Handicap et marketing : pas très sexy la pub !

Handicap et marketing était encore un mariage improbable il y a quelques années. Le handicap, c'est le " parent pauvre " de la pub, aussi bien institutionnelle, associative que grand public. Comment lui redonner un peu d'éclat ?

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La sanction tombe ! « La com dans le milieu associatif, ce n'est vraiment pas terrible ! ». C'est Franck Hourdeau, directeur associé de l'agence Mediaprism, qui lance ce pavé dans la marre, à l'occasion du colloque "Marketing et handicap" organisé le 17 novembre 2011 par Hanploi en partenariat avec le Celsa (grande école en journalisme et communication).

Quoi, pas sexys les pubs des associations de personnes handicapées ? Et d'insister « S'il y a un milieu qui est à la dérive, publicitairement parlant, c'est bien le handicap ! Il n'existe pas de grandes associations internationales de personnes handicapées, comme c'est le cas pour Greenpeace ou Médecins sans frontières (il oublie quand même Handicap international !). Alors on reste sur des campagnes très nationales, ce qui réduit le champ des moyens et des idées !
Lorsqu'Amnesty international tourne un spot, elle peut espérer les meilleurs réalisateurs et les plus beaux mannequins. Gratuitement ! Pour le handicap, vous ne trouverez même pas un photographe haut de gamme. »

Ce à quoi nous sommes tentés de répondre : évidemment, le handicap, ce n'est pas toujours très glamour. Mais il y a indéniablement du vrai dans ce constat. Et d'enfoncer le clou : « Quant à la communication interne, elle est vraiment moche ! Trois mots et une pauvre photo... Il n'y a vraiment rien de spectaculaire. ».

N'en jetez plus, Franck ! Vous allez finir par fâcher l'assemblée. Qu'à cela ne tienne, il repart au combat avec un argument plutôt inattendu : « 90 % du budget communication des associations est destiné à collecter des fonds, alors vous pensez bien qu'elles n'ont pas forcément intérêt à embellir l'image de la personne handicapée car, sinon, les donateurs risquent de se faire rares. C'est l'effet Téléthon ! La petite fille en fauteuil roulant. Une communication émotive et restrictive. » Et pourtant, même ce parent pauvre est capable de susciter des jalousies.

La municipalité de Poitiers, suite à une campagne de pub en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, a été prise à parti par des employés « valides » qui lui reprochaient « d'en faire un peu trop pour les « handicapés » ». Il a suffi d'un seul argument pour apaiser les jalousies : « 85 % des situations de handicap surviennent après 16 ans. Si demain vous devenez handicapé, on fait quoi pour vous ? »

Les entreprises, une communication à plusieurs niveaux


Qu'en est-il maintenant des modes de communication choisis par les grandes entreprises françaises pour remplir les objectifs de leur mission handicap ? Pendant la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées, en novembre, les encarts publicitaires ont inondé les revues spécialisées et autres hors-série du Parisien ou de 20 minutes consacrés à « Emploi et handicap ». Comme autant de bouteilles jetées à la mer pour convaincre les travailleurs handicapés de rejoindre leurs rangs... Si toutes les entreprises concernées manifestent une réelle volonté de communiquer sur le sujet, on remarque une nette différence sur la stratégie employée pour évoquer la question du handicap. Propos frontal ou verbe plus subtile.

Une étude menée par deux maîtres de conférences du Celsa, Valérie Jeanne-Perrier et Julien Tassel, passe au crible les affiches éditées par une quinzaine de missions handicap. Elle porte un nom qui en dit long « Cachez ce handicap que je ne saurais voir ! ». Son analyse révèle que le marketing du handicap est tout un art !

Certains, comme Monoprix, Areva ou la Banque populaire ont recours à la métaphore. Le handicap est seulement suggéré, et on ne comprend le message qu'après avoir décodé le texte. Ce sont les partisans de la « méthode douce ». Mais ne faut-il pas avoir la force d'appréhender une terminologie pour la dépasser, être capable de dire au public que la différence n'est pas un drame ?

Vient ensuite l'école des « symboliques », qui franchissent une étape supplémentaire en ayant recours à un pictogramme ou une image, modes de compréhension universels, par exemple un fauteuil roulant ou un chien d'assistance. La tonalité de la composition est euphorique, ponctuée de couleurs vives qui donnent une image positive de la personne handicapée. C'est l'option choisie par la SNCF.

Il y a enfin la sphère « figurative » ! On rentre dans le vif du sujet, sans détour ni dissimulation. BNP ou la Société générale mettent au premier plan une prothèse ou une personne en fauteuil roulant ! Cette option, sans détour, manifeste la nature des engagements : volonté d'ouverture, ambition de transformer les comportements, d'effacer les stigmates... Plus de risque pour autant ?

Halte aux discours, des preuves !


Les entreprises ont tout intérêt à plus d'audace, en évitant les filtres et conventions qui embrouillent le message. Parler de « signature d'accord » ou de « maintien dans l'emploi », c'est un discours de spécialiste. Trop compliqué ! Ces campagnes s'adressent prioritairement aux personnes concernées, les travailleurs handicapés, qui se contentent de mots simples et surtout d'offres concrètes. Or les nobles sentiments et le paternalisme sur papier glacé leur laissent parfois peu de place, et limitent leur implication en tant qu'acteur. « Cela me rappelle le slogan « Touche pas à mon pote », explique Rokhaya Diallo, journaliste. Il sous entendait que le « pote » en question avait besoin d'être protégé alors que c'était à lui d'être au cœur de la communication et de s'exprimer ». Les « Ni pauvre ni soumis ! » l'ont bien compris.

Quand certaines campagnes manifestent un réel engagement social et sont capables de scander (et de prouver ?) « Le handicap est une force », d'autres ne seraient peut-être qu'une vitrine, une démarche qu'on mène au mieux par acquis de conscience, au pire par obligation. Le slogan le plus efficace, le plus transparent, ne serait-il pas : « Travailleurs handicapés, 10 postes à pourvoir. On vous attend ! ». Ni métaphore, ni précaution, ni discours. Des actes, des preuves ! Au lecteur de se faire une opinion : quelle émotion, quelle efficacité, quels faux semblants ? C'est un petit jeu somme toute intéressant... Mais pas toujours facile à décrypter. La réponse vient en partie d'une participante qui s'empare du micro lors du traditionnel jeu des questions- réponses : « Je ressens une véritable overdose de bonne volontés. Je me pose la question de l'efficacité de ces messages. Au final, quels bénéfices pour nous, travailleurs handicapés ? Il faudrait avant tout convaincre les propres managers de ces entreprises qu'ils ont un rôle à jouer au niveau sociétal. Un film comme « Intouchables » nous fait 100 000 fois plus de bien que toutes ces campagnes de pub "corporates". » Ah, les miracles...

Mais cette année 2011 serait-elle celle de tous les possibles ? A défaut de révolution, des évolutions remarquables puisque certaines grandes marques ont choisi de miser sur le handicap. C'est le cas de Thierry Mugler qui, pour son parfum A Men, met en lumière Oscar Pistorius, athlète amputé, ou encore L'Oréal qui affiche une top modèle sud-africaine elle aussi amputée des deux jambes. Plus récemment, la marque de lunette Krys fait d'un jeune homme en fauteuil roulant son égérie. Dernière en date, la boisson Red bull. On vous fait le pitch : un motard sur un circuit cross, intrépide, il prend tous les risques. Il enlève son casque ; c'est une femme, carrément jolie, et qui délivre son message... en langue des signes. Qui a prétendu que le handicap n'était pas une force de vente, qu'il ne ferait jamais rêver ?

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