Campagne Handivalides : Strasbourg

La 6ème Campagne Handivalides 2011 a pour mission de sensibiliser la communauté universitaire aux déficiences sensorielles et motrices. Interview de Fabienne Rakitic (mission handicap) qui ouvre les portes de l'université de Strasbourg le 24 mars.

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La Campagne Handivalides, c'est quoi ?
Le 8 février 2011, l'association Starting-Block, initiatrice de cet évènement, a lancé, à Sciences Po, sa 6ème campagne Handivalides. C'est une fois encore Marie-Amélie Le Fur, double vice-championne paralympique d'athlétisme et étudiante en master physiologie du sport à Montpellier, qui est la marraine de cet événement. Jusqu'au 19 mai, 40 journées sont co-organisées par des associations étudiantes, en lien avec les services handicap des établissements, afin de favoriser l'intégration des étudiants handicapés dans l'enseignement supérieur. Un calendrier des manifestations (tables rondes, forums, mises en situation, expositions, échanges...) organisées sur chaque campus est disponible, jour après jour, sur le site de l'association. Des thématiques spécifiques sont abordées, souvent en lien avec la spécialité de l'établissement, qui permettent d'envisager une vraie prise en compte du handicap dans le parcours professionnel des futurs diplômés. A l'ESTP (Ecole spéciale des travaux publics) : « Comment considérer les normes d'accessibilité pour les personnes handicapées dans le BTP ? ». A l'Ecole vétérinaire : « Etre vétérinaire et handicapé : levons les tabous ! »

Handicap.fr : L'université de Strasbourg, la plus importante de France avec 42 000 étudiants, organise, le 24 mars 2011, sa journée « Handivalides », c'est une première ?
Fabienne Rakitic : Non, c'est la troisième fois. La mission handicap de notre université n'a que 18 mois (et déjà 160 étudiants). En 2010, nous l'avions organisée à la fac de droit car c'est elle qui concentre le plus grand nombre d'étudiants handicapés. Cette année, nous changeons d'univers et investissons le Patio, le fief des sciences humaines.

H : Quel sera le thème ?
FR : Le handicap psychique. Une table ronde est d'ailleurs organisée sur le thème : « Handicap psychique et parcours à l'université : mieux comprendre pour mieux accompagner. »

H : On aborde souvent le handicap moteur mais plus rarement le psychique, qu'il soit trouble, déficience ou handicap ? C'est d'autant plus singulier dans une université où ces personnes semblent n'avoir pas toujours leur place !
FR : Je vais vous donner ma réponse en chiffre. Nous nous sommes rendu compte que 10 % de nos étudiants souffraient de ce type de problèmes. Certains sont identifiés comme tels et viennent nous voir avec un discours concret : « Mon psychiatre m'a dit que j'étais autiste Asperger ou schizophrène » mais il y a aussi des étudiants déjà en situation de handicap qui souffrent de difficultés psychologiques ou de dépression. Ce qui me rassure, c'est que tous peuvent désormais avoir accès aux études supérieures, moyennant un accompagnement spécifique et l'aménagement de leur parcours dans la durée, nécessaire, par exemple, à cause d'une grande fatigabilité. Nous avons également des étudiants agoraphobes incapables d'aller en cours. Il faut donc mettre à leur disposition des cours à distance, en les incitant peu à peu à revenir en classe.

H : Quel type d'animations comptez-vous proposer lors de cette journée Handivalides ?
FR : Des ateliers et mises en situation sont organisés de 12 à 17h : parcours en fauteuil, avec une canne, ateliers déficience auditive et visuelle, table tactile du musée du Louvre. C'est très ludique, alors les jeunes se prêtent facilement au jeu. L'Amicale des sciences a même prévu un repas à l'aveugle au restau U, qui rencontre déjà un vif succès.

H : Les étudiants valides se sentent-ils vraiment concernés et ne regardent-ils pas ce type d'implication avec beaucoup de distance ?
FR : J'étais très agréablement surprise par le bilan de la journée 2010, surtout en droit où c'est souvent chacun pour soi. 200 participants ont joué le jeu. C'est pourquoi il faut multiplier ce genre d'initiatives car il n'y a rien de tel que de vivre ce type d'expériences de façon sensitive.

H : Et les enseignants, sont-ils réellement sensibles à l'intégration des étudiants handicapés ?
FR : Comment répondre à cette question ? Il y a encore du travail ! Notre université est une grosse maison alors, sur l'ensemble, il y a tous les profils : les très engagés, les réfractaires, ceux pour qui le handicap est une corvée. Il faut y aller pas à pas. Nous avons prévu, dans le cadre de la formation continue du personnel, plutôt que de proposer un module « handicap » que personne n'aurait choisi, d'insérer les questions de handicap de façon judicieuse.

H : Votre mission mène donc aussi une action auprès des enseignants ?
FR : Oui, évidemment, il faut tenir compte de toutes les parties. Il est certain que si vous lâchez un élève en disant au professeur : « Vous avez un schizophrène dans votre classe », ça risque de le heurter, à cause de tous les clichés sur les troubles mentaux. C'est pourquoi nous mettrons en place, à la rentrée, un système de binôme référent handicap (un enseignant et un administratif) sur chaque composante (UFR, site, école...) afin de déployer l'action de notre mission. Nous faisons le pari qu'il permettra de faire bouger les mentalités plus rapidement chez certains professeurs.

H : Jugez-vous, aujourd'hui, que tout est fait pour permettre aux étudiants handicapés de suivre des études supérieures ?
FR : 10 500 étudiants handicapés recensés en France, contre seulement 700 au début des années 1980 ! Le bilan est évidemment très positif mais il reste tant à faire, dans trois domaines. En premier lieu, l'accessibilité des bâtiments, mais comment engager des travaux sans subventions ? Ensuite, l'accès au savoir. C'est pourquoi nous avons mis en place un espace numérique qui permet, par exemple, de récupérer des cours en ligne ou sonorisés. Une expérience avec les non-voyants est également en cours. Mais la question la plus cruciale, c'est comment aborder l'insertion dans le milieu professionnel des étudiants handicapés, notamment psychiques car c'est l'un de troubles les plus difficiles à faire valoir au niveau professionnel. C'est un travail de longue haleine, de la dentelle, tout au long du cursus. Travailler avec les partenaires professionnels et les convaincre, c'est certainement le plus gros challenge de notre mission.

H : Y-a-t-il des réunions nationales entres chargés de mission handicap de l'enseignement supérieur ?
FR : Oui, une fois par an. Elle réunit tous les signataires de la charte Université handicap, et permet d'échanger sur ce sujet. La prochaine a d'ailleurs lieu à Lyon les 24 et 25 mars. C'est ma collègue qui s'y rendra.

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