« C'est toujours la même histoire. Au mieux, on nous dit : 'On ne sait pas, on cherche'. Au pire : 'C'est dans votre tête. » Trois millions de Français sont atteints de l'une des 7 000 maladies rares. Un quotidien semé de doutes, de douleurs et d'innombrables rendez-vous médicaux. 95 % de ces maladies bien souvent orphelines ne disposent pas de traitement curatif et 25 % des personnes concernées doivent patienter quatre ans en moyenne avant d'être orientées vers un centre qualifié pour obtenir un diagnostic. Un parcours du combattant harassant qui impacte considérablement la vie sociale, professionnelle, affective...
Malgré les réelles avancées des trois plans nationaux maladies rares (PNMR), l'absence de traitements et l'errance diagnostique restent des enjeux cruciaux. « Face à la rareté des maladies, à la complexité et à la spécificité des défis à relever, seule une stratégie nationale interministérielle et dotée de réels moyens financiers pourra mettre fin à ces situations inacceptables », affirmaient plusieurs acteurs de la Plateforme maladies rares le 17 février 2023, lors d'une conférence de presse organisée en amont de la Journée internationale du 28 février.
Les maladies rares délaissées par les investisseurs ?
Une maladie est considérée comme « rare » lorsque sa prévalence est inférieure à une personne sur 2 000. Mais 85 % d'entre elles touchent moins d'une personne par million d'habitant et la quasi-totalité ne disposent d'aucun traitement. « Après une période d'investissements importants, force est de constater qu'aujourd'hui le marché se focalise sur les maladies offrant le plus de perspectives commerciales, délaissant, de fait, les plus rares et les plus complexes, constate l'AFM-Téléthon, qui participait à cette réunion de crise. Pourtant, des thérapies innovantes ont montré leur efficacité dans des premières maladies rares, ouvrant la voie pour d'autres, voire pour des pathologies plus fréquentes. »
Un fonds public en cas de rentabilité financière insuffisante
Stop ! L'association incite les pouvoirs publics à « reprendre la main ». Pour ce faire, l'AFM-Téléthon propose la création de Fiturare, un fonds public d'intervention et d'innovation pour les traitements de maladies ultra rares sans perspectives de rentabilité commerciale. Concrètement, ce fonds, « qui pourrait être créé dans le cadre du quatrième PNMR », interviendrait en finançant des projets thérapeutiques dont la perspective de rentabilité financière est insuffisante pour les investisseurs privés. Ces traitements sans perspectives commerciales pourraient ensuite être mis à disposition des patients dans le cadre des dispositifs existants d'accès compassionnel, qui permettent à certains patients en impasse thérapeutique de bénéficier, à titre exceptionnel et temporaire, de médicaments sans autorisation de mise sur le marché français destinés à traiter des maladies rares, graves ou invalidantes. Mais où trouver de telles ressources ? « Le financement pérenne de ce fonds pourrait provenir de l'Assurance maladie mais aussi de l'industrie pharmaceutique pour compenser la défaillance du marché », propose l'AFM-Téléthon.
Un 4e plan national ambitieux exigé
« La France a été innovante pour l'accès des patients à des traitements sans autorisation de mise sur le marché. Elle a également été pionnière dans la lutte contre les maladies rares. Elle doit aujourd'hui créer un mécanisme financier permettant le développement et l'accès aux traitements pour les maladies sans modèle commercial », ajoute sa présidente, Laurence Tiennot-Herment. Leitmotiv ? « Pour des dizaines de milliers de patients concernés par des maladies le plus souvent mortelles, il n'y a pas de plan B ! » Selon elle, Fiturare est un outil pragmatique, complémentaire des dispositifs existants, pouvant rapidement apporter des solutions thérapeutiques à des malades dont la vie est menacée. « Il suffit juste d'une réelle volonté politique », martèle Mme Tiennot-Herment, encourageant à démarrer sans délais les travaux de co-construction du quatrième Plan national maladies rares, qui doit mobiliser les ministres de la Santé et de la Prévention, de l'Enseignement supérieur mais aussi de l'Economie. « Les questions à résoudre sont nombreuses. Qu'elles soient très techniques ou très politiques, des réponses innovantes et coordonnées doivent y être apportées », poursuit-elle.
Une grande campagne de sensibilisation
Le gouvernement est également attendu au tournant concernant l'errance diagnostique, un « fléau » qui impacte des milliers de personnes ne sachant pas qui contacter pour être informées. « Encore trop de professionnels de santé de première ligne méconnaissent les maladies rares et les dispositifs nationaux déployés », déplore l'Alliance maladies rares. Face à ces constats, ce collectif de 240 associations lance une grande campagne de sensibilisation et mobilise 500 ambassadeurs (associations de malades, filières de santé maladies rares et plateformes d'expertises) pour éclairer les professionnels de santé via une brochure d'information ainsi que des affiches destinées à leur patientèle.
Un film choral d'une minute -qui regroupe plusieurs témoignages- (en vidéo ci-contre) incite à agir pour être informé, orienté vers les bons experts. Les personnes concernées peuvent notamment contacter la plateforme Maladie rares info services au 0 800 40 40 43 (service et appel gratuits) ou consulter le site d'informations Oprhanet . Enfin, le collectif appelle le plus grand nombre à participer à un challenge pour diffuser massivement sur les réseaux sociaux leur soutien au mouvement #accéléronslesdiagnosticsmaladiesrares (plus d'informations sur le site de l'Alliance maladies rares ) « C'est toujours la même histoire... Changeons-la, ensemble », encourage le clip.