Des détenus participent à l'éducation de jeunes chiens d'assistance destinés aux personnes handicapées. On doit cette initiative à l'association Handi'chiens d'Alençon (Orne), avec le soutien de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer et de la Fondation de France. Tout a commencé en 2013 lorsque Sophie Lasne met en place un programme similaire dans un quartier de peines aménagées avec des détenus qui poursuivent, à travers cette activité de médiation animale, leur programme de réinsertion. Les effets s'avèrent particulièrement positifs ; dès l'automne 2014, la jeune femme décide donc de pousser une autre porte, d'ordinaire totalement close, celle de la prison d'Alençon-Condé. Sa particularité, c'est d'être l'un des centres pénitentiaires les plus sécurisés de France, conçu en 2013 pour recevoir des détenus purgeant de très lourdes peines. Des espaces où l'on ne voit jamais le ciel... « L'idée, c'est d'amener un peu d'humanité dans ces murs, explique Sophie ». Il y a 7 ans déjà, Handi'chiens Strasbourg avait eu cette audace mais avec un seul chien et des détenus purgeant des peines légères.
4 hommes, 4 chiens
« Ces quatre hommes, tous volontaires, poursuit-Sophie, ont été choisis par la direction car ils sont déjà dans une mesure réparatrice. » Chacun s'occupe de son propre chien, une heure par semaine. Une rencontre qui leur offre à une parenthèse de liberté, comme une brève évasion. Dans une petite pièce dédiée, ils retrouvent Hippon, labrador sable, Incas, labrador noir et deux golden Isis et Ippie. On cajole, câline, caresse, dans un univers où le toucher est généralement proscrit. Les quatre hommes se disent apaisés par ces retrouvailles hebdomadaires ; tous ont envie de bien faire. A travers cette démarche citoyenne, les détenus prennent conscience qu'il existe un monde à l'extérieur, sont moins centrés sur eux-mêmes et ont davantage le souci de l'autre.
Avec les femmes de la prison de Rennes
« Ils vont ressortir un jour, explique Sophie, alors c'est dans l'intérêt de la société qu'ils aillent mieux. Beaucoup d'entre eux, qui n'ont jamais connu que la violence, n'avaient pas conscience qu'ils pouvaient éduquer un chien par la douceur.» Un bénéfice donnant-donnant... « On observe des changements de comportement très rapides, poursuit Sophie, un grand relâchement. Les visages s'ouvrent, les sourires apparaissent... Certains détenus suivis en thérapie ont même cessé de voir leur psy et prennent moins de médicaments pour s'endormir le soir après la séance. » L'association Handi'chiens Alençon espère bientôt travailler avec les trois maisons centrales qui composent ce centre pénitentiaire. Depuis début 2015, elle mène par ailleurs un projet similaire avec la prison des femmes de Rennes.
13 000 euros par chien
Ces chiens d'assistance seront, à terme, confiés à des personnes ayant un handicap moteur mais il y a aussi, dans ce chenil du cœur de futurs chiens d'éveil destinés aux enfants avec des troubles autistiques, trisomiques ou polyhandicapé ou encore d'accompagnement social confiés à des référents au sein d'établissements accueillant des personnes âgées dépendantes ou des adultes handicapés. Ils ont déjà passé 18 mois dans une famille d'accueil et, durant 6 mois, doivent compléter leur éducation au sein de l'association. Il leur faudra donc deux années pour apprendre leur « job ». Un partenaire en or puisque cette formation revient à plus de 13 000 euros ! En juin 2015, Hippon, Incas, Isis et Ippie seront remis gracieusement à leur maître. Dès la rentrée, ce sont de nouveaux congénères qui prendront le relais, de nouveaux détenus aussi. Au grand dam de ceux qui ont pu, pendant quelques mois, savourer cette parenthèse un « poil » enchantée..