Rhône: le couteau qui veut couper court aux délocalisations
Par Marc PREEL
LYON, 27 juil 2007 (AFP) - Cuiller, fourchette, décapsuleur, ouvre-boîtes et une belle lame: de ce pratique couteau de randonnée multifonctions, un entrepreneur altermondialiste veut faire une arme anti-délocalisation, "100% éthique, 100% Rhône-Alpes".
Tatou, un best-seller de la coutellerie qui a longtemps équipé les paquetages des soldats français, a failli voir sa production filer en Chine début 2007. Les ventes s'essoufflaient et son concepteur, Michel Rosaz, un designer lyonnais proche de la retraite, songeait à le revendre à un grossiste qui l'aurait fait fabriquer à l'étranger.
Roland Nurier, 52 ans, raconte: "Mon sang n'a fait qu'un tour. Au risque de passer pour un ringard, je lui ai dit +je te reprends l'activité pour le fabriquer ici+. J'avais un lien affectif avec ce couteau, dont mon entreprise fournissait le ressort".
"Quand il m'a vendu son affaire, Michel Rosaz m'a dit "qu'est-ce tu vas te creuser la tête, va le faire en Chine". C'était effectivement le plus simple, mais j'ai des convictions", explique-t-il devant l'atelier de l'établissement et service d'aide par le travail (ESAT) de Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), où vont prochainement être assemblés les 500 premiers exemplaires de la nouvelle version du Tatou.
"C'est vraiment l'autre idée qui me plaisait, parce qu'on a vraiment des gens ici qui sont des accidentés de la vie, et j'ai trouvé ça bien de leur donner du travail", ajoute M. Nurier.
Cinq malvoyants travailleront au montage du couteau, dont les éléments métalliques sont produits à Thiers (Puy-de-Dôme) et le manche à Noirétable (Loire). D'autres handicapés de l'ESAT voisin de Dardilly (Rhône) se chargeront de l'étui.
Modeste pour l'instant, la production devrait rapidement être multipliée par dix l'an prochain pour être portée à 5.000 unités.
Fabriqué par des entreprises locales, monté par des handicapés, vendu hors de la grande distribution: c'est tout un circuit éthique qu'a voulu inventer le nouveau patron de ce couteau.
Mais Tatou, dont 2% du chiffre d'affaires sera reversé à diverses associations et ONG - Handicap International, Eau Vive, Restos du Coeur - veut rester compétitif. Ce couteau est vendu 25 euros, garanti 5 ans, alors qu'une copie chinoise du Tatou se négocie à 23 euros, selon M. Nurier.
Cadre dans l'industrie mécanique et militant d'ATTAC, Roland Nurier peut se targuer d'être aux premières lignes sur le front économique, là où la plupart de ses camarades de l'association altermondialiste sont professeurs ou étudiants, loin des réalités de l'industrie et de l'obsession des coûts les plus bas.
Fidèle à son credo alternatif - "mettre l'économie au service de l'homme, pas le contraire" - il considère que le message n'en est que plus fort. "Mes collègues sont un peu fatalistes, ils me disent : "qu'est ce que tu veux qu'on fasse ?". Mais non, on peut faire quelque chose !"
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