Handicap.fr : Les Journées du patrimoine viennent de s'achever. Cette année, elles avaient pour thème « Un patrimoine accessible à tous ». Quelles ont été les actions proposées en Ile-de-France ?
Henriette Zoughebi : Nous avions mis en place de nombreuses visites adaptées. Quelques exemples ? Des animations pour handicapés visuel et auditif au Musée en herbe, un parcours tactile et une visite en langue des signes à la maison de Victor Hugo, des visites adaptées à tous types de handicap au Muséum d'histoire naturelle ou pour les malentendants à la Bergerie nationale de Rambouillet... Et surtout un florilège d'animations au château de Champs-sur-Marne, ouvert exceptionnellement pour l'occasion.
H : Combien y-a-t-il de sites labélisés « Tourisme et handicap » en Ile-de-France ?
HZ : 200 au total, labélisés ou en cours de labellisation.
H : Désormais, la loi impose des critères d'accessibilité dans le cadre d'une construction mais également d'une restauration. Est-ce toujours respecté dans les monuments anciens et de telles adaptations ne risquent-elles pas de dénaturer le patrimoine historique ?
HZ : C'est obligatoire mais pas toujours fait ! Avec les services des Monuments historiques, il n'y a pas de problème car une solution technique est toujours envisageable mais le veto vient souvent des finances. Il y a une prise de conscience des pouvoirs publics mais il ne s'agit pas seulement de faire une campagne de pub ambitieuse, il faut aussi y mettre les moyens. La thématique de ces Journées du patrimoine 2009 doit inciter les politiques et directeurs du musée à progresser dans ce sens.
H : Avez-vous un exemple d'aménagements réussi dans un bâtiment séculaire ?
HZ : Oui, à la basilique de Saint-Denis (93). Un parcours est proposé aux sourds et non-voyants, et un ascenseur a été aménagé qui permet aux personnes à mobilité réduite de visiter presque l'ensemble du monument.
H : Mais tous les sites historiques ne sont pas forcément aménageables ?
HZ : Il n'y a pas seulement la question de l'adaptabilité des locaux. Aménager un ascenseur dans une basilique, c'est extrêmement onéreux, d'accord, mais il est assez facile de mettre en place des initiatives pour les personnes présentant un handicap mental ou sensoriel, comme des visites en langue des signes. Mais cela suppose la mise à disposition d'un personnel compétent. Développer l'accueil, c'est aussi par ce biais que l'on peut mener une vraie politique d'intégration !
H : Alors pourquoi ne voit-on pas davantage d'initiatives dans ce sens ?
HZ : Question d'argent, certes, mais aussi de volonté politique et personnelle ! Le Comité régional de tourisme d'Ile-de-France fait figure de conseil et s'implique auprès des associations de personnes handicapées pour faire des expertises, à la demande des directeurs de sites. Il est évident que certains ont envie de se battre plus que d'autres, comme la Cité des sciences de la Villette.
H : Mais ce sont beaucoup d'efforts engagés pour une population somme toute assez minoritaire ?
HZ : Absolument pas ! Prenons l'exemple de la Grande galerie de l'évolution, au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Elle est accessible aux personnes à mobilité réduite mais, au-delà, aux familles avec poussettes tandis que les codes couleurs mis en place pour les déficients visuels, un élément de repère formidable, facilitent aussi la visite des personnes âgées ou de celles ayant des difficultés pour lire.
H : Ce qui est bon pour les personnes handicapées et donc pour bon pour tous les autres ?
HZ : Bien sûr ! Cette implication en termes d'accessibilité, y compris dans les transports, vaut pour tous ceux qui ont des difficultés de vie momentanée, pour les personnes vieillissantes... En s'occupant des personnes les plus fragiles, on s'occupe de nous-mêmes. Il faut cesser de regarder cette question par le petit bout de la lorgnette ! Elle a un véritable sens social. C'est vraiment une philosophie à défendre. Revenons sur les notions d'investissement : il ne faut pas oublier que la population française est vieillissante et que nous devons faire un effort pour anticiper cette évolution. Cette solidarité est très rentable à terme, notamment pour la fréquentation des musées. C'est toute une ergonomie nouvelle à repenser, qui doit prendre toute son ampleur sans être perçue comme une figure imposée !
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Propos recueillis par Emmanuelle Dal'Secco
Photo: Henriette Zoughebi, présidente du Comité régional du tourisme d'Ile-de-France