrat d'activité.
H.fr : Contrairement aux candidats américains qui n'ont pas brillé par l'accessibilité de leur campagne, comptez-vous faire un effort dans ce sens, par exemple vélotypie lors des conférences, sites internet aux normes, accessibilité des meetings, pour que les personnes handicapées puissent elles aussi prendre part au débat démocratique ?
AM : Cette question est essentielle pour l'intégration et la participation des personnes handicapées à la vie citoyenne et à l'évolution de nos sociétés. Cela n'aura échappé effectivement à personne que la retranscription des primaires à la télévision n'aura fait l'objet ni de sous-titrage, ni de retranscription en langue des signes… Cette possibilité pourrait être imposée pour tous les débats nationaux par exemple, au-delà des conditions d'accès physique des personnes aux meetings qui doivent encore être améliorées.
H.fr : Autre chose à ajouter ?
AM : Je voudrais profiter de cette tribune pour souligner l'importance du renforcement de l'accès aux soins de proximité que nous devons tout particulièrement aux personnes handicapées, dans une période par ailleurs de profondes réflexions sur la lutte contre les inégalités. Tous les rapports disponibles soulignent en effet que de nombreux obstacles empêchent les personnes souffrant de handicap d'accéder aux services de santé et médico-sociaux et que ces personnes sont en moins bonne santé que le reste de la population. Le handicap peut par ailleurs conduire plus fortement à un risque de baisse de niveau de vie et à la pauvreté faute d'accès à l'éducation, l'emploi et à un revenu, et par les dépenses qu'il occasionne. À cet égard, l'AAH (Allocation adulte handicapé) bénéficiera de mon engagement à revaloriser les minimas sociaux et d'un suivi permettant de corriger les disparités de traitement qui peuvent exister d'un département à l'autre.