(*CGPME : Confédération générale des petites et moyennes entreprises)
Handicap.fr : On annonce le report des sanctions financières pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d'emploi de personnes handicapées. De quoi s'agit-il ?
Jean-François Roubaud : Au 1er janvier 2010, les pénalités dues par les PME de plus de 20 salariés qui n'ont pas mené d'actions en faveur de l'insertion des personnes handicapées pendant les trois exercices précédents seront, par exemple, multipliées par 3,75 pour les entreprises de 20 à 199 salariés (l'obligation d'emploi est de 6% de l'effectif total). A cela s'ajoute l'instauration de pénalités à hauteur de 1% de la masse salariale pour les PME de plus de 50 salariés qui n'ont pas conclu un accord ou mis en place un plan d'action en faveur des seniors. Ces sanctions traduisent une méconnaissance de la réalité des PME et mettent en péril bien des entreprises
H : Les actions menées par la CGPME sont-elles à l'origine de ce report probable de six mois ?
JFR : Oui, clairement ! Nous avons d'ailleurs lancé une pétition dans ce sens en novembre. Pour trois raisons : ces pénalités sont bien trop importantes pour les petites entreprises, je ne suis pas certain que cela résolve le problème de recrutement des travailleurs handicapés et, enfin, il faut tenir compte de la situation économique difficile qui fragilise déjà les entreprises.
H : Etes-vous opposé à ce système de quota imposé depuis quelques années par la loi et encadré par l'Agefiph ?
JFR : Non nous ne sommes pas contre mais encore faut-il nous donner les moyens de recruter. Nous ne souhaitons modifier ni les textes ni la loi mais réclamons juste un peu plus de souplesse dans une conjoncture, je le répète, particulièrement difficile. Il faut savoir qu'en 2009, environ 1900 entreprises ont mis en place des actions positives en faveur de l'emploi des personnes handicapés, mais ont du y renoncer parce que, dans certains cas, les profils de candidats qui se présentaient ne correspondaient pas aux postes recherchés. C'est pourquoi il faut travailler en amont et favoriser la formation des étudiants en situation de handicap.
H : En quoi ce délai, somme tout assez court, peut-il réellement être utile ?
JFR : Il y a des milliers de petites entreprises (notamment entre 20 et 50 salariés) qui n'ont pas de service Relations humaines (RH) et ne sont même pas au courant de ce dispositif. Elles vont désormais toutes recevoir un ordre de paiement mentionnant ces pénalités et auront donc quelques mois supplémentaires pour payer ou bien régulariser leur situation, soit en embauchant des travailleurs handicapés -ce qui n'est pas forcément la solution la plus simple-, soit en déclarant des travailleurs en situation de handicap déjà en poste dans l'entreprise, soit en passant des contrats avec le secteur protégé. De 6000 à 8000 PME qui n'ont mis en place aucune action (c'est-à-dire une situation à quota zéro sur trois ans) seront soumises à cette surcontribution.
H : Mais six mois, c'est court pour prendre de telles mesures ?
JFR : Oui, je sais, mais le système est déjà en place depuis trois ans et nul n'est sensé ignorer la loi ! Dorénavant, les chefs d'entreprises ne pourront plus dire qu'ils ne sont pas au courant.
H : Vous dites, dans votre pétition, « Les entreprises ont besoin qu'on les aide à recruter des travailleurs handicapés, pas qu'on les sanctionne ». De quelle manière peut-on les aider ?
JFR : Je vous donne juste un exemple, dans un autre domaine, pour illustrer certaines incohérences : une PME qui passerait une annonce spécifique pour recruter un senior serait accusée de discrimination. Comment composer avec toutes ces contraintes ? Des quotas pour l'embauche des seniors, des jeunes, des personnes handicapées... C'est difficilement réalisable pour les petites entreprises qui n'ont pas forcément des postes spécifiques pour chacune de ces catégories d'employés. Il y a néanmoins une mesure qui nous paraît assez simple à mettre en œuvre : pouvoir faire appel à des travailleurs indépendants handicapés en sous-traitance, avec les mêmes avantages et équivalences que pour les établissements spécialisés, type ESAT. D'autant plus que le secteur protégé, face à l'afflux de sollicitations, n'est pas toujours en mesure de satisfaire la demande.
H : Quels sont les reproches que vous adressent les associations de personnes handicapées ?
JFR : Elles sont évidemment mécontentes car elles pensent que nous ne jouons pas le jeu. Je veux juste leur faire comprendre que nous ne remettons pas en cause le principe mais que nous souhaitons un délai pour régler des problèmes conjoncturels plus urgents. Nous devrons bientôt assumer d'autres taxes, comme la taxe carbone. On nous rétorque que nous n'avons plus de taxe professionnelle mais elle sera remplacée par d'autres prélèvements. Certaines verront même leur contribution globale augmenter. Alors il est vrai que, face à toutes ces réformes, pour certains petits patrons, les questions de handicap ont parfois été reléguées au second plan. Leur donner le temps d'agir réellement pour l'insertion des personnes en situation de handicap est, à nos yeux, plus utile que de leur réclamer simplement de l'argent !