Victime d'un préjudice en sport ou loisir :quelle indemnité?

Impossibilité pour une victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisir ? C'est ce qu'on appelle le préjudice d'agrément. Quelle est l'indemnisation possible ? Le point avec Méhana Mouhou, avocat à la Cour.

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Le préjudice d'agrément est l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs dont la pratique antérieure, régulièrement démontrée, ne s'avère plus réalisable du fait du dommage corporel. Ainsi en a décidé la Cour de cassation, par un arrêt du 28 février 2013, qui impose de rechercher les activités pratiquées par la victime avant l'accident ou la maladie. Néanmoins, mettons un bémol sur la définition car le cas soumis à la Haute Juridiction était celui d'un salarié victime de l'amiante (à partir de 1962 et déclaration en 2007 d'une maladie professionnelle), indemnisé sous le visa de l'article L.452–3 du Code de la sécurité sociale pour faute inexcusable de l'employeur pour un montant de 10 000 € de préjudice d'agrément, indépendamment des souffrances endurées, du préjudice esthétique et de la majoration de la rente.

Quels critères à prendre en compte ?

Pour l'indemnisation du préjudice d'agrément, il convient de prendre en compte l'âge de la victime ; ainsi un enfant tétraplégique des suites d'un accident a le droit à un préjudice d'agrément quand bien même il n'aurait pas, au regard de son jeune âge, d'activités sportives ou de loisirs antérieures, et, dans ce cas, il convient de solliciter l'indemnisation au titre de la perte de chance pour un enfant de découvrir et pratiquer de nouvelles activités.

La nomenclature DINTHILLAC impose de retenir une appréciation in concreto (en tenant compte de l'âge, du niveau…) pour l'indemnisation du préjudice d'agrément mais ne fait pas référence explicitement à une indemnisation du préjudice d'agrément temporaire, c'est à dire de l'accident jusqu'à la consolidation des blessures. Mais il convient, dès lors que cette nomenclature n'est pas limitative, de solliciter l'indemnisation pour l'impossibilité d'exercer ses activités sportives et de loisirs pendant la période traumatique.

Comment rapporter la preuve ?

La preuve est libre : témoignage d'un tiers certifiant que la victime pratique telle activité sportive, photos, licences sportives, bulletin d'adhésions à un club sportif, activités artistiques… Peuvent être également indemnisées les activités de bien-être, manuelles, artisanales, musicales, théâtrales, sorties culturelles… Il est donc nécessaire de tout répertorier, avant l'accident ou la maladie, au titre des activités sportives, artistiques et culturelles, car c'est la réduction des capacités physiques et psychologiques empêchant la pratique de telles activités qui est indemnisable.

Indemnisation selon le taux d'incapacité

Le préjudice d'agrément indemnise non-seulement l'impossibilité de pratiquer une activité sportive, et qu'importe la fréquence ou l'intensité, mais aussi l'impossibilité de pratiquer le vélo le dimanche. L'indemnisation est également fonction du taux d'incapacité, c'est-à-dire du déficit fonctionnel permanent, que déterminera l'Expert médical ; ainsi on peut considérer que plus la victime est jeune, plus l'indemnisation est importante, plus le déficit fonctionnel permanent est élevé et plus le préjudice d'agrément est important. Rappelons pourtant qu'il n'y a aucune méthode d'évaluation retenue par les Juges et aucun barème (et bien heureusement) et chaque cas s'évalue in concreto. L'intensité de l'activité permet une indemnisation plus importante, mais a contrario l'irrégularité de l'activité ne permet en aucun cas d'exclure l'indemnisation ou de la minimiser dans la mesure où l'activité ne pourra plus être pratiquée.

Définitions légales

Il est rappelé que, précédemment, la Cour de cassation définissait le préjudice d'agrément comme une privation des agréments normaux de l'existence (Cass. crim. 26 mai 1992), puis a affiné les critères du préjudice d'agrément, par un arrêt de la 2ème chambre civile du 28 mai 2009, en précisant que la victime devait prouver l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, puis, par un arrêt du 2 avril 2010, a décidé que : « Le préjudice d'agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d'existence », et un deuxième arrêt du même jour a retenu « un obstacle à la qualité de la vie » généré par les séquelles.

Le montant de l'indemnisation

Ainsi, a été indemnisé le préjudice d'agrément à une somme de :
• 60 000 € pour une victime de traumatisme crânien ;
• 75 000 € pour une victime d'accident de la route avec séquelles tétraplégiques ;
• 10 000 € pour impossibilité de pratiquer la randonnée et le tennis ;
• 5 000 € pour une victime d'accident de travail avec amputation d'un doigt ;
• 30 000 € pour une victime de 26 ans avec de graves brûlures et un syndrome post-traumatique ;
• 40 000 € pour un enfant de 10 ans, consolidé à 21 ans, victime d'un accident de la circulation…

En se rendant à une expertise médicale, la victime devra indiquer à l'expert ses habitudes de sorties culturelles, ses activités artistiques et sportives avant l'accident afin que puisse être indemnisé le préjudice d'agrément.

En savoir plus…
« Défendre ses droits de victimes », par Maître Mouhou, avocat spécialisé en réparation du dommage corporel, et docteur Gouraud, médecin conseil des victimes, éditions Harmattan

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