Handicap : quels risques face à la fin des réseaux 2G/3G?

8 millions d'équipements essentiels menacés par la fin des réseaux 2G/3G. Des personnes âgées et handicapées pourraient perdre tout lien vital. Les professionnels du maintien à domicile alertent sur une urgence encore largement ignorée.

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Une échelle comportant les mots « 2G » et « 3G » barrés, puis « 4G » et « 5G ».

La fin d'une ère ? Lancés dans les années 1990 et 2000, les réseaux 2G et 3G – qui ont permis l'essor de la téléphonie mobile et la transmission de données – sont devenus obsolètes. Les opérateurs télécoms français prévoient donc leur extinction progressive. Mais cette mise hors service pourrait avoir un impact critique sur le quotidien de nombreuses personnes handicapées ou âgées qui utilisent des équipements essentiels fonctionnant encore avec ces réseaux. Alain Monteux, président de Tunstall Vitaris, leader de la téléassistance en France, alerte sur l'urgence d'anticiper ce basculement technologique.

Handicap.fr : Combien de dispositifs de téléassistance en France dépendent encore des réseaux 2G ou 3G aujourd'hui ?
Alain Monteux :
La fermeture anticipée des réseaux 2G, dès 2026 pour Orange, puis 3G entre 2028 et 2029, a été annoncée sans réelle concertation ni étude d'impact. Là où la plupart des pays européens se donnent un horizon de sept ans, souvent jusqu'en 2030, la France impose un calendrier beaucoup plus restreint. Cette décision menace directement près de huit millions d'équipements critiques, dont environ quatre millions en 2G. Sont concernés des dispositifs essentiels tels que la téléassistance, les téléalarmes d'ascenseurs, les systèmes d'alarme, la télésurveillance ou encore la gestion des réseaux d'eau.

En matière de téléassistance, l'enjeu est particulièrement aigu. Près de 120 000 dispositifs étaient recensés en 2024 en 2G et 180 000 en 3G, sur un parc national de 750 000 abonnés.

Pour remplacer les dispositifs obsolètes, il faudrait décaler l'extinction de ces réseaux de deux ans minium.

H.fr : Quels sont les risques concrets pour les utilisateurs en l'absence de remplacement anticipé ?
AM : Ces équipements sont utilisés par des personnes âgées isolées, fragiles ou atteintes de pathologies cognitives, pour lesquelles la téléassistance représente parfois le seul lien vital en cas de chute ou de détresse. L'arrêt prématuré des réseaux les rendrait immédiatement inutilisables, sans qu'une solution de remplacement réaliste puisse être déployée dans les délais annoncés.

H.fr : Avez-vous déjà constaté des cas où l'arrêt progressif de la 2G/3G a provoqué une panne de téléassistance ?
AM : Nous constatons de temps en temps sur le terrain des antennes qui ne fonctionnent pas. Heureusement, nos équipes monitorisent à distance les dysfonctionnements et peuvent intervenir rapidement pour changer les appareils concernés.

H.fr : Quelles sont les technologies alternatives disponibles pour assurer la continuité du service ?
AM : Des équipements compatibles avec la 4G ou la 5G, des solutions de raccordement direct via les box Internet sont déjà déployées. Le remplacement des derniers matériels en 2G dans nos parcs clients est anticipée. Les principaux opérateurs ont anticipé ce changement et cette transition technologique afin d'assurer une continuité de service et garantir une bascule maîtrisée et sans rupture pour les bénéficiaires

H.fr : Pourquoi cette transition est-elle complexe à mettre en œuvre pour les opérateurs de téléassistance ?

AM : Cette transition est préoccupante car la filière téléassistance est éclatée et fragilisée. Elle repose sur une multitude d'associations, de collectivités et de petites structures locales, qui assurent au quotidien un service de proximité mais avec des moyens financiers très limités. Le remplacement anticipé de dizaines de milliers de dispositifs représente pour elles une charge compliquée (coût du matériel plus onéreux, déplacement à domicile…). La filière n'a ni la capacité de répercuter ces coûts sur les bénéficiaires, ni les marges suffisantes pour absorber un tel bouleversement.

L'enjeu principal ne réside donc pas dans la faisabilité technique mais bien dans la capacité de l'ensemble de la filière à encaisser un tel déploiement. Les principaux opérateurs ont anticipé ce changement mais les petites structures, faiblement capitalisées, soumises à des tarifs contraints, se trouvent aujourd'hui face à un défi logistique et économique majeur.

H.fr : Quel est le rôle des pouvoirs publics dans cette transition technologique ? Sont-ils suffisamment mobilisés ?
AM :
C'est une très bonne question. Malgré une importante mobilisation des acteurs industriels et de services concernés, rien n'a, pour le moment, changé.

Des élus ont notamment attiré l'attention du gouvernement sur les risques liés à l'arrêt des réseaux 2G et 3G, décidé unilatéralement par les opérateurs télécoms sans concertation suffisante. Le gouvernement a été interrogé sur les mesures concrètes qu'il souhaite prendre pour encadrer réglementairement les futures extinctions de réseaux (4G, 5G et au-delà) afin de prévenir ces difficultés. L'enjeu est de savoir si cette transition se fera notamment via un délai de préavis minimal, une concertation préalable et un plan de transition détaillé avec tests de compatibilité.

Retrouvez le calendrier détaillé de chaque opérateur et les clés pour anticiper l'extinction de ces réseaux sur le site de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse).

© Feellife de Getty Images Signature

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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