Delphine Censier, tétraplégique 'modèle'
RENNES, 28 avr (AFP) - Sur de grandes photos couleur ou noir et blanc, une jolie femme dévoile les formes de ses hanches, la courbe de son dos, le corps recouvert d'une lingerie fine. Des images d'un charme assez classique, si ce
n'est que le modèle, Delphine Censier, est tétraplégique.
"Je voulais découvrir mon corps, voir autre chose que l'image médicale qu'on me renvoyait tout le temps de moi-même", raconte la jeune Rennaise, âgée de 20 ans, paralysée depuis la naissance et clouée dans un fauteuil roulant, qui fait l'objet d'une exposition.
L'idée de poser lui vient dans un centre de rééducation pour handicapés: "Un élevage où on a du mal à être considéré comme un être humain". "En internat, j'étais juste un +PMSI+ (code d'un système de tarification des soins, ndlr), une pathologie, pas une personne à part entière", se souvient-elle.
"L'expression d'angoisse, de complexe et de mal-être" qu'elle ressent alors se révèle n'être qu'"une simple méconnaissance de mon propre corps", écrit-elle dans un texte accompagnant cette première exposition. "Le besoin de me dégager des représentations stéréotypées, des regards et des mots qui m'emprisonnaient dans une image étrangère à moi-même s'est imposé comme
une évidence", explique Delphine.
"Je me suis fait mal, mais c'était bon de bouger, de sentir que je pouvais avoir une activité musculaire". "Au début, il faut surmonter sa peur: si je tombe, ça casse", explique-t-elle.
Deux assistants manipulent Delphine pour l'aider à adopter les poses sensuelles qu'elle désire, assise, allongée et même debout : "Je me suis tenue pour la première fois sur mes jambes grâce à cette expérience, appuyée sur un canapé", témoigne le modèle.
Contre la norme 90-60-90
Cette première exposition, au centre de rééducation où elle avait séjourné, suscite des réactions mitigées parmi les pensionnaires. Certains s'émeuvent de cette facette improbable montrée par Delphine à travers ses photos de
charme, mais d'autres lui reprochent de tricher, de cacher son handicap.
La jeune femme, qui pose désormais avec un photographe professionnel, insiste néanmoins sur la dimension personnelle de sa démarche. "Mon but, c'était de pouvoir enlever le corset que je porte toute la journée. J'ai enfin ressenti le contact d'un pull directement sur mon corps".
"Avant, je me sentais complexée par la norme 90-60-90, maintenant, je me considère vraiment comme une femme, davantage assise que handicapée",
assure-t-elle, affirmant que les personnes paralysées sont loin d'être les seules à se sentir rejetées de la scène de la normalité.
"Je n'ai pas de handicap physique mais mon corps reste un obstacle à mon bonheur", témoigne en guise de preuve un anonyme qui a griffonné son
sentiment sur le livre d'or de l'exposition. "Vous m'avez donné l'envie de lutter contre la fatalité des handicaps, particulièrement celui qui paralyse mon
corps: celui de la vieillesse", remercie une autre visiteuse, qui a signé "Annick, 68 ans".
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