Handicapée depuis la naissance, Laurence se déplace exclusivement en fauteuil électrique avec son chien d'assistance. Elle a besoin d'aide pour tous les actes de sa vie quotidienne et ne peut effectuer aucun geste essentiel seule : se lever, se doucher, manger, se coucher... En 2010, la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Meurthe-et-Moselle lui a accordé des aides humaines 22 heures sur 24. Pourtant, le 22 octobre 2014, cette même MDPH réduit ce nombre à très précisément 9h56 par jour. Quatre aides de vie se relayaient jusqu'alors nuit et jour mais, face à cette nouvelle décision, Laurence est contrainte de licencier deux de ses assistantes. Elle ne peut plus compter que sur deux personnes, dont son conjoint.
Le tribunal saisi
Refusant cette décision, assistée de Maître Alexandra Grevin, elle saisit le Tribunal du contentieux de l'incapacité de Nancy. Par décision du 20 février 2015, le Tribunal lui donne raison, décidant que cette diminution d'aides humaines n'est pas justifiée. Or la MDPH, qui n'a ni comparu à l'audience, ni présenté d'observations écrites, fait appel de ce jugement, ce qui a pour conséquence de maintenir la suspension de l'aide humaine. A ce jour, la procédure est donc toujours pendante devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail. Elle va durer deux ans. "Tant que la Cour ne s'est pas prononcée, Laurence n'a pas assez d'aides de vie pour l'aider, nuit et jour, explique son avocate. Or elle est hors d'état d'assurer sa sécurité seule. Cette insuffisance la met en danger". Par conséquent, elle a décidé de porter plainte devant le Tribunal correctionnel de Nancy, contre la MDPH, sur le fondement de l'infraction de "délaissement d'une personne vulnérable".
Les objectifs de cette procédure ?
Quels sont les objectifs de cette procédure, probablement une première en France ? Selon Maître Grevin, "Faire cesser l'attitude de ces quelques MDPH qui ne se présentent pas à l'audience devant le Tribunal du contentieux de l'incapacité alors qu'elles sont convoquées et qui, une fois le jugement reçu, constatent qu'elles ont perdu et là, elles font appel. Je préférerais qu'elles se présentent dès l'audience, en première instance, pour qu'on puisse tous s'expliquer. En agissant de cette façon, les MDPH privent les justiciables en situation de handicap d'un premier degré de juridiction. Et cette attitude me semble injuste et déloyale." Et de poursuivre : "Il faut que les MDPH prennent conscience de l'importance des décisions qu'elles prennent sur la vie des personnes en situation de handicap. J'ai souvent l'impression qu'elles traitent des dossiers et non des personnes et leur avenir." L'audience a été renvoyée au 2 novembre 2015.
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