Film Rosy : le voyage interdit de Marine, atteinte de SEP

En 2015, Marine Barnérias, 21 ans, apprend qu'elle est atteinte d'une sclérose en plaques. La jeune femme décide alors de partir au bout du monde. Elle a tiré de ce voyage un docu fort et exaltant. Rosy est à découvrir au cinéma le 5 janvier 2022.

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En 2015, Marine Barnérias, étudiante de 21 ans, apprend qu'elle est atteinte d'une sclérose en plaques, une maladie auto-immune incurable. Le choc de l'annonce, l'urgence de la situation et le besoin de prendre une décision quant au traitement à suivre, la poussent à trouver une solution en elle… Contre l'avis de ses médecins, elle décide de partir pour un long voyage initiatique dans trois pays : la Nouvelle-Zélande pour redécouvrir son corps, la Birmanie pour apaiser son esprit et la Mongolie pour renouer avec son âme. A travers des expériences inoubliables, Marine part à la rencontre d'elle-même et d'un nouvel équilibre avec cette sclérose qu'elle surnomme Rosy. Après la sortie de son livre Seper hero en 2017, elle a tiré de ce périple un documentaire de 90 minutes fort et inspirant en salle le 5 janvier 2022 (bande-annonce ci-contre). Cerise sur le gâteau, la musique est signée M !

Question : A quel moment avez-vous senti qu'il y avait matière à faire un film ?
Marine Barnérias : Jamais je n'avais envisagé, dans ma tête ou mon cœur, de faire un film... Mes plans étaient flous, mon téléphone tout le temps à l'envers ! A la fin, lorsque j'ai rassemblé tout cela et que l'idée d'en faire un film a germé, je me suis dit que ce serait impossible. L'envie de repartir avec une vraie caméra m'a même traversé l'esprit. Mais, avec mes producteurs, nous avons décidé de faire quelque chose de sincère, à partir de ce que nous avions.

Q : Rosy commence au moment où vous apprenez votre maladie. Ce qui est frappant, c'est la dureté de cette annonce...
MB : La puissance des mots est très importante et je suis convaincue qu'ils peuvent littéralement tuer quelqu'un, beaucoup plus que les gestes violents. Ce que je raconte ou montre, n'est pas une critique des médecins ; je voudrais au contraire essayer d'améliorer les choses. Lorsque je me retrouve sur ce lit d'hôpital et qu'on m'annonce que je suis atteinte d'une maladie neurodégénérative, je ne comprends absolument pas de quoi on me parle. Même le terme « sclérose en plaques » est complexe, inélégant... Je peux accepter que cette femme médecin a énormément de malades à traiter au quotidien mais celles et ceux qu'on appelle « les blouses blanches » ne se rendent pas compte de l'impact d'un diagnostic sur la vie de leurs patients. Elle me l'a balancé comme ça, sans rester, sans expliquer, me laissant quelques brochures, en me renvoyant vers des associations. Mais à ce moment-là, je m'en foutais ! J'avais besoin d'un médecin qui me parle, me rassure, me dise simplement les choses... Dans la foulée, je suis allée voir sur Internet et, là, j'ai fait face au pire...

Q : Vous parvenez à transformer cette énergie extrêmement négative en force et décidez de vous battre...
MB : Entre ce diagnostic et mon départ, il s'est en réalité passé quelques mois durant lesquels j'ai connu la peur, le doute, l'abattement, la haine... J'ai voulu cacher ce qui m'arrivait aux autres mais mon corps a changé la donne... J'ai perdu la vue une deuxième fois et ça a été un électrochoc.

Q : Vos proches, très présents à vos côtés, vous laissent alors partir seule au bout du monde...
MB : Je peux imaginer ce que c'est pour une mère de voir sa fille atteinte d'une telle maladie, qui peut se réveiller à tout moment, partir seule et sans assistance au bout du monde... Or, la mienne a tout mis en place pour que je parte dans les meilleures conditions, même si elle était tétanisée. Elle a compris que le chemin que j'allais emprunter était vital. Les enfants ne disent jamais assez « merci » à leurs parents, ce film est une manière pudique de le faire...

Q : Le paradoxe de ce périple, c'est que, pour être au plus près de vous-même, vous partez le plus loin possible...
MB : Le choix de ces pays s'est fait en une soirée ! Je me souviens être rentrée de l'hôpital avec mes perfusions de corticoïdes. Je perdais la vue, j'avais le sentiment que mon corps partait en vrille et j'avais besoin d'être loin de toutes les personnes qui me connaissaient... Je voulais marcher, en traversant un pays de part en part. L'Australie m'a semblé trop vaste, les Etats-Unis ne m'inspiraient pas trop, l'Europe était trop proche, donc la Nouvelle-Zélande m'a paru parfaite ! La Birmanie, c'était une volonté de me confronter à mon esprit et au silence, qui n'est pas la première de mes qualités. Je voulais essayer de me canaliser. Pour la Mongolie, cela me ramenait à mes années d'équitation dans ma jeunesse. Ces trois pays se complétaient donc parfaitement. A partir de ce moment, j'ai eu le sentiment que plus rien ne pouvait m'arrêter : le corps, l'esprit et l'âme allaient se rejoindre...

Q : Le moment le plus compliqué semble être cette cure de silence de douze jours dans un centre de retraite en Birmanie...
MB : C'était il y a quatre ans or cette aventure reste omniprésente. Lorsque je suis arrivée devant ce centre de méditation Vipassana, présent désormais dans le monde entier, j'ai rencontré un moine qui m'a révélé que beaucoup de gens tentaient l'expérience mais arrêtaient au bout de quelques jours, certains craignant de devenir fous... Là-bas, vous êtes obligé de signer un engagement stipulant que vous allez tout donner pour rester jusqu'au bout. Ce silence imposé était ce qui m'effrayait le plus. Lorsque vous vous retrouvez face à vous-même, le silence devient extrêmement bruyant ! J'y ai découvert la puissance de mes démons mais aussi la force de ce que je pouvais accomplir, une infinité de choses sur laquelle il m'est difficile de mettre des mots simples...

Q : Une rencontre troublante ?
MB : J'ai vécu des moments surréalistes qui me prouvent que le hasard n'existe pas. En Nouvelle-Zélande, je me suis retrouvée embarquée dans une marche interminable avec des Allemands. N'arrivant plus à les suivre, je décide de redescendre, m'assois sur un tronc d'arbre où se trouve déjà une femme... Je lui demande ce qu'elle fait là. Elle me répond : « Je suis atteinte de sclérose en plaques, j'essaie de monter mais je n'y arrive pas... ». Nous sommes reparties ensemble, bras dessus bras dessous, et elle m'a transmis l'énergie pour boucler mes trente derniers kilomètres.

Q : Et puis vient le moment où vous éprouvez le besoin de nommer votre maladie. Pourquoi Rosy ?
MB : Je n'en pouvais plus de noter dans mon carnet « sclérose en plaques », le mot « sclérose » est tellement moche ! De « sclérose » est sorti « rose » puis « Rosy »... Si j'étais un peu fleur bleue, je dirais qu'une rose à laquelle vous ne faites pas attention peut vous faire mal, vous piquer. En revanche, si vous l'observez, vous verrez qu'elle est belle, délicate... Eh bien, durant ce voyage avec Rosy, j'ai vraiment regardé ce qui m'entourait et, à travers cela, vu ma maladie d'une autre manière...

Q : Au bout de neuf mois, au pays des Tsaatan, éleveurs de rennes mongols, vous vous dites que c'est la fin du voyage...
MB : Je savais qu'il fallait rentrer chez moi. Je n'ai ressenti aucune mélancolie. Je n'ai pas eu l'envie de prolonger, de rester. J'avais besoin de retrouver les miens. Dans l'avion du retour, je me suis dit que j'allais réunir toutes ces petites graines avec l'idée de les faire germer. Cette sensation d'avoir tout devant moi, tout à faire, tout à apprendre, tout à découvrir... J'ai vite compris que c'était avec celles et ceux qui étaient restés que j'allais accomplir tout cela. Retrouver la vie, le quotidien, le stress, la famille, le travail allaient m'aider à continuer à vivre avec Rosy. Autant dire que je flippais un peu !

Q : A votre retour, lors d'une visite médicale, vous apprenez que la maladie a progressé mais n'en avez aucun souvenir. C'est du déni ?
MB : Quand vous souffrez de sclérose en plaques, ce sont vos propres anticorps, censés vous défendre, qui attaquent les nerfs chargés de faire la connexion entre vos organes et vous permettent de voir, bouger, ressentir... On peut donc perdre la vue, la motricité, d'une manière soudaine, ce qui m'est arrivée comme je le montre dans le film, sans aucun signe avant-coureur. Donc, oui, j'ai pu être victime de telles poussées sans m'en rendre compte. Mais ce que je montre une fois encore, c'est la puissance des mots... Lorsque je fais cette visite de contrôle, je me sens mieux, j'ai accepté de vivre avec ma maladie, de trouver des solutions et je me retrouve face à quelqu'un qui me dit : « Ça ne va pas du tout se passer comme cela, vous allez être handicapée, en fauteuil roulant... ». Comment peut-on dire ça, aujourd'hui ? Le prédire même ? Je crois à la cohabitation au jour le jour avec son mal. Ce type était en fait en train de me dire : « Ton aventure, je n'en ai rien à faire, ta maladie est toujours bien présente ». Mais je savais tout cela ! J'ai eu l'impression que ce médecin était beaucoup plus inquiet que moi. Or, il avait en face de lui une fille avec une immensité d'envies, de joie, de possibilités...

Q : C'est tout le message de votre film, face à la maladie, chacun a son propre voyage à faire...
MB : Exactement, et pourquoi vouloir nous en priver, nous le gâcher ? Je ne me considère pas comme l'égérie de la sclérose en plaques, je n'ai pas de recette pour les malades, juste un ressenti... Ce que j'ai expérimenté, c'est irrationnel, à une époque où l'on veut tout rationaliser, surtout quand on ne va pas bien ! Le « message » pourrait être celui-ci : écoutons-nous. Nous sommes capables d'accomplir des choses exceptionnelles. Il n'y a pas la science d'un côté et le développement psychologique ou thérapeutique de l'autre. Prenons juste le temps de nous écouter pour décider du meilleur des traitements. Ce choix revient d'abord au patient. Pour qu'un traitement fonctionne, il faut l'accepter. Vous savez, la sclérose en plaque est une maladie dégénérative, donc dévastatrice. Mais un divorce ou un licenciement peuvent l'être tout autant. Arrêtons de mesurer nos malheurs, de les mettre dans des cases, les maladies comme le reste. Remettons l'Homme au cœur de ce qu'il ressent.

Q : Comment allez-vous aujourd'hui ?
MB : A cet instant, je vais bien. Demain matin, je ne sais pas... Rosy est toujours à mes côtés, elle peut évoluer d'un coup. Depuis ce voyage, je n'ai pas eu d'autre paralysie. Je pense avoir la « chance » de souffrir d'une sclérose en plaque qui évolue lentement. C'est ma coloc, elle fait sa petite cuisine dans son coin mais je la sens ! C'est une maladie que chacun vit différemment sous des formes variées où tout peut être bouleversé du jour au lendemain.

Je voudrais tout de même, pour finir, saluer ceux qui accompagnent les malades car on en parle peu. Ils restent dans l'ombre, n'osent pas se plaindre mais, au final, ils sauvent beaucoup plus de vies qu'ils ne le pensent. Merci donc à ces accompagnants, des piliers qui s'ignorent. Rosy est fait pour eux, pour leur dire : « Ne vous inquiétez pas, vous êtes des gens géniaux. Même si vous ne faîtes pas tout bien, vous faîtes et c'est le principal... ».

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