Film Qui brille au combat: le handicap au cœur de la fratrie

"Bertille, c'est la météo de notre famille." Inspiré de son histoire, le premier film de Joséphine Japy, "Qui brille au combat", met en lumière le quotidien des fratries confrontées au handicap lourd. Un récit incarné, sans pathos, qui frappe juste.

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Et si le combat le plus dur était celui qu'on ne voit pas ? Avec Qui brille au combat, la comédienne Joséphine Japy passe pour la première fois derrière la caméra et s'attaque à un angle mort du cinéma français : la vie quotidienne des familles confrontées au handicap lourd. Inspiré de son histoire personnelle, et plus particulièrement de la relation avec sa sœur Bertille, atteinte d'une maladie génétique rare, le syndrome de Phelan-McDermid, le film explore l'intimité d'un foyer bouleversé, sans jamais chercher à édulcorer la réalité. Présenté au Festival de Cannes 2025 et attendu en salles le 31 décembre 2025, ce premier long métrage est à la fois une confession intime et un miroir tendu à notre société (bande-annonce ci-contre).

Le handicap au cœur de la vie familiale

L'histoire se déroule dans le Sud de la France. Bertille, adolescente polyhandicapée, vit avec ses parents et sa grande sœur Marion, 17 ans. Les journées sont imprévisibles, les nuits souvent hachées, et chaque décision familiale se construit autour de cette fragilité permanente. Le film s'attarde sur les répercussions invisibles : la fatigue des parents, l'organisation millimétrée du quotidien, mais aussi la place singulière de la sœur, tiraillée entre loyauté familiale et désir de s'émanciper. Ici, le handicap n'est ni un décor ni un prétexte narratif : il structure les relations, les silences et les choix de chacun.

Frères et sœurs : les grands oubliés

C'est l'un des points les plus sensibles du film : la place des frères et sœurs, souvent relégués au second plan. Marion incarne ces « enfants de verre », discrets par nécessité, mûrs trop tôt, qui apprennent à se taire pour ne pas ajouter de poids à la charge familiale. Joséphine Japy filme cette tension avec finesse, sans discours appuyé, laissant affleurer les contradictions : l'amour immense, la colère rentrée, la culpabilité de vouloir partir. Une réalité encore peu représentée à l'écran mais largement partagée par de nombreuses familles.

Une mise en scène au plus près des corps

Pour éviter toute forme de misérabilisme, la réalisatrice filme au plus près des corps et du quotidien, sans effets superflus ni dramatisation appuyée. La caméra s'attarde sur les gestes, les regards, les respirations. Rien n'est surligné : ni la douleur, ni la joie. Cette sobriété donne au film une force particulière, en laissant au spectateur la place de ressentir plutôt que de juger. Le handicap est montré tel qu'il est vécu : complexe, déroutant, parfois épuisant, mais aussi traversé de moments de grâce et de rires inattendus.

Un casting 5 étoiles

Porté par Mélanie Laurent et Pierre-Yves Cardinal dans les rôles des parents, le film repose aussi sur la justesse d'Angelina Woreth, qui incarne Marion avec une intensité contenue. Mais c'est surtout Sarah Pachoud, dans le rôle de Bertille, qui marque durablement. Son interprétation, d'une grande délicatesse, évite toute caricature et impose une présence qui oblige à regarder autrement. Un choix de casting longuement mûri, sur lequel la réalisatrice revient dans un entretien accordé à l'AFP.

Question : Comment avez-vous choisi l'actrice jouant Bertille ?
Joséphine Japy :
On a rencontré beaucoup de jeunes filles non verbales comme ma sœur mais ça posait la question du consentement, ça c'était pour moi inenvisageable. Puis on a rencontré des jeunes filles avec des handicaps moins lourds mais je leur demandais de régresser donc je rajoutais une violence à la violence. On a rencontré des actrices valides. Ma mère, je lui montre les images de Sarah, et là elle a les larmes aux yeux, elle me dit « je n'en reviens pas, vous l'avez trouvée, c'est elle ».

Q : Quel est le quotidien de ces frères et sœurs d'enfant en situation de handicap ?
JJ :
Il y a « les enfants de verre », qui s'invisibilisent, pas par manque d'amour des parents, mais ils se disent : « je vais me mettre en retrait parce qu'il y a quelqu'un qui demande de l'attention à côté. » C'est quelque chose de particulier de commencer son existence en se disant « je vais me mettre en retrait. » Il y a une tension qui se crée, plus ou moins forte en fonction des familles, entre l'intimité de ce qui se passe à la maison et le monde extérieur, l'école, les amis et plus tard la vie professionnelle. On n'a pas toujours envie d'implorer la pitié chez les autres et parfois les gens n'ont tout simplement pas envie de vous écouter et de regarder tout ça droit dans les yeux. Pour toutes ces raisons, vous êtes un peu, pardon pour l'expression, le cul entre deux chaises. Quand je parle avec des frères et sœurs, ils arrivent à 20-25 ans avec l'impression déjà d'être très cramés par la vie, comme déjà presque épuisés, à des âges où normalement tout est possible.

Q : Ça a été votre cas ?
JJ :
J'ai l'impression d'avoir grandi trop vite, j'ai fait ma crise d'adolescence bien plus tard, entre 20 et 25 ans. Après, je suis repartie en arrière pour aujourd'hui, je crois, arriver à un endroit qui est mon juste âge. C'est hyper important de ne pas brûler les étapes. Il ne faut pas avoir des niveaux de maturité qui arrivent trop vite, on n'est pas fait pour absorber ces chocs-là.

Q : Avez-vous des regrets ?
JJ :
Ma vie a été chamboulée avec Bertille. Est-ce que je lui permettrais, si j'avais une baguette magique, de ne plus être malade ? Très certainement. Mais est-ce que j'aurais envie d'être la personne qui n'a pas connu ce handicap ? Paradoxalement, non. Ça m'a transformée, ça m'a amenée à réfléchir à la vie différemment, à voir les gens différemment, à croire que ça n'arrive pas qu'aux autres. Il y a beaucoup de joie, de vie qui ressort de tout ça. J'ai des souvenirs très, très joyeux de notre quotidien malgré tout.

Q : Est-ce un film manifeste ?
JJ :
Cette question du regard de la société sur les personnes handicapées a trop duré. Le film est un appel aux personnes qui ne connaissent pas le handicap à ne pas s'arrêter à la façade parfois malaisante, parfois gênante, parfois compliquée. C'est normal d'avoir ce premier regard quand on ne connaît pas mais il faut continuer à regarder quelques secondes de plus pour percevoir la beauté chez ces personnes, leur utilité dans notre société, la nécessité de les intégrer. Le handicap ne peut plus être l'angle mort de notre société, de nos politiques.

Q : Comment va votre sœur aujourd'hui ?
JJ :
Elle va bien, elle vient d'avoir 29 ans. Notre quotidien est toujours mouvant, les journées commencent, on ne sait pas comment elles se terminent. Bertille, c'est la météo de notre famille. Si elle va bien, la journée de tout le monde se passe très bien. Quand il y a des moments plus compliqués, c'est plus compliqué pour tout le monde également.

© Affiche du film Qui brille au combat

Affiche du film sur laquelle les 3 protagonistes du film sourient.
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