Par Emma Laune-Tereygeol (AFP) avec Cassandre Rogeret (Handicap.fr)
Le 17 août 2025, une fille de 11 ans s'est noyée dans une base de loisirs en Seine-et-Marne. Deux jours plus tôt, un garçon de 7 ans est mort dans l'Allier lors d'une sortie avec son centre de vacances. Le 11 août, un enfant de 11 ans a également perdu la vie en sortie avec un centre de loisirs dans le Val-de-Marne. Tous étaient porteurs d'un trouble du spectre autistique (TSA).
Des enfants 160 fois plus à risque de noyade
Si les enfants sont globalement plus exposés aux noyades - 27 mineurs sur 193 décès ont été recensés entre le 1er juin et le 23 juillet selon Santé publique France - le risque est encore plus marqué chez les jeunes autistes. Une étude américaine publiée en 2017 par l'Université de Columbia a établi qu'ils avaient « 160 fois plus de risques de noyade » par rapport aux autres enfants (USA : l'autisme augmenterait les risques mortels). « Ils sont plus à surveiller parce qu'ils ne voient pas forcément le danger, surtout avec la chaleur où ils sont attirés par la fraîcheur », explique à l'AFP Sandie Nahoum, présidente de la Fédération française des maîtres-nageurs sauveteurs (FFMNS).
« En raison de particularités sensorielles, de difficultés de communication ou d'impulsivité, certaines personnes autistes peuvent être attirées par des éléments de leur environnement sans toujours percevoir les dangers associés. L'eau, en particulier, exerce souvent une fascination naturelle : reflets, mouvements ou bruits peuvent attirer leur attention », précise Corinne Baculard, présidente de l'association Approche global autisme. « Ce n'est pas une raison pour leur interdire la baignade, mais il faut adapter », ajoute Sandie Nahoum.
Mieux encadrer pour mieux inclure
Cette vulnérabilité rend la surveillance complexe. « Surveiller activement, anticiper les situations à risque et mettre en place des mesures de prévention (gilets de sécurité, repérage des lieux, accompagnement rapproché) permet de réduire ces dangers et de protéger efficacement les personnes autistes, explique Corinne Baculard. Assurer leur sécurité, c'est non seulement prévenir les accidents mais aussi leur permettre de profiter pleinement des sorties, dans un cadre rassurant et bienveillant. »
Pour ce faire, « il faut qu'au moins une personne ne soit qu'avec eux », réclame Sandie Nahoum, soulignant un « manque de maîtres-nageurs » global. Elle recommande aussi aux accompagnants de « prévenir les maîtres-nageurs » lorsqu'un enfant en situation de handicap mental ou cognitif est présent sur la zone de baignade. « Ce n'est que par les moyens humains qu'on peut favoriser l'inclusion des enfants à besoins particuliers », insiste Véronique Gaillard, directrice du service des vacances adaptées aux Éclaireuses et éclaireurs de France (EEDF).
Une réglementation à revoir
La réglementation fixe un encadrant pour 12 enfants de plus de 6 ans mais ne précise rien pour les enfants à besoins particuliers. Un guide ministériel de 2022 recommande néanmoins de renforcer l'équipe si nécessaire. « La plupart des organisateurs sont au-dessus de ce taux, en moyenne un animateur pour dix ou huit enfants », précise Mme Gaillard.
Des drames malgré un encadrement suffisant
Dans le drame de l'Allier, la colonie comptait huit encadrants, mais seuls « quatre à six » étaient présents au moment du drame, a précisé le procureur de Moulins, Jérôme Piques, qui a ouvert une enquête pour homicide involontaire. Ce taux est supérieur aux obligations légales. Pourtant, le jeune garçon a échappé à la vigilance du groupe et s'est noyé dans un étang à proximité de la base de loisirs. Face à ce constat, Corinne Baculard exhorte à associer un encadrant pour chaque personne en situation de handicap.
Former les encadrants aux spécificités de l'autisme
« Les besoins spécifiques des personnes porteuses d'autisme - fuite, absence de conscience du danger, hypersensibilités - ne sont pas suffisamment connus », alerte l'Unapei, l'une des principales associations du secteur. Des stages spécifiques existent dans le cadre du BAFA, mais ne sont pas obligatoires. Ce manque de formation freine une inclusion réellement sécurisée. « Il est urgent de mettre en place des formations adaptées car le BAFA seul ne suffit pas pour encadrer ces jeunes », estime, de son côté, Corinne Baculard.
L'apprentissage de la natation, dès le plus jeune âge
Les professionnels recommandent aussi d'initier les enfants autistes à la natation dès le plus jeune âge. « L'apprentissage est un peu plus long mais il est faisable. Il faut insister auprès des parents, pour habituer les enfants autistes à l'eau », insiste Sandie Nahoum. Des créneaux de natation adaptés existent, mais ils sont encore rares et inégalement répartis. « Il n'y a pas une offre qui correspond à la demande pour accueillir ces enfants qui ont besoin d'un encadrement particulier et très important », confirme Patrick Gendre, vice-président du club de natation SASEP (Sport adapté du Sud-Est de Paris).
« Beaucoup de parents renoncent à ces sorties si la sécurité n'est pas garantie. (Ils) souhaitent pourtant que leurs enfants accèdent, eux aussi, aux loisirs et aux découvertes », souligne Renato Castellani, administrateur de l'Unapei.
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